vendredi 12 octobre 2018

RODERICK HUDSON





Titre original : RODERICK HUDSON. 1876.
Auteur HENRY JAMES
Traduction : Anne BATTESTI
Editions : Bibliothèque de  La Pléiade. Gallimard. 354 pages


Il est des livres qui me font contrairement à d'autres, perdre tout esprit critique. Il me suffit d'en lire quelques lignes et je sais que je poursuivrai, sans sauter un mot, jusqu'à la dernière, en n'éprouvant que plaisir et admiration.
"Roderick Hudson" est de ceux-là.

 Second roman de Henry James et premier "au décor international", cet ouvrage nous entraîne  à la suite du riche et jusque là désoeuvré  Rowland Mallet, qui découvre brusquement sa vocation de mécène, en admirant la statuette qu'un jeune-homme, Roderick Hudson, a sculpté puis offert à la cousine chez qui Rowland passe quelques jours avant de quitter l'Amérique pour l'Europe.

Roderick est beau, "impulsif, spontané, sincère" et incapable de résister à la proposition qui lui est faite, de quitter Northampton, Nouvelle-Angleterre,  autrefois épicentre "d'un calvinisme intransigeant" bien peu "propice aux épanouissements artistiques".
D'autant plus que les ambitions du jeune-homme ne sont pas minces : "Faire aussi bien que Michel-Ange", sinon rien.

Si Roderick est enchanté, sa mère l'est beaucoup moins : veuve, ayant déjà perdu un fils aîné, elle a toujours vécu à Northampton et son seul rêve est de voir le seul enfant qui lui reste, s'y établir,  devenir un  homme de loi respecté et mener une vie aussi pieuse et terne que la sienne.
Miss Garland, la jeune cousine fille de pasteur, qui séjourne pour quelques temps chez Mrs Hudson,  n'a probablement pas d'autre ambition pour lui, mais y renoncera si le bonheur de Roderick nécessite son départ à l'autre bout du monde.


Northampton. Massachussetts

Bien sûr leur arrivée en Europe et particulièrement à Rome, où s'installent les deux jeunes-gens, est une véritable extase. Roderick travaille, Rowland pourvoie à tous ses besoins, veille aussi sur lui conscient à l'extrême de sa responsabilité,  devant Mrs Hudson et Miss Garland qui lui font totalement confiance pour veiller sur leur idole.
 Troublé d'avoir appris les fiançailles de cette dernière avec son cousin, Rowland met de côté les sentiments que celle-ci lui a inspirés au premier coup d'oeil et ne peut que se remémorer la beauté cachée de cette jeune-femme intelligente, secrète et droite.

Mais Rome, est dangereuse pour une âme passionnée, égotiste, inconstante.
Et Roderick Hudson n'est pas Ulysse acceptant de se faire attacher au mât de son navire pour échapper aux chants des sirènes. La belle et capricieuse Miss Light va rapidement se révéler la plus dangereuse d'entre elles.


Rome

A partir de ce moment les événements vont s'enchaîner, inéluctables. Les caractères d'abord esquissés vont peu à peu se dévoiler, en miroirs inversés.
D'un côté la facilité, une certaine paresse, l'incapacité à résister à toute tentation, une attention forcenée à soi et à ses états d'âme, que le génie est sensé excuser. 
De l'autre, le sens du devoir, la générosité, la capacité à se maîtriser, une attention sensible aux autres, qui semblent naturelles et comme dues à ceux qui en sont tellement dépourvus.
Pourtant pas de manichéisme. L' âme la plus cruelle n'est pas la plus noire. Chacun va au bout de lui -même, plus ou moins enchaîné à l'autre, les yeux ouverts.
Aucun d'eux, aucune d'elles ne sortira vainqueur de l'aventure, chacun accomplira son destin avec éclat ou modestie selon le cas. 
Et tous les coeurs seront brisés.


Alexandre Calame (1810-1864) Montagne en Suisse. Crayon et fusain sur papier.


