Auteur : PIERRE AUBE
Editions : Perrin -2016 - 515 pages
Autant vous le dire tout de suite : je suis épuisée. Depuis quinze jours, au milieu des cadeaux à emballer, des listes de courses à établir, des premiers "bredele"* à confectionner, etc, etc, je caracole entre le XIe et le XIIe siècle, au milieu des chevaliers normands, aux prénoms plus romantiques les uns que les autres - Tancrède (mon préféré), Bohémond, Guillaume, Drogon, Onfroi - entre sud de l'Italie, Sicile, côte africaine, et Orient.
Tout cela pour en apprendre plus, ou plutôt tout découvrir, sur celui dont le prénom ne fait plus rêver personne : Roger II de Sicile (1095-1154).
Tout a commencé par un reportage d'Arte, sur la chapelle palatine de Palerme : un grand éblouissement et un grand étonnement devant l'extraordinaire beauté de ce monument et la vie évoquée de ce souverain, qui semblait, tout en restant chrétien, avoir su respecter l'ensemble de ses sujets, qu'il soient chrétiens, mais grecs, juifs ou, pour les plus nombreux, musulmans.
Comme c'est sa propre mère, la grande Adelaïde qui vantait ses mérites, j'ai pensé qu'il valait mieux chercher une autre source avant de statuer définitivement sur son compte.
Chapelle Palatine de Palerme consacrée en avril 1140. |
Pour tout dire rien n'est simple et tout commence un peu plus d'une génération avant la naissance de Roger II, "de très modeste façon. Presque subreptice."
Quelques chevaliers normands, souvent les puînés de familles nobles établies dans notre actuelle Normandie descendent vers le sud de l'Italie, aux alentours de l'an mille.
Sont-ils venus pour lutter contre les "incroyants" si bien implantés en Sicile ? Sont-ils venus pour se louer en tant que mercenaires ? Sont-ils venus pour s'octroyer des terres ? Nul n'en a plus vraiment le souvenir. Ce qui est certain c'est qu'ils sont détestés :
"Des brigands sans excès de scrupules", "plus atroces que les grecs, plus féroces que les sarrasins".
"Des brigands sans excès de scrupules", "plus atroces que les grecs, plus féroces que les sarrasins".
Parmi eux, les fils de Tancrède de Hauteville, obscur baron du Cotentin, nés de deux lits différents.
Autant par l'épée que par alliances ceux de Murielle - Guillaume, Drogon, Onfroi - deviendront successivement comtes de Pouille, tandis que ceux de Frésende, - Robert Guiscard et son cadet Roger Ier dit "Le grand Comte" - se pareront bientôt des titres de duc de Pouille pour le premier et de comte de Sicile et de Calabre pour le plus jeune.
Roger II, fils de ce dernier, saura ensuite réunir les deux héritages, et jouant des conflits qui à la même époque déchirent la papauté, comme les terres au nord et au sud de son domaine terrestre, n'aura plus qu'à se faire couronner roi de Sicile et étendre son influence vers l'Orient et sur la côte de cette Ifrîqiyya si longuement convoitée.
Le couronnement du roi Roger... par le Christ. Eglise de la Martorana. Palerme. Sicile. |
Enfin "n'aura plus", c'est aller un peu vite en besogne.
De fait, durant des décennies, il lui faudra lutter dans le pied de la botte, contre les barons, souvent des très proches, les villes jalouses de leurs libertés, les évêques et autres soutiens des papes qui se succèdent où règnent en même temps.
C'est une vie de guerrier, jamais en repos ou presque, juste quelques mois l'hiver dans sa bien-aimée Sicile.
De fait, durant des décennies, il lui faudra lutter dans le pied de la botte, contre les barons, souvent des très proches, les villes jalouses de leurs libertés, les évêques et autres soutiens des papes qui se succèdent où règnent en même temps.
C'est une vie de guerrier, jamais en repos ou presque, juste quelques mois l'hiver dans sa bien-aimée Sicile.
Il lui faudra également surveiller les ambitions des uns et des autres à Constantinople, Venise, Jérusalem, tacher de réparer l'affront fait jadis à sa mère.
Il lui faudra se montrer sans pitié - il ne recule pas devant massacres et pillages - mais aussi savoir abaisser les vaincus, mais parfois pas trop, savoir récompenser les fidèles tout en leur tenant la bride.
Il lui faudra savoir légiférer, chercher à toujours en savoir plus sur le monde qui l'entoure, mais aussi aux yeux du monde proclamer la gloire de Dieu et la sienne propre, sur et entre les murs des cathédrales et chapelles qu'il laissera derrière lui, tout en respectant la foi des autres.
La carte du monde, dite "Le livre du roi Roger",, dressée par Al Idrîssî, à la demande de Roger II de Sicile. |
C'est donc bien un homme complexe et passionnant que ce roi-là et les historiens ne s'y sont pas trompés :
"Homme d'une disponibilité d'esprit illimitée, d'une hardiesse sans égale", doté d'"un sens aigu du possible et des compromis indispensables pour pouvoir atteindre l'essentiel, d'"une curiosité intellectuelle sans préjugés", d'"un penchant certain pour la majesté et la magnificence"**
"Homme d'une disponibilité d'esprit illimitée, d'une hardiesse sans égale", doté d'"un sens aigu du possible et des compromis indispensables pour pouvoir atteindre l'essentiel, d'"une curiosité intellectuelle sans préjugés", d'"un penchant certain pour la majesté et la magnificence"**
C'est un livre tout aussi complexe et passionnant que celui-ci, érudit sans être pédant, bien écrit, ne manquant pas d'humour, que j'ai quitté, remplie d'admiration pour celui qui en était le sujet, comme pour son auteur capable de rendre claire ou presque, une succession d'évènements et de personnages, qui sous une autre plume, serait restée inextricable.
