samedi 23 juin 2018

LES TENDRES PLAINTES









Titre original : "Yasashi Ogawa " -1996-
Auteure : YÔKO OGAWA
Traduction : Rose -Marie MAKINO-FAYOLLE et Yukari KOMETANI
Editions : Actes Sud -2010- 241 pages.


Il y a des couvertures de livres auxquelles je suis incapable de résister. Et de toute façon comment pouvoir le faire, lorsqu'elle s'accompagne d'un titre si doux, évocateur,  d'une musique si raffinée et si touchante ?

Nous sommes au Japon, d'abord à Tokyo, puis dans la montagne où Ruriko, vient brusquement s'établir dans le chalet de vacances de son enfance. Elle y fait très vite la connaissance de ses voisins, Nitta  et Kaoru et du vieux chien de cette dernière.
Tous trois partagent la pratique de métiers rares et artistiques, calligraphie pour Ruriko, lutherie pour Nitta et Kaoru qui est son apprentie.

Au fil des jours et des rencontres, promenades, repas, chargés d'un mélange troublant de chaleur et de respect, ils comprennent à demi-mots que chacun est venu ici pour oublier une douleur intime  qui marque encore leur vie. Pas de grands mots, pas de pleurs bruyants non plus, juste quelques paroles, quelques gestes, quelques regards.


Une année va passer, des liens tenus vont se tisser, Ruriko, troublée, cherche sa place.


Certains poursuivront leur vie, d'autres se retrouveront à devoir la construire dans une solitude encore beaucoup plus radicale qu'avant.




Bien que ce livre soit chargé de passion, pour un autre que soi ou pour la musique, le sentiment qui m'a dominée en le lisant est celui de sérénité, triste souvent, mais sérénité tout de même.
Tout y concourt : la nature très présente, les activités des protagonistes avec tout ce qu'elles demandent, concentration, habileté, sensibilité, la musique évoquée, écoutée,  jouée, le calme qui met du baume sur les blessures des uns et des autres.

Pourtant il y a aussi ce troublant contraste entre l'extrême civilité, toute orientale, montrée par chacun, qui suppose une maîtrise de soi digne des héros de Jane Austen et la violence des  comportements et des sentiments, qui fait régner de manière souterraine, une tension qui irrigue également tout le livre.

Alors que tout ici respire la sensibilité des êtres,  j'ai pensé aux "Vestiges du jour" de Kazuo ISHIGURO, d'origine japonaise lui-aussi et comme à la lecture de ce dernier, j'ai été touchée au plus profond.


mardi 19 juin 2018

UN BLOG EN POINTILLE...





Un petit-fils à garder, une maman à visiter, un jardin à bichonner, des confitures à préparer.... Voici venu le temps des pointillés ! 
J'aurai toujours plaisir à vous lire. J'espère qu'il en sera de même pour vous quand je publierai.

Bel été à toutes et à tous !

mardi 5 juin 2018

BURU QUARTET Tomes 2 et 3





Tome 2 : "Enfants de toutes les nations"
Tome 3 : "Une empreinte sur la terre"
Auteur : PRAMOEDYA ANANTA TOER
Traduction : Dominique VITALYOS
Couvertures : David PEARSON
Editions : Zulma, 2017 et 2018 -501 et 659 pages-

















C'est bien connu : "Quand on aime on ne compte pas ". Que dire alors lorsqu'on est prise de passion ?
La passion, cependant étant chose toute personnelle, j'ai donc choisi, pour ne pas vous accabler, de rendre compte en même temps des tomes 2 et 3 de la tétralogie de PRAMOEDYA ANANTA TOER pour laquelle je vous ai déjà fait part de  mon enthousiasme dans un billet précédent.

 Autant vous le dire tout de suite, celui-ci n'a pas diminué à la lecture de ces plus de 1100 pages.

Minke, notre jeune aristocrate javanais, partagé entre son admiration pour l'Europe et son sens de la justice poursuit de manière chaotique son  existence d'indigène lettré et occidentalisé. Ses premières expériences ont été terribles et l'ont mis en marche. 
Celles qui suivent et que nous découvrons dans ces volumes, lui permettent, degré après degré, de découvrir  les souffrances de son peuple ou plus exactement des peuples qui, conquêtes après conquêtes, ont permis de construire les Indes Néerlandaises et d'en approcher également ce qui en fait les limites : multi-ethnicité mâtinée de racisme,  structures sociales quasi de castes, goût effréné pour les marques avilissantes  de respect, habitudes de soumission au plus fort en cascade, qu'il soit "pur blanc", métis, ou  "bupati"*.  
Tout en restant attaché aux apports des occidentaux : les sciences, les rapports entre hommes et femmes, une attitude d'action et non de soumission, il  découvre ainsi, petit à petit,  l'étendue des méfaits des colonisateurs, avec lesquels cependant il doit continuer à frayer dans un jeu de chat et de la souris, qui lui vaut des inimitiés des deux bords.

Ce n'est pas une progression rectiligne que la sienne, chaque expérience remettant en cause ses certitudes.  
Que ce soit le choix de la langue dans laquelle il se doit d'écrire, la question principale étant alors : "Ecrire mais pour qui ?", où les actions qu'il doit poser pour aider son peuple d'abord à s'organiser pour se défendre, puis accéder à l'éducation avant de pouvoir se libérer.  Créateur du premier syndicat des "Indes" et patron du premier journal indigène, Minke va aller de victoires  en déconvenues tout aussi retentissantes les unes que les autres.

Ce "séducteur" progressiste, toujours appuyé voire guidé par des figures féminines d'exception, a  autant de mal à bâtir sa vie personnelle cruellement marquée par la mort et une épreuve intime qu'il a du mal à accepter, sans parler de ses persécuteurs, qui le suivent pas à pas, sans jamais de lasser.

Tout cela est bien compliqué me direz-vous. C'est un fait. 
Mais c'est aussi ce qui fait tout l'attrait de cette oeuvre : la ou plutôt les complexités, de la situation politique et sociale, des peuples indonésiens, du personnage principal...
Et pour ne rien gâcher, comme dans le premier volume, on retrouve la beauté des paysages, la splendeur des cérémonies, la cruauté des situations, le courage des protagonistes...

Et dire qu'il va me falloir attendre le mois de septembre, date de sortie du dernier tome, pour découvrir la conclusion de cette  histoire !



* Bupati : régent, haut-fonctionnaire indigène, le plus souvent issu de la noblesse, comme le père de Minke,nommé par les Néerlandais pour administre une région dite "Régence".