Titre original : IDAHO -2017
Auteure : Emily RUSKOVICH
Traduction : Simon BARIL
Editions Gallmeister - 2018 - 358 pages.
Je sens que cet article va être difficile à écrire car je me dois, ni d'en dévoiler les ressorts, ni me montrer trop critique sur certains aspects qui m'ont gênée car c'est un livre de qualité, qui ne mérite en aucun cas d'être écarté, comme nous avons parfois envie de le faire lorsque les critiques dithyrambiques, qui figurent sur la quatrième de couverture, nous semblent, tout compte fait, un peu exagérées.
Tout d'abord je pense important de dire que c'est un premier roman, qui fait suite à des recueils de nouvelles, qui ont été assez appréciés, pour être récompensés par un prix prestigieux outre-atlantique.
L'intrigue se déroule dans les montagnes de l'Idaho entre 1975 et 2025 et implique un homme, Wade, coutelier et éleveur de chiens, ses deux épouses successives, Jenny et Anne professeur de piano et de chant, les deux filles de son premier mariage June et May, ainsi qu'un personnage, totalement extérieur la famille, Elisabeth, qui partage avec Jenny, une expérience dévastatrice.
Rien n'aurait dû venir troubler la vie tranquille de ce couple et de leurs enfants et Anne n'aurait jamais dû entrer dans cette famille, si le drame ne s'était pas brusquement invité au coeur de la montagne.
A partir de là tous les personnages vont vivre une expérience commune, sans la partager vraiment , chacun à leur place.
Une expérience cruelle marquée par la perte, les ressorts de la mémoire et la culpabilité, et d'autant plus lancinante qu'un espoir, de plus en plus tenu au fur et à mesure que les années passent, s'emploie à maintenir les plaies ouvertes.
Voici donc un beau sujet et de beaux personnages. Des êtres sensibles, éminemment respectueux les uns des autres, aimants. Wade ne veut pas parler de ce qui c'est passé tout en continuant à espérer. Il avance vers le destin qui est celui des hommes de sa famille sans flancher. Jenny boit son calice jusqu'à la lie, culpabilité et dégoût d'elle-même mêlés, sans jamais regimber. Elisabeth sait, pour le bien d'une autre, se séparer de ce qui donnait sens à sa vie. Quant à Anne, elle continue à chercher pour aider et tout au long de son parcours fait preuve d'un grand courage et d'une totale humanité.
Voici également un récit construit avec une grande habileté. Les évènements ne se succèdent pas par ordre chronologique mais se combinent, peu à peu dans un désordre temporel voulu, jusqu'à nous mener au terme de l'histoire, sans la résoudre totalement, ce que j'ai curieusement regretté et apprécié, car elle semble devoir ainsi se poursuivre, sait-on jamais ?
Voici enfin une auteure qui sait ce qu'écrire veut dire, peut-être même un peu trop.
Trop et pas assez voilà ou pour moi le bât a blessé.
Des personnages trop parfaits. A plusieurs reprises je me suis interrogée sur ce lieu où tous et toutes ont un tempérament d'une telle sensibilité.
Un récit un peu trop maîtrisé, un style parfois trop travaillé qui m'ont fait souvent penser à un exercice littéraire.
Quant au "pas assez", il concerne particulièrement le noeud du drame, qui m'a semblé d'une légèreté plus qu'étonnante. Une impulsion, certes, mais tout de même.
Je conclurai, en disant qu' Emily RUSKOVICH est certainement une auteure à suivre. Le dernier chapitre est en effet bouleversant. Elle a un grand talent qui serait encore plus éclatant me semble-t-il si elle acceptait de faire un peu plus simple.
Il faut bien que jeunesse se passe, même lorsqu'elle est prometteuse!
Je n'ai pas écrit de billet sur ce roman, je m'en sentais incapable. En revanche, je retrouve exactement ce que j'en ai pensé dans le vôtre. Ca me fait plaisir.
RépondreSupprimerEt à moi aussi, car j'ai, comme vous failli abandonner l'idée d'écrire un article. Merci à vous d'être passée.
SupprimerJe note les bémols, qui ne me découragent pas, je préfère cela au dithyrambique des quatrièmes de couverture. Oui, parfois l'on sent l’atelier d'écriture dans les romans américains (et ça peut me faire abandonner d'ailleurs)
RépondreSupprimerC'est me semble-t-il tout à fait le cas ici. Mais l'élève est douée. Comme toi j'ai souvent envie d'abandonner aussi.
SupprimerUn titre que j'ai noté et que je pense lire tôt ou tard. Je verrai si je partage tes bémols mais pour un premier roman, on peut se montrer plus indulgent(e).
RépondreSupprimerJ'attends avec impatience ton avis. Oui on doit se montrer plus indulgente et c'est pourquoi j'ai essayée d'être aussi prudente que possible dans mon commentaire.
