mardi 28 novembre 2017

TROIS MERVEILLES : SAINT-JULIEN DE BRIOUDE


Le lendemain, nous avions quitté la montagne pour la plaine ou presque, et les villages pour la ville :
Brioude, encore assez ramassée autour de sa basilique Saint-Julien, à qui, une  récente et très belle restauration,  a rendu  tout son éclat.




L'histoire commence en fait en 304, lorsque Julien, soldat romain converti au christianisme, est décapité à Brioude.  
La légende raconte que deux vieillards,  ayant transporté et inhumé son corps jusqu'à l'emplacement du choeur de l'actuelle basilique, auraient immédiatement après, retrouvé toute  "la vigueur de leur jeunesse".

On comprend pourquoi le tombeau, sur lequel ont successivement été bâtis, un oratoire puis deux basiliques, mérovingienne et carolingienne, attire ensuite de très nombreux pèlerins.

Devant cet engouement, les puissants chanoines du lieu décident alors d'ériger une nouvelle  église,  qui devient et reste de fait la plus grande église romane d'Auvergne.
Commencés vers 1060, les travaux s'étaleront sur quatre générations, "du printemps à l'automne de l'art roman", la nef étant surélevée et voûtée d'ogives au milieu du XIIIe siècle.




J'avoue ne pas avoir été troublée par cette très relative hétérogénéité. Car ce qui frappe ici avant tout ce sont les couleurs, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur.

Couleurs mêlées des pierres :  grès roses ou jaunes d'Alaires et de Lauriat, scories rouges de La Vergueur, basalte noir ou rouge,

A l'extérieur,




 comme à l'intérieur.




Couleurs douces des sols, en galets des rivières de l'Allier,




Couleurs vives des fresques du XIIe siècle, qui ornent les colonnes, les murs, les voûtes, notamment  celles de la très belle chapelle Saint-Michel.






Couleurs lumineuses  des vitraux contemporains enfin, oeuvre du père dominicain, Kim En Joong, sur lesquels je reviendrai prochainement.




Mais la sculpture n'est pas absente pour autant de ce magnifique ensemble :

Chapiteaux sur lesquels on retrouve des scènes de l'antiquité ou du Moyen-Âge (de rares allusions à la Bible, aucune à la vie de Saint-Julien),


Le combat des chevaliers.

ou clef de voûte cocasse,




ou encore cette très rare "Vierge parturiente"  en bois, du XIVe siècle, qui faisait vraisemblablement partie d'un ensemble de personnages groupés autour de la crèche.




J'ai trouvé splendide cette basilique, toute empreinte de sérénité joyeuse.

mercredi 22 novembre 2017

MADAME DE SEVIGNE





Auteur : Roger DUCHÊNE
Editions : Tallandier. Texto. 2012. 588 pages


Le très beau château de Grignan a accueilli de la fin mai à la fin octobre 2017, une exposition sur 
"Sévigné , Epistolière du Grand Siècle".
Outre le grand plaisir de  pouvoir visiter celle-ci, j'ai donc pu découvrir le magnifique ensemble que forment le village et la château et y acquérir la biographie que Robert Duchêne a consacré à la très célèbre marquise.


Source : grignan.free.fr

Il s'agit en fait  de la seconde édition de cet impressionnant ouvrage, la première datant de 1982, réécrite "en fonction de l'expérience acquise dans le temps " par son auteur, devenu depuis, également le biographe de nombreux personnages, liés d'une façon ou d'une autre à Madame de Sévigné.

Rien à voir, vous l'aurez compris, avec une biographie romancée.
Bien au contraire, tout ici est justifié par les écrits de la marquise et de ses correspondants, dont son très célèbre cousin Bussy-Rabutin, son amie Madame de La Fayette, d'autres proches ou contemporains aussi, à l'exception de l'autre héroïne de ce livre, muette ou presque puisque toutes ses lettres ont été détruites,  Françoise Marguerite de Sévigné, comtesse de Grignan,  celle dont l'éloignement en Provence, nous a valu, les superbes lettres de sa mère, sept-cent soixante quatre missives sur les neuf-cents qu'elle lui a adressées.

Françoise, Marguerite de Sévigné (vers 1669). Attribué à Mignard
Musée Carnavalet. Paris

En quarante-sept chapitres, nous découvrons donc comment  Marie de Rabutin-Chantal,  née à Paris le 5 février 1626, très tôt orpheline de père puis de mère, vit une enfance cependant heureuse, entourée qu'elle est de l'affection de toute sa famille maternelle, les Coulanges et de l'attention, plus lointaine, de sa  très sainte grand-mère paternelle, Jeanne de Chantal, qui ne l'influencera guère.

Enfant heureuse, elle se révèle jeune épousée enjouée, voire "guillerette", auprès d'un mari volage, qui la laisse veuve à vingt-cinq ans, chargée de deux enfants et de nombreuses dettes.
Revenue à Paris auprès des Coulanges, elle va y poursuivre, lorsqu'elle ne se rend sur ses terres bretonnes, l'existence plutôt joyeuse, d'une jeune veuve  pleine d'esprit, courtisée mais sachant rester distante, brillant à la ville plutôt qu'à la cour :  de "race frondeuse",  on la tient en effet un peu à distance.  Son cousinage avec Bussy-Rabutin et son amitié pour Fouquet ne jouent pas en sa faveur, même si sa fille, dont le roi admire la beauté, danse avec lui à Versailles en plusieurs occasions.

