dimanche 24 novembre 2013

mercredi 20 novembre 2013

FEDE GALIZIA


C'est devenu un jeu pour moi : rechercher les oeuvres de femmes, dans les musées que je visite.
Le plus souvent il faut y mettre un certain entêtement... La découverte n'en est donc que plus plaisante.

Voici donc mon dernier trophée :  le "Portrait de Paolo Morigia", daté de 1596, exposé à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan.

"Portrait de Paolo Morigia" - 1596 -Bibliothèque Ambrosienne, Milan, Italie


Son auteure est une jeune-femme alors âgée de dix-huit ans, Fede GALIZIA, que Paolo Morigia, historien et jésuite n'hésite pas à faire figurer dans son "Nobilita di Milano", parmi les personnes les plus distinguées de la ville.


Détail des loupes dans lesquelles se reflètent des objets de la pièce.


Elle est née en 1578, à Milan justement ou à Trento, dont son père,  Nunzio Galizio, peintre miniaturiste, est originaire.  
C'est lui, bien sûr, qui lui apprend le dessin et la peinture, lui donnant peut-être ce goût du détail parfaitement rendu, qui caractérise l'ensemble de ses oeuvres.
On sait relativement peu de choses de sa vie, si ce n'est qu'elle obtint très rapidement une renommée certaine, qu'elle ne se maria jamais, qu'elle prononça ses voeux le 21 juin 1630 et mourut de la peste quelques temps après.

Si beaucoup de ses oeuvres ont disparu, comme celles commandées par l'Empereur Rudolph II,  si certaines, peut-être même nombreuses, ont été attribuées à d'autres peintres, on estime à environ soixante-trois le nombre de celles, restantes, qui lui sont officiellement reconnues - car signées et datées - ou attribuées.
Parmi celles-ci, des miniatures, des portraits mais également des retables pour des églises de Milan comme le "Noli me tangere" réalisé en 1618 pour l'église Santo Stefano,



ou des tableaux à sujet religieux comme ce "Judith et Holopherne".


"Judith et Holopherne" - 
Ringling Museum, Sarasota, Floride, E-U


Détails du bracelet et signature de Fede Galizia.

Cependant, c'est surtout pour ses natures mortes qu'elle est restée dans les mémoires, puisqu'elle est considérée comme "l'artiste phare de la nature-morte archaïque"* lombarde.


"Coupe avec des prunes, despoires et une rose" - 1602 - Non localisée

Ce tableau,  un petit panneau de bois peint qui est "la première nature morte datée de Fede GALIZIA " et "la première nature-morte datée du XVII ème lombard"*,  est caractéristique de son style mais plus largement encore de celui de cette époque et de ce lieu :

 "Une grande sobriété, une attention aux choses simples, et une tendance à la géométrisation des formes. "*


Au même moment parviennent à Milan, à l'adresse du cardinal Federico Borromeo les premiers et fastueux bouquets de Jan Bruegel, peints sur cuivre.
Ces deux mondes vont se rencontrer... et la nature-morte évoluer.




Sources :
En français : 
-  Galerie Canesso : www.canesso.com, dont sont issues toutes les citations marquées d'une *
En anglais :
- article Wikipedia : Fede Galizia
- Clara database of women artists : http;//clara.nmwa.org
- Delia Gaze : "Concise dictionnary of women artists" : Google books

jeudi 14 novembre 2013

LE RHINOCEROS D'OR

 


Histoire du Moyen-Age africain
Auteur : François-Xavier FAUVELLE-AYMAR
Editions : Alma 2013 - 317 pages 


Autant commencer par le dire tout de suite : ce livre m'a enthousiasmée !
Après avoir hésité à l'acheter, après avoir hésité à le lire, je m'y suis plongée de plus en plus avidement, regrettant amèrement, après plus de trois cents pages qu'il soit déjà terminé.

De quoi s'agit-il ?

Pour faire vite on peut répondre d'un livre d'histoire, et de la meilleure qui soit.
Son cadre ? L'Afrique.
La période étudiée ? Ce que par frustration, on a appelé "les siècles obscurs "de l'Afrique, ce long moment, presque un millénaire,  qui s'étend du VIII ème au XV ème siècle, mais dont on pourrait tout aussi bien penser qu'il est celui des "siècles d'or".

Ce sont  de "maigres sources" qui nous le disent,  et ce sont ces "maigres sources" que l'auteur  nous présentent.

Une à une, par courts chapitres le plus souvent : des récits de voyages, des écrits de géographes, des témoignages de marchands, des rouleaux de papyrus enterrés puis retrouvés, des cartes plus ou moins historiées, des morceaux de fresques, des ruines, quelques statuettes... Très peu de références écrites européennes, beaucoup de textes arabes, quelques témoignages chinois, très peu de choses en fait comparativement à la période antique ou au monde colonial.
Suffisamment cependant pour nous offrir le passionnant portrait d'une Afrique que nous ignorons le plus souvent , une "Afrique de cet âge intermédiaire" qui " a connu de puissantes et prospères formations politiques, mis en oeuvre elle-même sa participation aux grands courants d'échanges intercontinentaux... a vu se développer des villes où des princes africains avaient leurs palais où résidaient des marchands étrangers,  où s'échangeaient produits de luxe et esclaves, où se bâtissaient mosquées ou églises." 
Une Afrique enfin qui "a été l'actrice de l'exploitation de ses propres ressources, parmi lesquelles l'or tenait une place de choix" et qui jouissait "d'une renommée considérable, de l'Europe à la Chine."


Ce qui fait le charme puissant de cet ouvrage, tout au moins pour moi, c'est un mélange de merveilleux et de parfaite  rigueur scientifique.

