Sous-titre : "L'histoire retrouvée d'un village français".
Auteur : JACQUES-OLIVIER BOURDON
Editions :Belin / Gallimard Folio histoire -2017/ 2019 -233 pages.
Il était une fois, un petit château - le château de Picomtal - à flanc de montagne, juste au-dessus du village de Crots dans les Hautes-Alpes, qui, bâti au XIV ème siècle et souvent remanié, se trouve à vendre, en cette toute fin du XX ème siècle.
Au même moment, Jacques et Sharron Peureux un couple franco-américain qui cherche à s'établir dans la région, en fait l'acquisition et décide de le réhabiliter, en respectant au maximum son dernier état. Les travaux sont lourds et les parquets notamment ont grand besoin d'être changés.
Se mettant au travail, les ouvriers enlèvent les précédentes lattes et à la surprise générale, découvrent sous soixante-douze d'entre-elles, des textes écrits avec son crayon de menuisier, par Joachim Martin, qui les a posées lors d'une précédente réhabilitation, dans les années 1880.
S'adressant à celui qu'il imagine les découvrir dans un temps fort lointain, il y raconte, la vie de son village et la sienne, avec une verve et une franchise peu communes, que lui permet la certitude de ne jamais être lu de son vivant.
Quelques années plus tard, un historien, spécialisé dans l'histoire du XIX ème siècle, s'arrête au château qui propose des chambres d'hôtes.
Les propriétaires, qui aiment partager l'histoire du lieu, lui montrent ce trésor...
Les propriétaires, qui aiment partager l'histoire du lieu, lui montrent ce trésor...
Voici donc comment ce livre a pu voir le jour, et comment, de la même façon, notre menuisier qui ne voulait pas être oublié, reprend vie, apportant aux historiens un matériau exceptionnel, aux béotiens locaux ou de passage le plaisir de mieux connaître ce village, et aux habitants du lieu, ce léger frisson, que ne manque pas de provoquer la mise au jour de secrets, pendant longtemps bien cachés.
Se saisissant de ce matériau rare et pour le moins original, Jacques-Olivier Blondel, nous propose, au-delà d'une description d'un village haut-alpin en cette fin de XIXème siècle et de l'histoire de son plus évident patrimoine, un aperçu de ce petit Clochemerle, où les tensions privées et publiques s'entrecroisent et se multiplient, d'autant plus que la période est riche en changements de régimes : royauté, empire, république... sans oublier les querelles religieuses, qu'alimente avec force, la personnalité contestable et contestée d'un curé trop curieux quant à la vie privée de ses ouailles, surtout féminines, dont il apprécie, semble-t-il un peu trop la proximité.
C'est l'occasion également pour l'auteur d'approcher la personnalité de ce Joachim Martin, frustré, certes, par une réussite plus que limitée, mais homme curieux, intéressé par tout ce qui se passe dans son environnement aussi proche que lointain, qui apprécie l'histoire dont il discute avec son client châtelain, le dessin et la peinture que pratique l'épouse de celui-ci, et qui joue du violon lors des fêtes de village se considérant comme le meilleur ménétrier du coin.
Une vie de labeur commencée tôt auprès de son père, qui le voit conjuguer une double vie de menuisier et dans une moindre part d'agriculteur, élever quatre enfants, dont un rendu borgne par les soins du curé "occuliste", s'intéresser à la chose politique, sans oublier de fréquenter la confrérie des Pénitents-Noirs, où se retrouvent les hommes les plus éminents du village.
Une vie dont le plaisir n'est pas absent non plus que ce soient ceux de la bouteille, qu'il reconnaît un peu trop apprécier ou ceux que procurent la gent féminine dont il reconnait volontiers les attraits.
L'androne des Estables où vécut Joachim Martin Crots. Hautes-Alpes |
Bien sûr, ceux qui comme moi pratiquent en voisins ce village, prendront à la lecture de ce livre un plaisir tout particulier.
Le charme de la proximité en moins, les curieux d'histoire y trouveront leur compte également, car la vie des modestes et beaucoup moins connue que celle des puissants, comme tous ceux que travaille l'envie d'écrire sur leur famille ou leur village.
Le charme de la proximité en moins, les curieux d'histoire y trouveront leur compte également, car la vie des modestes et beaucoup moins connue que celle des puissants, comme tous ceux que travaille l'envie d'écrire sur leur famille ou leur village.
En griffonnant sur ces planches, Joachim Martin espérait être lu par l'un de ses successeurs sans jamais imaginer que la reconnaissance qu'il pourrait ainsi acquérir, soit d'une telle envergure (une émission de télévision, en plus de ce livre lui a été également consacrée).
L'histoire n'est d'ailleurs peut-être pas terminée. Les parquets du château n'ont pas tous été encore rénovés, pas plus que ceux des nombreuses maisons où il a également travaillé.
que je suis contente de te lire, j'ai choisi ce livre sur un coup de tête et je l'ai mis de côté car j'étais à ce moment là plongé dans autre chose, et puis j'avoue je l'ai un peu oublié, voilà que tu viens réveiller la belle au bois dormant ou du moins le beau menuisier merci merci je vais le faire passer en tête de mes envies
RépondreSupprimerJe suis ravie Dominique de t'avoir donné ce petit coup de pouce ! Je ne sais pas si ce menuisier était beau, mais par contre il avait le regard acéré et la langue (ou plutôt la plume) bien pendue !
SupprimerC'est étonnant d'avoir eu l'idée de cacher des textes sous un parquet ! Il a laissé faire le hasard et le texte a pris de la valeur au fil du temps, par son aspect historique. Une belle surprise pour ceux qui l'ont trouvé.
RépondreSupprimerCe moyen lui a permis de s'exprimer en toute liberté, durant ses heures de travail, lorsqu'il s'ennuyait. Tout le monde aurait peut-être ricané en le voyant écrire à la plume sur du papier et lui avait besoin de le faire... Il a trouvé la meilleure voie !
SupprimerJe me souviens de la parution de ce livre, de l'histoire incroyable du manuscrit ( et de la couverture en grand format, une toile célèbre il me semble ). J'imagine bien comme tu as pu apprécier cette lecture.
RépondreSupprimerIl me semble avoir vu un reportage sur cette découverte exceptionnelle - il y avait de quoi intéresser beaucoup de monde, assurément ! Merci d'éveiller notre curiosité pour ce témoignage inédit. Bonne semaine, Annie.
RépondreSupprimerMerci Tania. Je sais qu'un reportage a été diffusé sur une chaîne française il y a quelques mois. Le plus émouvant je trouve, c'est la volonté du menuisier de ne pas être oublié.
SupprimerLa découverte de ces manuscrits semble sortir d'un roman étrangement délicieux. Que va-t-on peut-être trouver sous les autres lattes ? Un trésor de menuisier ? Je ne connais pas du tout les hautes Alpes mais je suis curieux de lire cette surprise.
RépondreSupprimerC'est très drôle d'imaginer chacun songeur en regardant son parquet, se demandant en effet, quel secret, parfois peu avouable, il peut bien cacher...
RépondreSupprimerQuelle histoire savoureuse !
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