Titre original : "Rumah Kaca" - 1988 -
Auteur : PRAOMEDYA ANANTA TOER
Traduction : Dominique Vitalyos
Couverture : David Pierson
Editions : Zulma -2018- 567 pages
Quatrième et dernier tome du "Buru Quartet", dont je vous avais déjà parlé ici et là, "La maison de verre" en est à la fois la synthèse et la conclusion.
Synthèse, car toute l'histoire qui nous a été racontée par Minke, ce jeune aristocrate indigène éduqué à l'européenne, qui peu à peu prend conscience des conséquences dramatiques de la colonisation et ne cesse plus alors de travailler au réveil de la conscience de ses semblables en développant une presse en malais, en apportant une aide juridique aux plus démunis et en mettant sur pied une organisation qui fédère les revendications montantes, y est reprise par Jacques Pangemanann, le policier que nous avions déjà croisé précédemment, et qui ici, devenu narrateur, nous entraîne dans le récit de sa mission et de sa déchéance.
Conclusion également, car cette mission n'est autre que la neutralisation implacable de Minke et de son oeuvre ainsi que de toutes les tentatives menées par son peuple pour se libérer un tant soit peu du joug colonial. Quant à la déchéance elle est celle d'un homme à l'origine honnête, admirateur de Minke, mais qui par étapes, compromission après compromission, choisit de préserver son statut d'indigène "accroché à une situation sociale d'Européen", "afin que tous ses acquis ne soient pas anéantis par des intrigues coloniales capables d'atteindre des recors de bassesse dans l'histoire des hommes".
Un double inverse de Minke en quelque sorte.
Mais l'attrait de ce livre ne tient pas qu'à ces deux premiers aspects, synthèse et conclusion, ni à la reprise des grands thèmes qui ont fait la richesse des tomes précédents : cruauté de la colonisation, causes d'une telle soumission, marche chaotique vers la libération, découverte d'un monde qui reste à la plupart d'entre nous étranger. Il est ici également lié à l'introduction d'éléments autobiographiques, qui font que le roman ("Buru Quartet"), écrit par Praomedya Ananta Toer dans des circonstances très semblables, devient ici l'oeuvre de Minke et le trésor caché de Pangemanann.
Un certain vertige nous prend alors, car nous comprenons que tout en restant dans le premier quart du XXe siècle, au moment où les colons craignent d'être ébranlés, et nous savons qu'ils le seront tellement qu'ils perdront, nous partageons déjà par anticipation les déconvenues futures d'un pays, l'Indonésie, formellement libéré, mais toujours enfermé dans les jeux délétères du pouvoir et des ambitions.
Magnifiquement construits et écrits, ces quatre tomes ont été pour moi une grande découverte. Eclairée par le dernier, je pense que le les relirai dans quelques temps, libérée des complexités, liées à ma méconnaissance du contexte, qui parfois ont entravées cette première lecture.
Je vous conseille vivement de vous lancer dans cette belle aventure, qui éclaire autant le destin d'un peuple que celui de beaucoup d'autres.
Tania nous a parlé du premier tome ici
A quoi correspondent les Indes orientales Néerlandaises ?
Les Indes Néerlandaises (nom d'usage), en rouge sur cette carte, sont l'ensembles des îles que les Pays-Bas contrôlaient en Asie du Sud-Est entre 1800 et 1945/1949. Elles avaient été précédemment sous la coupe de La Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales. Aujourd'hui il s'agit des territoires de l'Indonésie.
Pour le détail de son'histoire, dont une partie recoupe les évènements traités dans les quatre tomes du Buru Quartet cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Indes_orientales_néerlandaises
Qui est Praomedya Ananta Toer, dit Pram, (1925-2006) ?
Sources : Editions Zulma/Wikipedia.
Né en 1925 et décédé en 2006 à Java, Pram est un journaliste, romancier et auteur de nouvelles. Son oeuvre compte Cinquante oeuvres traduites en plus de quarante langues. Seuls huit de ses romans et recueils de nouvelles sont traduits en français. C'est à ce jour l'écrivain indonésien contemporain le plus connu.