Merveilleux des situations, des descriptions et des représentations graphiques :
Comment ne pas rêver sur les traces d'Uqba ibn Nâfi, un des commandants de la conquête du Maghreb dans la seconde moitié du VII ème siècle, avançant de proche en proche jusqu'au nord du Niger en fonction des réponses données à sa lancinante question :
  "Y-a-t-il encore quelqu'un au-delà de vous autres ?"

Comment ne pas sourire à la lecture de cet auteur du début du X ème siècle affirmant :
"Dans le pays de Ghâna, l'or pousse comme des plantes dans le sable, comme poussent les carottes. On le cueille au lever du soleil."

Comment ne pas écarquiller les yeux devant ces cartes , qui nous proposent de si belles images de l'Afrique, de ses rois, de ses cités ?


Atlas catalan -1375- Bibliothèque Nationale de France
Et je pourrais ainsi multiplier les exemples à l'envi.

A l'inverse, j'ai été tout autant charmée par la parfaite rigueur scientifique de la démarche : pas d'inventions des hypothèses ou des faits, justifiés par des notes regroupées en fin de chapitre qui ne manquent pas de signaler également d'autres pistes préférées par certains. Un langage clair, un glossaire en fin d'ouvrage, des renvois vers d'autres chapitres, des cartes parlantes...
Une leçon d'histoire et un vrai plaisir !

Il faut enfin signaler les qualités de l'édition : une mise en page moderne et élégante, de beaux caractères très lisibles, des illustrations éclairantes... le tout pour beaucoup  moins cher qu'un gros roman.

Un très beau cadeau à faire ou à se faire !

dimanche 10 novembre 2013

mercredi 6 novembre 2013

LETTRES A SA FILLE




Auteure : Calamity JANE
Traduction : Marie SULLY et Gregory MONRO
Editions : Rivages 2007 - 127 pages-


C'est une correspondance qui n'en est pas une. Une trentaine de lettres écrites sur des carnets durant vingt-cinq ans, qui n'arriveront à leur destinataire qu'après la mort de celle qui les avaient rédigées.

Celle qui les avait rédigées, c'est  Martha CANARY, devenue Jane HICKOK puis Jane BURKE, après ses mariages, mais que l'on connaît surtout par son surnom de Calamity JANE, la femme qui tire plus vite que son ombre.
La destinataire, c'est une petite-fille, puis une fillette, puis une jeune-fille, puis une jeune-femme : Janey O'NEIL, puis OAKES, puis McCORNICK, qui la rencontre de loin en loin, sans savoir qu'elle est sa mère, celle qui l'a confiée pour adoption à Jim et Helen O'NEIL alors qu'elle avait un an,  pour lui épargner "le long cauchemar hideux" d'une vie d'errance.

Vingt-cinq lettres donc, certaines de quelques lignes d'autres de quelques pages, écrites  bien souvent à la lumière des feux de camp : les coyottes et les loups rodent, les indiens aussi.
Vingt-cinq lettres cependant suffisantes pour nous raconter plusieurs vies : celles de la fille d'un prédicateur, qui n'est allée que trois ans à l'école, préférant s'enfuir "à la première occasion qu'elle a eue". Celle d'une femme amoureuse et trompée, celle d'une aventurière, meneuse de bétail, chasseuse d'indiens et de brigands, conductrice de diligence, infirmière, une des vedettes aussi du Wild West Show de son ami Bill CODY alias Buffalo BILL, celle enfin d'une femme vieillie trop vite et devenue aveugle dont la grande peur est de mourir seule, ce qui sera le cas ou presque.

Entre les "Ma chérie" ou "Chère Janey", qui introduisent ces lettres et le "Bonne nuit, Chérie" qui les terminent le plus souvent, c'est toute la souffrance d'une âme  qui nous est ainsi dévoilée. Fierté  d'être une femme "qui s'occupe de ses propres affaires", souffrance d'une femme qui se sent seule,  rejetée, méprisée, vilipendée, surtout peut-être souffrance d'être celle qui ne compte pour personne, celle qui se sent coupable d'avoir donné sa fille -"t'abandonner m'a presque tuée Janey"- celle qui reconnaît qu'elle se traînerait sur les genoux "seulement pour être près de toi".

Beaucoup d'émotion, mais quelques morceaux d'anthologie aussi : l'Ouest, n'est pas l'Est où réside Janey et les moeurs y sont beaucoup moins policées :  La vie de Calamity JANE n'est pas celle d'une bourgeoise ou d'une aristocrate ces "femmes bonnes à rien". Elle doit se défendre, contre les hommes et peut-être plus encore contre les femmes comme celles d'Old Clark City, qui veulent la chasser de la ville... 

"Je lui ai arraché son pantalon long et je l'ai laissée plantée là dans ses culottes de naissance pour que les hommes s'en paient une bonne tranche. Ensuite, j'ai pris le pantalon et ses rangées de dentelle au crochet et je les ai noués au cou d'une autre femme qui était en train de me taper sur la tête. Quand j'ai vu sa langue pendre, je me suis attaquée à une autre."

Ce  qui ne l'empêche pas, de retour chez elle, de préparer son "Gâteau de vingt ans", sa levure ou sa sauce au raifort, dont en bonne mère, elle confie les recettes à sa fille, à présent mariée.

Une belle lecture, très émouvante, très éprouvante aussi devant tant de douleur :

"Toutes ces années, je ne voulais rien d'autre que toi."
"J'ai besoin d'une petite-fille."

Sa propre petite-fille, décédée enfant, elle ne la connaîtra pas.