Il y a cent ans se terminait, sur le front occidental, la terrible guerre de 14-18.
Trois de mes arrière-grands-pères, y ont participé. Mes deux grands-pères également.
Hôpital militaire. Mon grand-père est le jeune-homme en chemise blanche et portant un calot, assis sur une chaise ,en bas à droite. |
Le premier de mes arrière-grands-pères, se prénommait Firmin : rattaché à un régiment de "Gardes des Voies et des Communications" (g.v.c), du fait de son âge - 45 ans en 1914 -, fort caractère, il a repris ensuite sa vie, sans sembler en avoir été affecté, jusqu'à sa mort en 1952.
Le deuxième, qui portait, pour des raisons assez romanesques, l'impérial prénom de Charlemagne, simple soldat également dans un régiment du génie, a été gazé. Il est mort quatorze ans après la fin de la guerre à l'âge de cinquante-trois ans.
Le troisième, Barthélémy, quarante-huit ans au début du conflit, flamboyant "chef de musique de première classe au 89ème régiment d'infanterie", a participé au conflit jusqu'au 31 janvier 1917, date à laquelle, la limite d'âge atteinte, il a été mis à la retraite. Il s'est retiré dans ses foyers, honoré par la croix de guerre et la légion d'honneur.
Un poilu. Dessin de mon grand-père. |
Mon grand-père paternel, Firmin, fils de Firmin, s'était engagé à peine âgé de dix-sept ans.
Parti de son Languedoc natal, enrôlé successivement dans plusieurs régiments d'infanterie, notamment en tant que mitrailleur il a participé à toutes les grands batailles du front de l'est, dont la Marne et Verdun...
Marqué à vie, il est resté un homme silencieux, renfermé, morose, d'une extrême sensibilité, qui n'évoquait jamais ses années de guerre. Il a cependant vécu jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Nous nous sommes beaucoup aimés.
Quant à mon grand-père maternel, ne l'ayant jamais connu je ne sais malheureusement rien de son parcours militaire.
Nous avons eu la chance, de retrouver dans une boîte à chaussures, une cinquantaine de cartes postales que mon grand-père paternel et son père (les deux Firmin) ont échangé durant cette période, ainsi que celles qu'ils envoyaient à leur mère ou épouse, restée à Sète (Cette à l'époque) avec son plus jeune fils.
C'est un précieux héritage.
En ce jour, je voudrais juste partager avec vous deux d'entre elles, particulièrement émouvantes.
La première, datée du mois d'avril probablement 1916, est écrite au crayon par mon arrière-grand-père et est adressée à sa femme.
Proche de l'unité de son fils, il le cherche, dans le cahot qui suit la bataille :
"Le 20 avril. 8 heures du matin. Je suis à revigny j'ai marché toute la nuit de village en village sans pouvoir trouver le petit je me prépare à rentrer à Eclaron je suis très fatigué j'ai fait à pied toute la nuit 37 km je vous embrasse Bonneil"
La seconde, envoyée par mon grand-père à sa mère fait preuve d'un sens de l'ellipse, qui témoigne chez lui cependant d'un grand besoin "de dire", qu'il réfrène habituellement dans tous ses courriers, qui consistent le plus souvent en ces simples phrases :
" Chère maman
Je vais toujours très bien. Ne te fais pas de mauvais sang. Je t'embrasse."
Datée du 20 août 1916, en pleine bataille de Verdun, il écrit :
" Chère maman,
Nous venons d'être relevés des lignes et je t'assure que cela n'a pas été un petit travail. Les tranchées étaient pleines d'eau. Nous sommes tout près du camp de Mailly. Je crois que nous allons faire des manoeuvres. Donne bien le bonjour chez tante. Je vous embrasse bien fort Albert (son jeune frère) et toi.
Firmin"
En ce jour, je pense à eux et à tous les autres, de tous les bords.