Puis en janvier 1669,  survient l'évènement tant attendu, mais qui va bientôt bouleverser ce bel équilibre : le mariage de sa fille avec le comte de Grignan.
Le nouveau couple reste tout d'abord auprès d'elle. Mais, très vite, son gendre est nommé lieutenant général pour le roi au gouvernement de Provence, grand honneur, certes, mais qui implique bientôt son départ. Son épouse le suit quelques mois plus tard.

Epreuve terrible, véritable "arrachement" pour Madame de Sévigné, d'autant plus violent qu'elle doute de l'amour de sa fille, pourtant réel, dont elle ne peut comprendre "la paresse", son apparente indifférence. Or, elle a besoin d'être aimée.

Entre 1671 et 1696, neuf séparations suivront, entrecoupées d'autant  de retrouvailles.
L'éloignement est difficile, mais souvent plus doux que la vie commune, tout au moins jusqu'en 1680.
Madame de Sévigné s'est rapprochée du jansénisme, elle cherche à modérer ses passions, elle veut aimer sa fille pour elle-même et non pour assouvir le besoin qu'elle a d'elle. Madame de Grignan de son côté fend l'armure et avoue sa tendresse à sa mère.
Les années qui suivront seront affectivement plus douces, mais d'autres soucis prendront le relais, établissement de son fils, pertes de parents et d' amis, soucis administratifs ou financiers, problèmes de santé des uns ou des autres.

C'est lors de son dernier séjour à Grignan, que Madame de Sévigné décède, le 17 avril 1696, rongée par l'inquiétude engendrée par la santé très défaillante de Madame de Grignan, mais également apaisée par  le jansénisme dans lequel elle a découvert l'espérance.

J'ai reposé ce livre admirative mais aussi  un peu écrasée  par autant de savoirs.
Sur la Marquise tout d'abord, décrite dans toute sa complexité.
Sur ses ennuis financiers dans un monde où, peut-être encore plus qu'aujourd'hui, tout s'achète : charges civiles ou militaires, mari, épouse. Il faut beaucoup payer, beaucoup rembourser ses propres dettes, celles de feu un époux ou celles  d'un fils ou d'un gendre.
Sur ce monde de la noblesse aussi, petite ou grande vieille ou récente, de cour ou de ville, dominée par la figure du roi, véritable labyrinthe dans lequel il faut pouvoir ne pas se perdre.
Sur le devenir des lettres enfin, autre aspect passionnant de l'ouvrage, qui ne furent jamais écrites pour être publiées et qui pourtant le sont à la suite d'une succession de volontés ou de hasards, parfois rocambolesques.

Du très beau travail donc, une véritable somme, en fait.

   

vendredi 17 novembre 2017

TROIS MERVEILLES : L'EGLISE DE SAINT-NECTAIRE


Si l'on veut rejoindre Saint-Nectaire en partant d'Orcival, mieux vaut avoir une confiance sans faille en son GPS.
On monte, on descend, on tourne à droite ou à gauche, on quitte une petite route, pour une route encore plus petite.
 Et puis on arrive en crête, une de plus et l'on aperçoit, en bas, un peu embrumée (ce qui n'est pas le cas sur ce cliché !),  l'église de Saint-Nectaire, sur son promontoire.


Source : Wikipedia


Construite également au XIIe siècle, par les moines de la Chaise-Dieu, elle apparaît tout de suite comme plus petite et plus colorée  qu'Orcival.
Un narthex, une nef à quatre travées dont on aperçoit la structure dès l'extérieur, un transept doté d'une chapelle à chaque bras, un beau choeur autour duquel  s'ouvrent trois autres chapelles.





Ici tout est clair et la couleur est présente.




Les superbes chapiteaux sont pour un grand nombre historiés.


La flagellation


Ils nous parlent de la Passion, de la Résurrection, de la Transfiguration, de l'Apocalypse, du Jugement Dernier mais aussi de la vie de Saint-Nectaire, le Saint Patron.


Vie de Saint-Nectaire. Le passage du Tibre.
Source: sancy.com


Dans le bras gauche du transept, on peut découvrir le très beau buste reliquaire de Saint-Baudime, l'un de ses compagnons.


Source : El Mundo


Malheureusement, comme vous pouvez le constater, au fil des siècles, la cupidité l'a emporté sur la piété, puisque toutes les pierres précieuses, qui l'ornaient, ont été volées...

Je n'ai hélas, pas eu le réflexe de photographier, les magnifiques compositions d'automne qui ornaient le pied de l'autel : potirons, bottes de blé, fleurs de saison.

