Auteur : HENRY JAMES -1881- 177 pages.
Traduction : Claude GRIMAL
Editions : NRF Bibliothèque de La Pléiade.
Un lieu principal, New-York et particulièrement un quartier, Washington-Square, qui vient de sortir de terre à l'intention des classes fortunées.
Une période de temps restreinte, autour des années 1850, qui voit la ville se développer et se transformer à toute allure et ses habitants abandonner de plus en plus les valeurs traditionnelles.
Quatre personnages majeurs :
Le père, le docteur Austin Sloper, homme brillant et énergique, qui malgré tout son talent, largement reconnu dans le meilleur monde, n'a pu empêcher la mort de son fils de trois ans, déjà paré de toutes les vertus, ni celle de sa jeune, ravissante et très chère épouse emportée deux ans plus tard.
Sa fille cadette et unique rescapée de la famille, Catherine, âgée d'une vingtaine d'années au début du roman, qui après toutes ces merveilles, lui apparaît si terne.
La tante enfin, Mrs Penniman, veuve d'un pasteur, qui vit avec eux depuis les dix ans de Catherine et dont le caractère, romaneque à outrance, va conduire à bien des abus.
Enfin, un beau jeune-homme peu scrupuleux, Moris Townsend, dont il ne faut pas être grand clerc pour comprendre, que l'intérêt très vif qu'il porte à Catherine est beaucoup moins éthéré que ses propos lui laissent entendre.
Telle est la trame, plutôt conventionnelle de ce court roman.
Mais voilà, son auteur est Henry James et le conventionnel de la situation va très vite être oublié.
Car se joue ici un véritable drame, celui de Catherine, la gentille, la craintive, la respectueuse, la silencieuse, dont les seuls excès sont ceux de sa vêture.
Traitée avec ironie par son père, qui fort de l'autorité qu'il sait avoir sur elle, l'observe avec une attention dédaigneuse comme il le ferait d'un cobaye de laboratoire ; transformée en marionnette par sa tante qui compte, à travers elle, vivre les situations échevelées qu'elle n'a pas connues avec son ecclésiastique époux ; manipulée par son prétendant qui voit en elle au premier regard, la parfaite oie blanche dont il pourra tirer partie, Catherine leurs apprendra avec ténacité que les faibles ont cependant des armes et qu'il suffit de peu de choses, quelques mots, pour réduire à néant, confiance et respect.
Un roman lu en deux jours avec avidité, presque une pièce de théâtre (il en a été tiré une d'ailleurs, ainsi que plusieurs films), dont la saveur tient autant à la cruauté des situations, qu'à la beauté et l'efficacité du style de son auteur.
"The Heiress", William Wyller. 1949; Catherine et Moris Townsend |
"Catherine demeura seule dans son fauteuil près du feu - elle y demeura pendant plus d'une heure, perdue dans ses méditations. Sa tante lui semblait agressive et stupide, et le fait de s'en apercevoir si clairement - de juger Mrs Penniman de manière si tranchée - lui donnait le sentiment d'être vieille et sévère. Elle ne lui en voulait pas de l'avoir accusée de faiblesse ; cela ne l'avait pas touchée, car elle n'avait pas le sentiment d'être faible, et elle ne se sentait pas blessée d'être mésestimée. Elle avait un immense respect pour son père, et lui déplaire lui semblait un délit analogue à la profanation d'un grand sanctuaire ; mais sa résolution avait lentement mûri, et ses prières, elle en était convaincue, avaient purifié cette résolution de sa violence.
La soirée avançait, et la lampe avait baissé sans qu'elle l'eût remarqué ; ses yeux restaient fixés sur son terrible projet. Elle savait que son père était dans son bureau - qu'il s'y trouvait depuis le début de la soirée ; de temps en temps, elle s'attendait à l'entendre se déplacer. Elle pensait qu'il apparaîtrait peut-être au salon, comme il le faisait parfois. Finalement l'horloge sonna 11 heures, et la maison fut plongée dans le silence ; les domestiques étaient allés se coucher. Catherine se leva et se dirigea lentement vers la porte du bureau, devant laquelle elle attendit un moment sans bouger. Puis elle frappa et attendit à nouveau."