Tu as de la chance d'avoir ces souvenirs. Emouvants. Mon grand père qui a 'fait' 14-18 n'en parlait pas vraiment et il y a peu j'ai retrouvé son livret militaire (citation, médaille, tout ça pour avoir 'récupéré' un blessé sur le champ de bataille) S'il y a eu des photos, cartes ou lettres, je n'en sais rien, il était célibataire à l'époque et j'ignore si ses parents ont gardé quelque chose (tout le monde décédé depuis tu penses bien)
RépondreSupprimerOui c'est une grande chance. Je pense que le silence a été le lot de la plupart des "poilus". Peut-être ne peut-on rien dire d'une si rude épreuve. Peut-être comprend-on aussi que les proches n'ont pas envie de savoir Comme cela a été le cas pour moi, je pense que ce sont souvent les petits-enfants qui ont été les destinataires de cette mémoire, peut-être ârce qu'ils s'en sont montrés curieux.
SupprimerGrand merci pour de partage. C'est saisissant et terrible. Et en même temps, c'est une chance d'avoir ces témoignages en héritage. Ces cartes postales m'emeuvent beaucoup.
RépondreSupprimerCes deux-là sont les plus dramatiques. Toutes sont émouvantes. D'autres sont même drôles...
SupprimerJ'ai bien envie d'en publier certaines de temps en temps sur ce blog. Merci pour ton commentaire, MarIyne.
C'est rare d'avoir autant d'informations sur l'histoire des hommes de sa famille je crois ; et quand j'étais jeune, la deuxième guerre avait balayé les souvenirs de la première .. Mon grand-père n'y est pas allé, il a été réformé, mais son frère jumeau a été tué. Une seule fois, je l'ai entendu en parler, j'ai eu l'impression qu'il éprouvait une forme de culpabilité d'avoir échappé à cette horreur.
RépondreSupprimerIl faut dire que je les ai cherchées, ces informations. Ces cartes et quelques secrets de famille ont été à l'origine de cette quête qui ne m'a pas déçue ! Je crois que de nombreux soldats sont revenus "coupables", d'avoir participé à ces horreurs ? d'avoir survécu ? Mon grand-père est aussi resté toute sa vie un vrai fanatique de la propreté. Passer quatre ans dans des tranchées explique peut-être cela.
SupprimerC'est fort émouvant, même pour nous dont ce n'est pas la famille. Celui qui parle et celui qui se tait, ceux qui rassurent aussi.
RépondreSupprimerMerci d'avoir partagé avec nous ces précieux souvenirs, documents.
J'ai oublié d'ajouter qu'hier soir j'ai regardé le film "Au revoir là-haut". La première guerre vue sous un angle très personnel (qui ne trahit pas le roman), je l'ai trouvé vraiment excellent.
SupprimerMerci Colo. Oui il ya un grand contraste dans les styles du père et du fils, qui se révèle dans toute la correspondance. Il faut dire que le premier avait une personnalité assez écrasante. J'ai vu ce film il y a quelques mois (jamais lu le livre). Il m'avait beaucoup plu. Bonne soirée Colo.
SupprimerMerci de ce partage. Je retiens la phrase : ne te fais pas de mauvais sang. Une façon de parler qui semble moins fréquente aujourd'hui.
RépondreSupprimerBonne journée.
C'est vrai, alors qu'il m'arrive de l'employer encore. C'est une expression bien adaptée me semble-t-il, imagée, une façon de parler qui me plaît bien !
SupprimerQuel précieux héritage, Annie. Merci de partager ces souvenirs avec nous, ces paroles simples et vraies. Au lit avec la grippe, j'ai tout de même pu suivre à la télévision les commémorations du centenaire du 11 novembre à Bruxelles et à Paris. Les extraits de lettres lus (très bien dits) par des élèves de terminale étaient particulièrement émouvants.
