Auteur : EMMANUEL DONGALA
Editions : Actes Sud Babel - 2017 - 425 pages
Trois lieux : Paris, Londres et Vienne ; une époque charnière entre deux siècles : 1789-1803 ;
deux personnages principaux unis par les liens du sang : un père et son fils, jeune violoniste talentueux ; une foultitude de personnages secondaires plus célèbres les uns que les autres : l'ombre de Mozart, Haydn, Haendel et Beethoven, pour ne citer que les musiciens ; trois thèmes essentiels : la musique, l'esclavage et la condition des Noirs en Europe, sans oublier la révolution française, dont des épisodes majeurs sont vécus "en direct".
Ainsi peut-on résumer, si l'on veut faire bref, ce roman aussi foisonnant que sa superbe couverture, qui, de fait, est une biographie partielle et romancée de la vie d'un jeune "Maure", comme on disait alors, George Bridgetower, enfant prodige du violon, qui deviendra l'un des violonistes les plus connus d'Europe, et auquel Beethoven dédiera une sonate pour piano et violon, connue aujourd'hui, pour des raisons peu flatteuses pour un si grand homme, de "Sonate à Kreutzer".
Ainsi peut-on résumer, si l'on veut faire bref, ce roman aussi foisonnant que sa superbe couverture, qui, de fait, est une biographie partielle et romancée de la vie d'un jeune "Maure", comme on disait alors, George Bridgetower, enfant prodige du violon, qui deviendra l'un des violonistes les plus connus d'Europe, et auquel Beethoven dédiera une sonate pour piano et violon, connue aujourd'hui, pour des raisons peu flatteuses pour un si grand homme, de "Sonate à Kreutzer".
George Polgreen Bridgetower - 1780-1860 - Source : une-autrehistoire.org
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Il a fallu certainement bien du courage à Emmanuel Dongala, pour écrire cet ouvrage, lui qui, de son propre aveu, était, avant de se lancer dans ce travail colossal, un "véritable béotien en musique dite "classique"".
Mais le résultat est là et c'est avec un très grand plaisir que l'on découvre l'histoire de ce jeune garçon de neuf ans, poussé pour ne pas dire exploité par son père Fredercik de Augustus, un grand et bel homme "à la peau si sombre", petit-fils d'esclave né à La Barbade, devenu après une enfance tumultueuse,"officier de la cour du prince Esterhazy", et qui n'hésite pas, pour ouvrir les portes du grand monde à son fils, à se présenter en tant que "prince d'Abyssinie". Car il faut que George, se fasse connaître dans les plus prestigieuses salles de concert et auprès des mécènes les plus généreux. Pour lui, bien sûr, mais aussi pour son père, dont le penchant pour le luxe et les jeux d'argent, nécessite des fonds toujours renouvelés, sans parler de son besoin d'affirmation d'homme Noir et libre, au milieu de l'élite des Blancs.
C'est l'occasion, pour l'auteur de nous faire découvrir, au delà de la vie trépidante des grandes capitales européennes et de l'agitation d'un monde en pleine mutation, la vie musicale, si différente d'une capitale à l'autre : artistes de génie qui se plient ou non aux volontés de leurs protecteurs, fragilité des egos, souvent surdimensionnés, servilité plus ou moins obligée pour obtenir l'appui d'un directeur de salle de concert ou mieux d'un prince influant, choix des programmes dont la composition nécessite de vrais talents diplomatiques, attitudes du public ici et là, parfois déconcertantes.
C'est l'occasion, pour l'auteur de nous faire découvrir, au delà de la vie trépidante des grandes capitales européennes et de l'agitation d'un monde en pleine mutation, la vie musicale, si différente d'une capitale à l'autre : artistes de génie qui se plient ou non aux volontés de leurs protecteurs, fragilité des egos, souvent surdimensionnés, servilité plus ou moins obligée pour obtenir l'appui d'un directeur de salle de concert ou mieux d'un prince influant, choix des programmes dont la composition nécessite de vrais talents diplomatiques, attitudes du public ici et là, parfois déconcertantes.
Pietro Longhi. "Un concert au XVIIIe siècle" (détails) |
Mais le souvenir de l'esclavage n'est jamais loin non plus dans l'esprit de Frédérick de Augustus, alors que George en ignore encore tout. L'occasion pour l'auteur, d'en rappeler les formes multiples, dont certaines oubliées qu'il juge "pire peut-être sous certains aspects", castration et infanticides.
La traite arabo-musulmane. Source : Breizinfo.com |
Dernier aspect, tout aussi intéressant, celui du statut de tous ces hommes Noirs ou "Maures", qui se pensent acceptés, parce qu'ils vivent près d'un puissant, qu'ils parlent plusieurs langues de cette Europe qui les accueillent pour leurs talents... jusqu'à un certain point et qui découvrent un jour ce qu'ils pensaient ne jamais devoir les concerner, un "cartouche" à porter pour ne pas être expulsé, ou leur devenir insupportable, une fois la mort venue.