Je ne sais pas ce qu'il faut le plus admirer dans ce livre du contraste.
La construction sage, en chapitres équilibrés -le roman a paru tout d'abord en feuilleton dans la presse - qui  nous conduit implacablement vers la fin.
Le style pour moi parfait, qui sans aucune fioriture, sans un mot de trop,  avec précision et délicatesse, sait rendre l'enchaînement des événements comme les nuances et les variations violentes ou subtiles des sentiments.
La connaissance des tourments des âmes, ceux que certains s'infligent et infligent, ceux que les autres supportent et qui laissent à jamais coupables, malgré leur juste révolte, ceux qui ont toujours cherché à aimer, malgré tout, fidèlement.

Vous l'aurez compris je n'oublierai pas ce livre  et je suis profondément heureuse de savoir qu' il me reste encore de nombreux romans d'Henry James à découvrir.

29 commentaires:

  1. Comme vous me donnez envie de relire Henry James ! Je comprends ce que vous dites à propos de perdre tout esprit critique. Il est de ces livres qu'on lit, tout simplement, avec passion.
    Bon week end.

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    1. Oui, c'est exactement cela. Bien sûr ce sont les livres que je préfère et j'ai remarqué que ce sont souvent des "classiques", James, Tourgueniev dont il était l'ami, Proust, Edith Wharton, Virginia Woolf et tous les autres .

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  2. Je tourne autour de cet auteur depuis longtemps. Coïncidence, dernièrement j'ai lu L'excuse de J Wolkenstein, qui reprend Portrait de femme avec habileté, et franchement, je dois lire James

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    1. Saute, Keisha. Beaucoup d'auteurs me faisaient peur, mais une fois le plongeon fait, c'est toujours un régal, sauf en ce qui concerne les philosophes : là, je ne comprends rien !

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  3. J'ai tenté deux fois de lire Henry James, sans beaucoup de succès. Je peux toujours refaire un essai, il doit être à la bibliothèque.

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    1. Tu pourrais commencer par celui-là : je trouve qu'il se lit "tout seul".

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  4. Je n'ai jamais lu Henry James. Je ne sais pourquoi, c'est le type d'auteurs qui m'impressionne. En vous lisant, maintenant, il me paraît abordable.

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    1. C'est tout à fait abordable, et quand je vois ce que vous lisez habituellement, cela ne devrait pas vous poser l'ombre d'un problème...sauf histoire de goût, bien sûr.
      Certains grands auteurs , je pense à Dostoievski en particulier me restent aussi impossibles à lire.

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    2. Justement, Dostoïevski fait partie de ces auteurs... mais je voudrai vraiment le lire, j'aime la littérature russe, un projet de l'hiver. Je lis votre réponse à Dominique, j'ai le même cheminement, en alternance avec lesbparutiobs actuelles c'edt vrai, revenir aux classiques lus trop jeunes ou ignorés. ( je ne sais plus, nous alternons le Vous et le Tu )

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    3. Ah Dostoievsky! J'avoue le problème, je n'arrive pas à accrocher, et ce n'est pas faute d'avoir insisté. Alors que Tolstoï, ça me va.

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    4. Ah Dostoievsky! J'avoue le problème, je n'arrive pas à accrocher, et ce n'est pas faute d'avoir insisté. Alors que Tolstoï, ça me va.

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  5. J'ai lu un portrait de femme, je crois il y a longtemps.Je ne connaissais pas celui-là.

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    1. Je vais le relire bientôt. Celui-là ne fait pas partie des plus connus en effet.