RépondreSupprimerJ'étais trop jeune quand mon grand-père paternel est mort, je n'ai pas vraiment échangé avec lui. Du côté de ma mère, les souvenirs dramatiques de la seconde guerre ont occulté ceux de la première.
Tout d'abord, Tania, j'espère que tu vas mieux et te remercie d'avoir pris l'énergie d'écrire ton commentaire. Aucun de mes ancêtres ont "fait" la seconde guerre mondiale. Trop âgés, trop jeune en ce qui concerne mon père. Soigne-toi bien !
SupprimerQuelle chance que ces témoignages
RépondreSupprimerDepuis quelques jours j'ai écouté pas mal d'émissions et entendu beaucoup de passages de lettres toutes plus émouvantes les unes que les autres
j'ai eu un grand père qui a échappé de peu à tout ça , trop jeune en 14/18 il remerciait le ciel car autour de lui ce fut l'hécatombe : frère, cousins, voisins, amis
Oui c'est une grande chance que j'apprécie à sa juste valeur. Mes ancêtres ont échappé, au moins immédiatement à cette boucherie. Mais autour d'eux nombreux sont ceux qui sont tombés ou qui sont morts plus rapidement du fait de leurs conditions de vie dans l'armée, comme le jeune frère de mon Charlemagne mort de tuberculose, mobilisé, durant le conflit.
SupprimerMerci vraiment de partager ces souvenirs précieux et émouvants.
RépondreSupprimerDe mon côté, rien ne m'est parvenu des aïeux. Ma grand-mère disait avoir peur des casques à pointe, c'est tout ce que je garde.
Je lis "14-18, la réalité cachée" (Gian Laurens), une façon de plonger là-dedans et effrayé, essayer de comprendre. Mais les avis sont contradictoires (sur les contraintes de Versailles, entre autres). Reste, d'abord et surtout, une pensée respectueuse.
Oui, pour moi aussi c'est le cas : "une pensée respectueuse" et tendre aussi pour celui que j'ai connu et aimé. J'ai également entendu cette expression "casque à ponte" et bien d'autres, qu'il ne vaut mieux pas répéter ici, au sujet des soldats allemands. Je suppose que c'est la même chose à l'inverse en Allemagne.
SupprimerBelle commémoration avec ces témoignages de ta famille ! Moi ausis j'ai des lettres de mon grand oncle, paysan cévenol,en français avec des mots de patois qui donnent de la saveur au texte. Je suppose qu'ils, les poilus, ne devaient pas pouvoir tout dire, les lettres étaient censurées.
RépondreSupprimerJ'ai eu l'impression que mon arrière-grand-père parlait ou plutôt écrivait très librement : ol pestait, mais né révélait pas de secrets militaires, c'est certain, vu son grade. Quand à mion grand-père j'interprète plutôt son silence à une forme de sidération et à une grande pudeur qu'il a toujours gardée.
SupprimerCertainement. Mais j'ai été très surprise par l'efficacité du service postal, sauf à certains moments. Lettres, cartes postales, argent, colis (dont certains comportant du beurre !), journaux, circulaient du nord au sud. Je suppose que c'était aussi pour veiller au morale des troupes. Toute absence de courrier depuis plusieurs jours est signalée et est source d'angoisse.
RépondreSupprimerC'est très émouvant, je n'ai pas cette mémoire familiale.
RépondreSupprimerJ'avais les documents et ensuite j'ai fait des recherches. Contrairement à nous c'était des générations (très) silencieuses...
SupprimerBonjour Annie, ces cartes postales font penser à celles que j'ai pu retrouver. Eh oui, les poilus étaient des taiseux sur ce qu'ils ont vécus pendant ces terribles années. Merci pour ce billet émouvant. Bonne journée.
RépondreSupprimerMerci à toi ! Nous sommes nombreux, je pense à partager de tels souvenirs. Bonne journée également !
SupprimerTrès émouvant vraiment. Chaque famille française a des souvenirs de cette sorte.
RépondreSupprimerBonne journée