dimanche 15 décembre 2013

IL EST TEMPS POUR MOI...

... de mettre ce blog au repos pour quelques jours.
D'autres tâches m'attendent...




Très bonnes fêtes à vous , quelle que soit la façon dont vous les passiez.
A très bientôt, en janvier !




mercredi 11 décembre 2013

LA MALEDICTION DES COLOMBES





"THE PLAGUE OF DOVES" - 2008 -
Auteure : Louise ERDRICH
Traductrice : Isabelle REINHAREZ
Editions : Albin Michel/ Le livre de poche n°32488 2010  - 470 pages-


Quatre voix pour un récit ou plutôt une multitude de récits entre hier et aujourd'hui, qui prennent racine  dans le Dakota du Nord, au fin fond des Etats-Unis, dans une petite ville, Pluto, construite, comme de nombreuses bourgades le furent, par pur esprit spéculatif, dans l'espoir qu'elles deviennent  grandes, "quand le chemin de fer parviendrait dans cette partie du monde".
Pour les blancs il s'agit juste d'immenses terrains au milieu de nulle part, mais pour les indiens qui en ont  été chassés pour être rassemblés dans une réserve, il s'agit de leur terre, dont la perte restera "logée en eux pour toujours". 

Les années ont passé donc, la bourgade n'est pas devenue grande. Indiens et blancs se sont mêlés et leur histoire s'est tissée peu à peu comme une toile d'araignée, autour d'un double drame : le massacre de toute une famille de fermiers blancs suivi de la pendaison, par d'autres fermiers blancs, de cinq indiens innocents.
Curieusement, deux personnes ont réchappé de ces infamies : un bébé de quelques mois et un indien, dont, curieusement, "il n'était pas question qu'ils le pendent jusqu'à ce que mort s'ensuive".
Aujourd'hui tous les protagonistes de ces évènements sont tous plus ou moins attachés  par les liens du sang et ont tellement mélangé "dans la source de leur existence culpabilité et victime" qu'"on ne peut démêler la corde".

Pourtant  la corde sera démêlée, chacun des quatre narrateurs suivant un tronçon du fil, renouant les morceaux qui s'étaient dispersés, mettant au jour ce qu'ils savaient, en fait, depuis longtemps.
Et la boucle sera bouclée, les deux acteurs de la terrifiante page d'ouverture se retrouvant dans un rapport inversé, quelques lignes avant que le récit ne se referme.

Pourtant ce livre n'est pas un roman policier et si cette intrigue est au coeur de l'histoire, c'est de bien autre chose aussi que l'on parle ici.
Nous sommes chez les perdants, si l'on veut entendre par ce mot, ceux  que la réussite sociale a oublié quelle que soit leur origine :  les indiens ont perdu leur terre, les blancs leurs illusions, il n'y a d'ailleurs  plus vraiment d'indiens ni  de blancs, la ville va bientôt disparaître,  les jeunes sont partis ou le feront,  pour ceux qui restent, "la vie à présent [c'est]le châle et la radio."
Mais ses perdants ont été bien riches, de leurs espoirs, de leurs talents. Leur bonté, leur compassion ont su toucher au coeur quelques uns, en perdition. Leur volonté de vivre les a poussé parfois bien loin, mais le monde n'est pas tendre, même s'il peut être drôle !
Ils ont ainsi trouvé la liberté "pas seulement dans la fuite, mais dans le coeur, l'esprit, les mains".


Un roman complexe et superbe inscrit, pour ne rien gâcher dans ces grands espaces dont l'auteure sait si bien rendre l'atmosphère :

"Alors que le soleil se couchait, la lumière filtra à travers la fumée et donna à l'air autour de nous et loin à l'ouest une teinte d'or orangé. Un rayonnement étrange et troublant gagna peu à peu le flanc des arbres et des maisons. Mooshum et moi regardâmes ce spectacle jusqu'à ce que la lumière commence à décliner. L'air devint frisquet et bleu. il faisait très froid mais nous restâmes tout de même jusqu'à ce que l'obscurité se frange de brun et que Maman vienne à la porte.
"Rentrez à la maison, vous deux", dit-elle d'une voix douce."