Le Chevalier de Saint-Georges - 1745 ?-1799 - Source : classiquenews.com |
Malgré quelques légers grincements - il n'est pas toujours facile d'introduire dans un texte avec fluidité toutes les informations historiques qu'on souhaiterait y faire figurer -, la lecture de ce roman, reste un vrai plaisir : vivant, riche de beaux personnages et de situations passionnantes, émouvant parfois, c'est une lecture (et une écoute) dont il serait bien dommage de se passer.
Une belle découverte, en effet, j'ai beaucoup appris.
RépondreSupprimerMoi aussi, surtout en ce qui concerne la musique et le statut réservé aux Noirs, dans les cours européennes.
SupprimerJ'ai vu passer ce roman ( la couverture attire joliment l'oeil ) sans m'en préoccuper. C'est une fresque historique et je n'en reviens pas que l'auteur soit un "véritable béotien en musique dite "classique"" ( tout comme moi ). Double sujet, j'imagine les recherches qu'il a dû effectuer ! Et double découverte pour moi par ton billet : la première dédicace de la sonate à Kreuzer ( qui reste pour moi le roman de Tolstoï ) et ce prix Montesquieu.
RépondreSupprimerCe roman a été également pour moi l'occasion de belles découvertes, dont celles que tu cites. Je vais à présent m'intéresser au roman de Tolstoï, que je n'ai pas encore lu.
SupprimerJe l'ai acheté dès que j'ai vu qu'il était sorti en poche ! Ton avis m'incite à le placer sur le dessus de ma pile !
RépondreSupprimerAlors c'est très bien. Bonne lecture dont j'attends l'avis avec impatience !
SupprimerJ'ai eu l'occasion de rencontrer l'auteur à la sortie de son roman, mais je ne l'ai toujours pas lu. Un homme passionnant ..
RépondreSupprimerJe n'en doute pas. J'avais lu déjà son précédent livre ("Photo de groupe au bord du fleuve"), qui m'avait beaucoup intéressée.
Supprimerhttps://uneviealire.blogspot.com/search/label/République%20du%20Congo
Superbe couverture du livre, en effet, qui annonce ce foisonnement coloré dont tu parles.
RépondreSupprimerIl est si important que des Africains se fassent connaître, fassent connaître les leurs, tant de siècles où nous les avons ignorés et/ou maltraités! Merci Annie, je note le nom de cet auteur bien sûr.
Je partage tout à fait ton opinion ! Pour moi beaucoup de choses ont été des découvertes et l'ensemble un vrai plaisir ! Bonne journée, Colo.
Supprimerun poche, la musique et le thème de l'esclavage trois bonnes raisons de l'ajouter à ma liste
RépondreSupprimerj'avais lu pas mal de commentaires favorables mais comme on arrive pas à tout lire il y a des livres qui restent sur le bord de la route
Rassure-toi, c'est le cas également pour moi. J'avais lu un précédent livre de cet auteur qui m'avait beaucoup plu, c'est pourquoi celui-ci est passé devant beaucoup d'autres. Bon week-end, Dominique !
SupprimerEt combien ! Mais c'est rassurant de savoir qu'ils sont tous là à côté de nous. Pas de pénurie en vue !
RépondreSupprimerCe serait un bon titre pour enchaîner avec le concours Reine Elisabeth de violon qui vient de se terminer - je le note, bien sûr.
RépondreSupprimerMon commentaire sur Orhan Pamuk n'est pas passé : j'avais survolé ton billet juste avant de commencer ce roman, j'y reviendrai plus tard.
Oui, tout à fait Tania et je t'envie d'avoir pu assister à ce concours. Dans quelques jours, lorsque je serai plus au calme je rechercherai ton commentaire sur Ohran Pamuk. Il y a parfois des mystères...
SupprimerOn associe très peu les noirs à la musique classique et l'histoire de Bridgewater, telle que vous nous l'expliquez, mérite vraiment le détour.
RépondreSupprimerJ'apprécie une phrase de l'auteur (entretien Libre Afrique) : "Le livre ne peut changer le monde, mais il peut mieux faire percevoir ce qu’on ne verrait pas sans lui." C'est bien le cas pour celui-ci.
Voici votre commentaire retrouvé et cette fois c'est moi la seule coupable. Comme la période est un peu agitée, mais pour de bons prétextes, il m'arrive de lire le commentaire, juste pour le plaisir et de ne pas encore avoir le réflexe de le publier tout de suite. Toutes mes excuses !
SupprimerCe qu'écrit la libre Belgique est très juste et c'est extrêmement plaisant de faire ainsi des découvertes, parfois très originales, comme c'est le cas ici.
J'avais envoyé un commentaire, je le signale toujours puisqu'il y avait des problèmes avec le blog. À bientôt Annie.
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