Ici, après le mystère d'Orcival, c'est la vie dans toute sa beauté qui l'emportait.

mardi 7 novembre 2017

LETTRES CHOISIES DE LA FAMILLE BRONTË 1821-1855








Auteurs : Anne, Branwell, Charlotte et Patrick BRONTË
Lettres choisies, traduites et annotées par Constance LACROIX
Editions : Quai Voltaire/La table ronde 2017 -591 pages-


Jusqu'à aujourd'hui, les lettres de la famille Brontë, ou tout au moins ce qu'il en reste, n'avaient jamais été publiées en français.
C'est pour combler ce manque que Constance Lacroix a choisi de rassembler et de traduire dans cet ouvrage, trois-cent-dix d'entre-elles, soit un tiers environ de la correspondance éditée en langue anglaise.

De fait et pour de multiples raisons, cette correspondance est surtout celle de Charlotte Brontë, puisque  90% des lettres traduites sont de sa main.

Ces lettres ont été adressées, entre 1821 et 1855, année de la mort de Charlotte à l'âge de trente-neuf ans, à quelques correspondants privilégiés, en tout premier lieu son amie Ellen Nussey, ses éditeurs George Smith et W. S. Taylor, ou à des membres de sa famille. 

Elles constituent bien sûr, un témoignage passionnant sur sa vie et celle de ses frère et soeurs, sur ses aspirations, son milieu, son époque mais, pour moi, sont surtout une formidable leçon de vie.

Bien loin de l'image doloriste que j'avais en tête, elles tracent le portrait d'une jeune-fille puis d'une jeune-femme, franche, loyale, coléreuse, ironique, déterminée, courageuse, qui forte de son éducation et de ses croyances, refuse de se laisser submerger par  tout ce qui limite sa vie ou la transforme en un champ de ruines.

Il y a la solitude de Haworth, d'abord, un monde clos auquel elle aimerait pouvoir plus souvent échapper. Toutes les conséquences d' une situation financière modeste, qui la pousse à devoir exercer le métier de gouvernante, pour lequel elle se sent si peu adaptée. Les responsabilités qu'elles considèrent comme siennes, fille devenue aînée d'un père veuf en charge de quatre enfants, "toutes les contraintes et le dur labeur" alors qu'elle est animée "d'un si vif désir de prendre son envol", d'"une si dévorante soif de voir, de connaître, d'apprendre."
Enfin les assauts successifs du malheur, la perte de sa mère  alors qu'elle a cinq ans, celle de ses soeurs aînées quelques années plus tard, celle encore plus cruelle, en l'espace de huit mois, alors qu'elle a  juste dépassé la trentaine,  de ses trois frère et soeurs, qui constituent avec son père, le centre de son univers.

Face à tout cela elle reste debout, considère qui lui reste encore "bien des motifs de gratitude", refuse la plainte, se tourne comme toujours vers le travail, qui "seul triomphe des chagrins les plus tenaces", se domine "en tyran" même si "les facultés se révoltent" et paie "le calme extérieur par une lutte intérieure presque insupportable".

Comme rarement, on peut mesurer aussi  dans ses pages le poids, l'étouffement qu'ont dû subir ces générations de femmes :

Si l'on n'apprend rien du processus créatif qui aboutit à l'écriture de "Jane Eyre" et de ses autres romans, on suit par contre avec un intérêt hésitant entre colère et "hilarité" tous les méandres de leur publication. Nom masculin d'emprunt, interrogations sur la possibilité que "Jane Eyre" "porte la marque de plus d'un esprit et de plus d'un sexe" et, une fois le pot aux roses soupçonné ou découvert, avalanche de stupidités :
"Si Jane Eyre est l'oeuvre d'une femme, il faut que celle-ci ait dépouillé toute féminité";  Roman  digne de louanges "sous réserve qu'il fût bien d'un auteur masculin" mais jugé "exécrable s'il était de la main d'une dame"...

Le cercle privé n'est guère plus ouvert. Alors qu'elle vient de se marier à Arthur Nicholls, un pasteur, ancien vicaire de son père, par ailleurs "un chrétien accompli et un homme de coeur", elle découvre qu'il lui faudra  demander à ses destinataires de fournir à son mari, sur papier,  la promesse de brûler, après lecture, les lettres qu'elle leur adresse, "sans quoi il n'y en aura pas du tout". 

Qui se souvient d'Arthur Nicholls ? Qui ne connaît pas Charlotte Brontë ? Quelle oeuvre encore plus riche aurait-elle pu produire dans un autre contexte ?

J'ai refermé le livre partagée entre admiration et tristesse. J'y retournerai car c'est vraiment un très beau livre.




Charlotte Brontë à 29 ans




jeudi 2 novembre 2017

CHINE, 130 ANS PLUS TARD...



Souvenir d'un voyage en Chine 1974

"La nouvelle de la présence d'un étranger dans la ville s'était propagée à la vitesse de l'éclair, et en un rien de temps je fus entouré et suivi par des milliers de gens des deux sexes et d'âges les plus divers qui tous voulaient voir ma physionomie et ma vêture."

"Les gamins surtout nous observaient avec crainte et inquiétude, sentiments sans nul doute inspirés de ceux qu'éprouvaient plus ou moins leurs parents." 

Robert FORTUNE : "Le vagabond des fleurs" 1843-1846