Supprimerj'ai calé car je ne suis pas parvenue à m'intéresser à cette famille, peut être suis-je passée à côté
RépondreSupprimerLe personnage de Jenny que l'on découvre surtout à la fin m'a beaucoup touchée. Ce qui m'a mise le plus mal à l'aise à part l'impression de lire un exercice de style, c'est la minceur du prétexte qui ne me semble pas du tout crédible, sauf grave trouble mental.
SupprimerAttendons son second roman !
Les écrivains américains du XIX et XX siècle étaient souvent des autodicdates, qui vivaient leur vie avant de l'écrire d'où la richesse et l'originalité et l'authenticité des oeuvres. C'est vrai que maintenant on apprend de plus en plus à écrire dans les universités aux Etats-Unis. Et il faut reconnaître que les cours sont bons et que les étudiants sont doués mais ce n'est plus du vécu donc cela ne m'étonne pas que tu y vois un exercice de style brillant mais...
RépondreSupprimerC'est exactement ce que j'ai pensé ! Bonne semaine Claudialucia.
SupprimerIdaho, je l'ai lu et oui nous sommes loin des grandes plaines, des espaces ouverts. L'auteure analyse comme au microscope les personnages, comme si elle voulait comprendre ou/et nous faire comprendre comment ils sont arrivés à ce drame...chose qu'on ne saura pourtant jamais. Là je suis restée sur ma faim.
RépondreSupprimerComme toi j'ai été bouleversée parfois, intriguée souvent, me suis parfois un peu perdue.
Intéressant malgré, oui, ce style un peu...voyons, didactique?
Bon week-end Annie.
Comme je lisais en même temps un livre d'henry James. J'ai vraiment eu du mal avec le style de l'auteure. Je pense notamment au chapitre sur le chien qui renifle. Pour moi trop c'est trop et je suis beaucoup plus émue par les phrase, longues certes d'HJ, mais où aucun mot ne semble inutile. Pur bonheur au contraire. Bonne semaine Colo.
SupprimerQuelle belle discussion, faite de commentaires riches, et de fines analyses. Finalement, vous donnez envie de le lire ce livre !
RépondreSupprimerC'est une bonne chose alors ! C'est vrai que j'ai bien aimé cette discussion par commentaires successifs. C'est aussi cela l'intérêt des blogs. Bonne semaine, Anis.
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimer"Trop et pas assez" : j'ai lu ton billet et les commentaires avec attention, il y a de quoi intriguer, comme avec ce "2025". A feuilleter pour me faire une idée de son style, c'est souvent ce qui me décide à lire un roman ou pas.
RépondreSupprimerJe pense que c'est une bonne idée, car justement, moi, le style m'a parfois beaucoup gênée(trop), alors que le noeud de l'intrigue m'a semblé bien faible (pas assez). Pour ma part, ce sont les premières lignes du premier chapitre qui emportent ma décision ainsi que le fait qu'il n'y ait pas trop de dialogues. C'est peut-être le style aussi tout compte fait !
SupprimerJ'ai envie de dire, en lisant votre compte rendu, q'il s'agit de petites maladresses de jeune auteur, que le plus simple est souvent le plus beau, talent ou pas. J'imagine qu'un écrivain l'apprend au fil des écrits et espère qu'Émily Ruskovoch palliera les excès et manques que vous avez éprouvés.
RépondreSupprimerChoquerai-je en disant que l'âge d'un(e) écrivain(e), si j'en dispose, m'importe en décidant une lecture et que, le plus souvent, je ne viens aux premiers romans qu'en les sachant confirmé(e)s ?
Il est vrai que 'Idaho" avait été récompensé par un prix.
Ah comme je vous approuve Christw. La simplicité , rien de mieux, à moins que l'on soit Marcel Proust ! Non, vous ne me choquez pas du tout. Pour ma part, en vieillissant, je me dis de plus que je n'ai pas de temps à perdre.
SupprimerI bought this book (on Kindle) and read it upon the recommendation of a blogger. I thought it was you who told me about it ... but I guess not. I think I understand a little what you mean here. The thing I remember liking about the novel was that it portrayed older generations with life and energy. There are not very many novels like that these days.
RépondreSupprimerlet me try again. I remember that older people in this book (my generation and older) were portrayed as having interesting lives. Even if we did not always agree with their choices, it was good to see them portrayed as more than elderly and frail.
RépondreSupprimerFor the first time, Sallie I don't understand your comment. I think we didn't read the same book. In this novel all the characters are adults, 40/50 years old, except an old Wade's cousin who's not very important in the story and except at the end of the book. It's for me a real enigma !
SupprimerEnjoy, Fall in Oregon !
hélas hélas je n'ai pas marché à la lecture de ce roman, mais bon j'étais dans une mauvaise période peut être que je n'aurais pas le même avis aujourd'hui
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec toi: un premier roman prometteur, mais un peu trop scolaire (dans un pays où justement l'écriture est une discipline universitaire). Je pense suivre cette auteure cependant, car j'ai trouve ce roman justement quand même assez prometteur
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