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  6. là évidement on est dans la vraie la grande littérature
    j'ai acheté ce volume de pléiade et aujourd'hui je suis presque triste car je l'ai terminé
    je vais faire paraitre le dernier billet sur le magistral Portrait de femme
    Pour Roderick Hudson fut une belle découverte, même si c'est un roman parmi les moins connu on y sent déjà la patte du maître
    je vous souhaite tout le plaisir possible avec les suivants : les européens, washington square

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    1. Bien sûr je vais poursuivre. J'ai déjà lu "les Européens" il y a quelques temps. En fait je m'aperçois, que ce que j'aime lire c'est çà (la "grande littérature"), sans aucune forfanterie de ma part, c'est juste un constat et c'est probablement pourquoi les livres des rentrées littéraires me tombent des mains. De plus, les années passant. je considère que je n'ai pas de temps à perdre et qu'il me faut plutôt me concentrer sur tous les "grands", lus trop jeune ou pas encore lus. Dominique, nous nous tutoyons depuis des années et ton "vous" m'a fait bizarre !

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    2. oh mes neurones souffrent un peu encore des 5 anesthésies, de temps à autre je multiplie les fautes de frappe ou les trous de mémoire !
      Je suis comme toi je lis un peu des parutions mais à dose très limitée et essentiellement de la littérature étrangère sinon comme toi je me tourne vers les classiques la valeur sûre

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    3. Cinq anesthésies cela fait beaucoup en effet et j'espère sincèrement que ce long parcours est terminé pour toi à présent !

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  7. Ton billet emporte, emballe, plein de vie, de rythme. Bravo!
    Rome ville de toutes les tentations, hé, hé.
    Je note le titre, encouragée aussi par Dominique, me plongerai dans la lecture d?Henry James donc, Merci!

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    1. Merci Colo ! C'est vrai qu'on écrit beaucoup mieux dans l'enthousiasme ! Oui, plonge tu passeras de si bon moment et certainement apprendra des choses sur toi-même ou les autres, comme c'est toujours le cas avec les grands écrivains. ce livre m'a fait un bien fou.

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  8. J'ai du mal avec Henri James ! Quand je vois ton enthousiasme,je me dis que je passe à côté de quelque chose; peut-être me faudrait-il lire celui-ci.

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  9. Je pense que c'est une bonne façon de commencer. Mais je crois qu'il faut accepter aussi de ne pas accrocher à une oeuvre pourtant encensée par beaucoup.
    Je viens de répondre à la responsable d'un cercle de lecture que j'ai commencé à suivre récemment et qui proposait une rencontre autour du "Petit Prince", pour une lecture revisitée (déjà je me méfie...), en enveloppant mon message du plus d'humour possible que je ne les rejoindrai pas cette fois, car j'ai horreur du "Petit Prince", ce qui est la stricte vérité !

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    1. Tu as raison, bien sûr, on ne peut aimer une oeuvre parce que tous les autres l'admirent. Quant au Petit Prince, qu'est-ce qui te déplaît à ce point ? Horreur est un terme fort.

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  10. Je reprends volontiers à mon compte votre avis sur l'écriture de H James : "parfaite sans aucune fioriture, sans un mot de trop, avec précision et délicatesse".
    Je n'ai pas lu ce roman-ci et le note. Je projette de me procurer un jour ses romans et nouvelles à La Pléiade, mais ce sont trois volumes...

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    1. C'est un peu le problème de La Pléiade en effet. Ce premier tome était un cadeau d'anniversaire...fort apprécié, vous le devinez. Quant à la longueur, j'y suis indifférente lorsque j'aime un auteur.

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  11. Quel beau cadeau que ce recueil qui te réserve d'autres grands bonheurs de lecture !
    James nous plonge dans un état particulier, en douceur, mais peu à peu on nage dans a grande profondeur, la marque des grands écrivains.

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    1. Oui, cela me plaît beaucoup. J'aime toujours lorsque les choses essentielles sortent du quotidien, c'est pourquoi les "héros", me touchent beaucoup moins. Bon week-end, Tania.

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  12. Lu assez tardivement (Je l'ai fini cet été ), ce n'est pas le roman de James que je préfère - sans doute est-ce la raison pour laquelle je tarde à rédiger mon billet. Je trouve le James des nouvelles plus ambitieux à l'époque, moins démonstratif. En revanche, les romans suivants, "Confiance" et "Washington square" sont pour moi des petits chefs-d'oeuvre.

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