vendredi 25 octobre 2019

DES LIBRAIRES ATTENTIONNEES !





Je n'avais encore jamais vu cela ! Mais c'est vrai, la population vieillit ! J'ai beaucoup apprécié !

Librairie "Au Coin des Mots Passants"
15 rue Grenette
05000 GAP

samedi 19 octobre 2019

UN OCEAN DE PAVOTS





Titre original : "Sea of Poppies"  - 2008-
Auteur : AMITAV GOSH
Traduction : Christiane BESSE
Editions : Robert Laffont 10/18 -2010- 662 Pages.

Je ne suis jamais aussi à l'aise en commençant un article, que lorsque je déborde d'enthousiasme après la lecture d'un livre. Les phrases me viennent toutes seules et s'enchaînent alors sans difficulté.
Me voici aujourd'hui beaucoup plus hésitante, n'arrivant pas à déterminer exactement pourquoi celui-ci m'a moins emportée que ce que je ne l'espérais après la lecture de l'article que Papillon a consacré au tome suivant de cette trilogie.





Tout commence donc au bord du Gange, vers 1835, lorsqu'une  jeune indienne aperçoit  "un immense navire à deux mâts portant de grandes voiles d'une blancheur éblouissante".

Ce bateau, c'est l'Ibis, ancien transporteur d'esclaves, arrivé à Calcutta après un éprouvant voyage depuis Baltimore, équipage pratiquement décimé et remplacé par un bataillon de "lascars", dirigé  de fait par un jeune charpentier de marine, Zachary, devenu presque commandant par la force des évènements et qui n'a strictement rien à voir, il faut bien le dire,  avec "le mulâtre qui joue au petit blanc" évoqué sur la quatrième de couverture.

 L'Ibis vient d'être racheté par un riche négociant Mr Burnharm, qui souhaite l'utiliser , pour transporter une dernière fois, vers l'île Maurice un contingent de "girmitiyas",  des esclaves libres en quelque sorte, appelés à travailler dans les plantations locales.

Dans un premier temps c'est donc vers ce bateau que vont converger, parfois sans le savoir, tout un ensemble de personnages dont le seul point commun est d'avoir vu leur  vie bouleversée : raja qui se croit encore puissant, fille orpheline d'un botaniste français , veuve indienne et son nouvel époux, chinois opiomane, troupe de miséreux parfois vendus par leur famille...
Dans un second temps, c'est sur l'Ibis que nous les retrouverons, qui dans un cachot, qui dans la cale, qui sur le pont ou dans une cabine d'officier...
Le destin de chacun se décidera en mer, au gré des passions et des hasards.


Raja au turban à chute de perles. Sources : auctionartparis.com


Ce récit   est l'occasion pour nous de découvrir les ravages de l'opium, de sa culture, qui prive peu à peu les paysans  de toutes  terres vivrières,  de sa transformation dans d'immenses usines où les ouvriers sont réduits à néant,  jusqu'au pauvre homme, consommateur invétéré, au dernier stade de la déchéance.
Occasion également de découvrir l'extraordinaire complexité de la société indienne, le luxe  insensé, dans lequel vivent les plus nobles, la misère totale, à l'autre extrémité, des membres des castes les plus inférieures.
En écho, la vie des négociants anglais se révèle, leurs parcours parfois tortueux, leur religiosité hypocrite, leurs richesses si mal acquises.



L'"Iceberg" Derek GM  Gardner Source : ebay.fr

Mais tout cela est fort intéressant, allez-vous me dire. Et je vous approuve d'autant plus que le récit est porté par un style plein de souffle, qui nous donne à admirer tout autant la beauté du monde sur terre et sur mer, qu'à découvrir ce que peuvent en être les bas-fonds.

Alors qu'est-ce qui m'a gênée ?
D'une part, l'absence totale de notes qui expliciteraient tous les termes  notamment bengalis dont le récit est truffé. Alors que cette idée - rechercher le terme juste- est en elle-même passionnante et révélatrice de la complexité d'une société,  cette absence m'a laissée réellement frustrée, même si le récit reste tout à fait compréhensible.
D'autre part, un peu trop de hasards heureux,  de scènes assez peu vraisemblables, de personnages qui arrivent à se détacher brusquement des chaînes de leur éducation ou de leur passé, qui rendent le récit parfois assez invraisemblable.

Pourtant le bilan étant majoritairement positif, j'ai déjà entre les mains le tome suivant, histoire de connaître la destinée de chacun et, je l'espère, de faire disparaître mes présentes objections.
 

lundi 14 octobre 2019

ESTHER DUFLO (BIS)





J'ai littéralement bondi de joie en apprenant en ce début d'après-midi, qu' ESTHER DUFLO venait d'obtenir avec son compère, Abhijit BANERJEE et leur collègue Michaël KREMER, le prix Nobel d'Economie 2019 pour leurs travaux sur la lutte contre la pauvreté, dont la méthode  est aujourd'hui utilisée par toutes les grandes institutions qui partagent cet idéal.