Homme engagé, resté fidèle malgré les surveillances et la censure constante qu'il a dû subir tout au long de sa vie, il a été emprisonné à trois reprises. D'abord, durant deux ans (1947-1949) sous le gouvernement colonial hollandais, puis un an sans jugement (1960), sous celui de Soekarno, enfin de 1965 à 1979, au bagne de Buru, sous la dictature de Soharto, d'où il sort sous la pression internationale. C'est là, qu'il racontera à ses codétenus, puis écrira les deux premiers tomes du "Buru Quartet" .
Il ressemble beaucoup à son héros Raden Mas Minke ... dont il transpose la vie à une époque légèrement antérieure.
Sources : Editions Zulma/Wikipedia.
La manière dont tu en parles, Annie, me donne envie de poursuivre la lecture de cette oeuvre. Merci pour le lien & bonne après-midi.
RépondreSupprimerJe suis heureuse si ce court article t'a donné envie de poursuivre ! Ce dernier tome remet tout en place. Cela a été pour moi une très belle découverte. Bon samedi, Tania.
SupprimerLa série m'a l'air disponible dans une bibli, à voir, donc...
RépondreSupprimerJe crois vraiment que c'est un chef d'oeuvre. Il ne faut pas avoir peur des quatre tomes que l'on peut d'ailleurs lire de manière un peu espacée.
SupprimerCa a l'air très intéressant mais j'attendrai d'avoir du temps devant moi pour me lancer dans l'aventure
RépondreSupprimerComme je le dis à Keisha, rien ne nous oblige à tout lire à la suite. J'ai dû lire le tout en l'espace de six mois, en lisant d'autres livres dans les intervalles. On reprend très vite pied dans l'histoire à chaque fois et le dernier tome vient unifier le tout.
SupprimerIl vaut mieux commencer cette série en ayant du temps devant soi .. C'est un coin du monde sur lequel j'ai peu lu, ce serait une bonne occasion.
RépondreSupprimerJe ne vais pas réécrire ce que je viens de dire à Maggie juste au-dessus, en ce qui concerne la longueur, mais j'espère que cela te rassurera ! Quant à la découverte de cette partie du monde, elle m'a fascinée. Bon week-end, Aifelle. J'espère que tu n'as pas eu trop de mal à laisser ce commentaire.
SupprimerComme Aifelle j'ai peu lu sauf un peu sur la Malaisie mais c'est léger, j'avais déjà noté chez toi cet auteur, il est rare qu'un auteur tienne bien la distance sur une grande saga comme ça alors je vais faire avancer la lecture sur ma liste, une façon de partir un peu au soleil
RépondreSupprimerIl mérite de remonter sur ta pile, Dominique ! Cette découverte d'un autre monde m'a beaucoup intéressée, tout comme celle de ces terribles Indes Néerlandaises.
SupprimerEn tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut se lancer dans cette lecture sans préparation, il faut du temps, une disponibilité d'esprit, à mon avis.
RépondreSupprimerPas plus que pour les autres livres en fait. J'ai lu chaque tome en alternance avec d'autres auteurs, mais bien sûr il faut avoir envie de reprendre le fil à chaque fois.
SupprimerC'est toute l'histoire, de nous très peu connue, d'une partie du monde que tu nous proposes ici! J'avais lu le billet de Tania avec intérêt, le tien m’incite à noter l'ensemble.
RépondreSupprimerComme dans le commentaires précédent, je me demandais s'il fallait un peu se documenter avant de commencer...mon ignorance est vaste par là-bas:-)
Inutile de se documenter avant, Colo, le livre décrit très bien l'histoire des Indes Néerlandaises. Juste un petit coup d'oeil sur un atlas peut-être pour mieux situer l'action. Si tu te lances dans l'aventure, j'espère que tu en tireras autant de plaisir que moi. Bon dimanche !
Supprimer