Chapelle palatine de Palerme. La Genèse sous les incroyables plafonds réalisés par des artistes musulmans. |
* petits gâteaux de Noël alsaciens.
** Lucien Musset
On te sent passionnée par le personnage. Quelle chance que ces reportages de qualité sur Arte. Bons préparatifs de Noël sans trop de stress, j'espère.
RépondreSupprimerUn grand merci à toi, Tania. Tout va bien, le plus gros étant fait. Oui ce personnage m'a passionnée, comme toute cette aventure normande. Très intéressant également on y découvre Bernard de Citeaux, sur lequel, à présent j'aimerais en savoir plus. Que de fureurs et de déplacements, quelle époque !
SupprimerTrès bon dimanche à toi.
Il s'agit bien sûr de Bernard de Clairvaux !
SupprimerJ'ai eu la chance de voir cette chapelle palatine, avec tant de hauteur que je ne me souviens pas des détails (dommage) mais seulement de la guide disant : là haut, ça fait 10 m de diamètre (et c'était bien petit, d'en bas!).
RépondreSupprimerBref j'aimerais en savoir plus, car à l'époque de cette visite j'ignorais tout ou presque et c'est bête, j'aurais plus apprécié!
Il te faudra, pour en savoir plus sur la chapelle, choisir un autre livre, car celui-ci se concentre plus généralement sur l'épopée normande et Roger II C'est sa seule limite. Mon rêve, à présent ? Partir à Palerme, bien entendu !
SupprimerJe suis allée en Sicile : un souvenir éblouissant ! Ce mélange des cultures, ces monuments où se mêlent les Grecs, les Romains, les Arabes, les Normands !
RépondreSupprimerCe livre me tente bien. Merci.
Je ne doute pas que ce soit un voyage exceptionnel, que j'aimerais bien entreprendre à présent. C'est un livre très intéressant. Je me suis juste un peu lassée vers la fin, les querelles dynastiques étant sans fin, je me perdais un peu dans tous ces personnages. J'admire beaucoup l'esprit de synthèse de l'auteur...
SupprimerJe n'en avais jamais entendu parler non plus, et, tu as raison il faut se méfier des louanges des mères envers leurs rejetons. Et maintenant j'ai vraiment envie de la voir cette chapelle moi aussi.
RépondreSupprimerNous allons bientôt constituer un groupe !
SupprimerQuant à l'avis des mères sur leurs enfants, c'est une autre histoire, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et ce n'est probablement pas fini. Bon dimanche à toi.
ce qui attire en Sicile c'est en plus des citrons :-) le mélange de civilisations plus riche les unes que les autres
RépondreSupprimerje note immédiatement ce livre et j'ai vu que l'auteur avait commis d'autres bio qui m'intéressent en particulier Bernard de Clairvaux et surtout Thomas Beckett
Grâce à toi une bien belle découverte
Du coup j'ai lu ton billet un peu en diagonale et je le relirai quand le temps sera venu
Pas de problème pour la lecture en diagonale, Dominique. Hélas je ne suis pas Edith Wharton ou Henry James ! De plus j'ai écrit cet article assez rapidement le temps me manquant en ce moment.
SupprimerJ'ai noté également le livre sur Bernard de Clairvaux, très présent déjà dans celui-ci. Quel personnage !
J'ai l'intention de le lire dans quelques temps, car à présent un peu de légèreté me ferait du bien. Bon dimanche à toi.
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RépondreSupprimerMerci pour ce billet malgré le rythme de décembre, tu nous emmène pour un grand voyage. Tout a été découverte pour moi. Je me joins au groupe pour le séjour en Sicile !
RépondreSupprimerCette fois, je contacte une agence de voyage ! Merci Marilyne !
RépondreSupprimerje garde un superbe souvenir de mon voyage en Sicile et de la visite de la chapelle palatine en particulier, ce livre prolongerait fort bien le voyage!
RépondreSupprimerTout à fait, même si l'aspect artistique y est peu développé, à mon grand regret. Mais la vie trépidante de ces Normands, mérite vraiment d'être connue !
SupprimerOh oui, une excursion sicilienne de lectrices, après avoir lu ce livre qui t'a passionnée!
RépondreSupprimerOn a beau dire, et c'est vrai en grande partie, que toutes les îles de la Méditerranée se ressemblent, ce mélange de différentes civilisations est moins visible ici.
Je vais regarder s'il y a un bateau entre mon île et la Sicile pour vous y rejoindre!!!
Ne te fatigue pas trop trop, quoique... a-t-on toujours le choix? Ne rien préparer est si triste.
Bienvenue, Colo, toi l'habituée des îles ! Oui, comme chaque année et comme beaucoup je pense ,je me suis dit début décembre : "Cette année, je fais simple !" Et puis....
SupprimerJe ne crois pas que j'enchaînerai avec cette lecture mais votre article m'a intéressé, c'est de fait une époque et un personnage passionnants.
RépondreSupprimerChacun ses passions en effet ! Ce livre m'a permis de découvrir un chapitre de l'histoire que j'ignorais superbement et c'est vrai que ces hommes et ces femmes m'ont laissée plus qu'admirative. Quelles vies tranquilles nous menons à côté d'eux !
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