C'est bien le seul prix Nobel d'Economie que j'ai lu de ma vie - vous en trouverez la trace ici -.
dont j'ai particulièrement apprécié l'objectif tout autant que le pragmatisme.

Je dois reconnaître que j'ai été charmée, par la personnalité de cette alors très jeune-femme, née en 1972, première titulaire de la chaire au Collège de France "Savoirs contre pauvreté", dont j'avais passionnément suivi les cours, derrière mon ordinateur en 2009.

Un idéal féminin, un peu différent de celui qui nous est proposé généralement ad nauseam...

En recherchant l'article écrit sur leur ouvrage "Repenser la pauvreté", je me suis aperçue que j'avais écrit à son sujet à peu près la même chose il y a quelques années... Un enthousiasme têtu en quelque sorte....


Vous trouverez également ici l'article très fouillé, que Dominique avait consacré à "Repenser la pauvreté".

mardi 1 octobre 2019

VOYAGEURS DE LA RENAISSANCE






Textes retranscrits par Franck LESTRINGANT, Grégoire HOLTZ, Jean-Claude LABORIE
Editions : Gallimard Folio classique - 575 pages-


Voici exactement le genre de livre auquel je suis incapable de résister, certaine que je suis d'y trouver tout ce qui fait le charme de l'histoire racontée par ceux qui l'ont vécue : aventure, poésie, descriptions plus ou moins subjectives, préjugés, bons sentiments, mauvaise foi, curiosité teintée de modestie ou outrecuidant sentiment de supériorité  (entre autres !).

C'est donc à la suite de de trente huit voyageurs, que ce livre nous conduit, sur une période de deux siècles (1450-1650), au travers d'extraits de textes qui ont été publiés à leur retour, parfois beaucoup plus tard et même après leur mort et que trois spécialistes de la littérature de voyage ont  sélectionnés, traduits, remis la plupart du temps en français moderne, nous offrant ainsi "un panorama représentatif de la diversité du corpus viatique de l'époque".

Nos voyageurs, le plus souvent navigateurs, sont portugais, espagnols, français, anglais, hessois, hollandais, nés à Florence à Bologne ou à Gènes. Ils sont au service de leur souverain ou d'un autre prince plus intéressé à financer leurs voyages. Ils pratiquent la religion catholique la plupart du temps, mais peuvent être tout aussi bien protestants qu'adeptes au moins durant un temps de la religion musulmane. Le plus souvent laïcs, parfois religieux, ils sont plus que célèbres comme Christophe Colomb, Amerigo Vespucci, Herman Cortés, Jacques Cartier, ou moins renommés comme  Marc Lescarbot ou Hans Staden




C'est avec leurs yeux et leurs cultures que nous abordons donc les rivages de l'Afrique, arpentons la Turquie beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui, gagnons les Indes et même le Japon et découvrons le Nouveau Monde : Antilles, Mexique, Pérou, Canada, Brésil et ce qu'on appelait alors la Floride et la Virginie.

Si certains restent trop centrés sur eux-mêmes, transformant ainsi sans hésitation un temple hindou de Calicut en église, persuadés qu'ils sont d'avoir abordés le royaume chrétien du prêtre Jean, la plupart rapportent leur étonnement, leur émerveillement, leur  répulsion ou au contraire leur admiration devant les contrées, les peuples  et les moeurs qu'ils découvrent,  créant  parfois sans le savoir des fantasmes qui perdureront des siècles durant "dans l'imaginaire européen".

D'autres, comme Jean de Léry, protestant, se font philosophes, ne se contentant pas de rapporter les horreurs si souvent évoquées de l'anthropophagie pour démontrer l'animalité de ces peuples, mais, les comparant à celles  qu'il a lui-même vécues lors des guerres de Religion, conclut, sans hésitation, que les plus sauvages ne sont certainement pas ceux que l'on croit.




Aventures collectives  ou individuelles, souvent les plus éprouvantes, ces récits  émeuvent, enchantent, mais  nous renvoient aussi à une dramatique réalité : la destruction de ces mondes et de ces peuples, auxquels on ne rougissait pas d'offrir quelques petits miroirs, quelques perles bleues, contre leur lingots d'or ou d'argent.

Je vous conseille très vivement ce livre, qui parle si bien d'eux et de nous, et nous renvoie à un moment  de notre terre à jamais disparu, un moment également où le beau mot d'aventure avait un sens que l'on ne connaît plus aujourd'hui.

Les illustrations réalisées par Théodore de Bry (1528-1598) représentent pour la première "Le chef Holata expliquant les rites de sa tribu" et pour la seconde "les Floridiens véné[ant] la colonne érigée par le capitaine (Jean Ribault) lors de la première expédition". Elles sont tirées de l'ouvrage de Jacques Le Moyne de Morgues "Brevis narratio eorum in Florida Americae provincia Gallis acciderunt", publié en 1591 à Francfort.