Christian en avait parlé, avec un peu moins d'enthousiasme que moi, ici.
Je poursuis George Eliot. Quand j'aurai terminé, c'est sûr, je relirai Henry James.
RépondreSupprimerMerci pour ce passage.
Bonne journée.
J'ai fini Middlemarch, que j'ai beaucoup aimé. J'ai été frappé par l'ampleur de sa pensée et la justesse des personnages, tout en étant parfois étonnée par les longues digressions sur un sujet ou un autre, qui n'existent pas chez Henry James (je préfère, je dois l'avouer). Je continuerai la lecture de ces deux auteurs.
SupprimerBonne journée également.
Effectivement, ces digressions sont légions, étonnantes et malgré tout époustouflantes car elles montrent l'ampleur de la culture de George Eliot. Sans doute (je ne suis pas critique littéraire ni spécialiste) voulait-elle aussi montrer qu'une femme peut avoir une culture encyclopédique ?
SupprimerEpoustouflantes c'est le mot ! Je me suis sentie bien inculte à côté. J'ai été également frappée par l'extraordinaire force qu'on sent chez elle. Bonne journée à vous.
SupprimerJe ne l'ai pas lu, mais j'ai dû voir un film, je ne sais plus quelle version ..
RépondreSupprimerTu devrais le lire, car c'est un très bon livre. Quant à moi, maintenant que je l'ai lu, je vais m'intéresser aux films.
SupprimerBonne journée, Aifelle.
pour poursuivre sur Aifelle, l'adaptation cinéma n'est pas franchement mauvaise, les acteurs sont excellents mais elle ne fait pas du tout oublier le roman
RépondreSupprimerje crois que c'est une de mes premières lectures de James et après j'ai enclencher la suite car comme toi je me suis laisser prendre à l'habileté de l'auteur, à sa façon si particulière de mettre en scène ses personnages, de nous les faire découvrir
As tu lu les Papiers d'Aspern, je pense à ce petit roman ou longue nouvelle car il fut aussi dans mes premières lectures et je m'étais délectée
Non, je ne les ai pas lus, Dominique et je vais rechercher ce livre tout de suite. Je me régale vraiment à lire Henry James, comme Edith Wharton d'ailleurs... Il m'arrive même parfois de confondre les personnages ! Après celui-ci, il ne me reste plus à lire dans La Pléiade que "Portrait de femme", dont je me délecte aussi par avance.
RépondreSupprimerCe n'est pas le roman que je préfère de James, mais je l'ai lu (et chroniqué) avec plaisir. Je préfère le James du "Tour d'écrou".
RépondreSupprimerJe vais relire vos deux articles et mettre la référence à celui concernant Washington Square.
SupprimerJ'ai du mal en fait à hiérarchiser mes préférences lorsque j'aime un auteur. Et c'est le cas ici.
Merci Annie pour le lien. Nous n'avons pas tous les mêmes affinités avec les lectures, cette diversité fait l'intérêt et le charme de la blogosphère livres.
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RépondreSupprimerblogspot a encore frappé, mon commentaire a disparu!
RépondreSupprimerJ'y disais que j'avais lu ce roman récemment (billet pas encore paru, il attend). Bien sûr je continue avec l'auteur, tranquillement!
keisha (qui passe sous anonyme, on essaie;..)
Cela devient fatigant à la longue et j'en suis désolée pour toi. J'attends ton billet avec impatience !
SupprimerJe ne l'ai pas lu : à découvrir par conséquent ! Bonne fin de semaine, Annie.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé cette lecture et j'ai également apprécié (après lecture) ! le film que William Wyler en a tiré, "The Heiress", avec Olivia de Haviland et Montgomery Clift notamment.
SupprimerUn très beau roman de James (mais il faut dire que je ne suis pas très objectif sur James). :-)
RépondreSupprimerJe suis sur la même longueur d'ondes...
RépondreSupprimerOui, c'est un texte magnifique !
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