Merci à Anis de m'avoir fait découvrir cette auteure !

dimanche 8 décembre 2013

mercredi 4 décembre 2013

C'EST MOI QUI ETEINS LES LUMIERES




"Cheragh-ha ra man khamussh mikonam"
Auteure : Zoyâ PIRZÂD
Traduit du persan par : Christophe BALAŸ
Couverture : David Pearson
Editions : Zulma 2013 - 286 pages-


Comment résister à une telle couverture ? Pour ma part je n'ai pas pu et bien m'en a pris car  le contenu de ce roman s'est vite révélé aussi délicat que son enveloppe.

Nous voici donc à Abadan, en Iran, dans un des lotissements qui accueille le personnel de la compagnie pétrolière qui fait la richesse de la ville.
Clarisse, à peine quarante ans,  vit dans une des maisons du quartier, avec son mari Artush, ingénieur de son état, et ses leurs trois  enfants, Armen le fils aîné qui entre dans l'adolescence et les deux cadettes, si charmantes, Armineh et Arsineh les jumelles aux joues rebondies.
Artush part le matin à la raffinerie dans sa vieille Chevrolet qu'il ne changerait pour rien au monde, les enfants prennent le car scolaire pour rejoindre l'école, Clarisse reste chez elle, veille au ménage, prépare le  goûter des enfants, soigne plus ou moins  son jardin.
C'est elle bien sûr qui écoute : les petites histoires de ses filles et les lamentations de sa soeur, Alice, toujours dans l'attente d'un mari. Clarisse justement aimerait  bien écouter le sien, mais celui-ci ne semble pas avoir grand-chose à dire, ce qui n'est pas le cas de sa mère qui ne peut ouvrir la bouche sans laisser échapper une critique, jamais très méchante, mais acide tout de même.
Est-elle heureuse ?  De quoi se plaindrait-elle au fond ? Sa vie est aisée, ils vont dîner au club, la directrice de l'école, une amie, apprécie autant ses talents de couturière que l'attention qu'elle porte aux traductions qu'elle lui soumet.
Bien sûr tout cela est un peu usant, ces gestes, toujours les mêmes à refaire chaque jour : linge sale à ramasser, tartines à beurrer, histoires à raconter et chaque soir au moment de monter se coucher la sempiternelle question d'Artush  : "J'éteins les lumières ou tu le feras toi-même ?" suivie de la  réponse de Clarisse tout aussi rituelle :   "C'est moi qui éteins les lumières." 
Un peu de solitude ne lui ferait pas de mal, un peu de respect  et d'attention non plus.
Il faut parfois peu de chose pour que tout ce qui était contenu trouve le chemin de la conscience.
Des nouveaux voisins par exemple.  Une curieuse famille : une très belle, très petite et très autoritaire grand-mère, son fils attentif et discret, sa petite-fille beaucoup trop parfaite pour être vraiment sage....
Les choses vont bouger, à peine, Clarisse également,  vraiment ?

C'est donc un livre au charme doux-amer, dans lequel il ne se passe pas grand-chose mais qui m'a tenu sous son charme  de bout en bout, peut-être parce que je m'y suis sentie à la fois en pays connu et déstabilisée pourtant.
Je pensais lire un roman qui se passe en Iran : c'est bien le cas mais dans un cadre tout à fait particulier : la communauté arménienne.
Je pensais également découvrir la vie d'aujourd'hui, celle corsetée par les mollahs et me voici dans un temps indéterminé dans lequel aucun d'entre eux  n'est en vue : les années 60 ?
Je m'attendais aussi à un destin de femme marqué par le patriarcat : ce n'est pas faux, mais le matriarcat fait bien des ravages aussi.
Le charme  de ce roman tient aussi aux qualités très particulières  de son auteure : un oeill exercé, une grande  tendresse, un humour léger, ainsi qu'à son talent pour rendre totalement présents, vivants, ses personnages. 
Au point de me demander quelques jours après avoir refermé le livre ce que Clarisse et  sa famille étaient devenus après la révolution de 1979  ou, pire encore, après la destruction totale d'Abandan durant la guerre contre l'Irak...
Qui sait ?


Sallie and Suko : the English title is : "Things you left unsaid."