mardi 20 mars 2012

REPENSER LA PAUVRETE




Titre original : "Poor Economics. A Radical Rethinking of the Way to Fight Global Poverty"
Auteurs : ABHIJIT V. BANERJEE  et ESTHER DUFLO
Traductrice : Julie MAISTRE
Editions du Seuil -408 pages-


Un pareil titre et deux auteurs autant bardés de diplômes peuvent faire peur a priori.
Pourtant il ne faut pas hésiter et au contraire se saisir ce cet ouvrage. Il fait partie de ceux dont on sort avec le sentiment d'être plus intelligent, l'envie de continuer à en savoir plus, la volonté de retrousser ses manches.
Le problème étudié est peut-être le plus important qui se pose à notre monde : comment lutter contre la pauvreté et celui dans lequel les déceptions sont peut-être les plus cruelles, car l'échec est souvent au rendez-vous.

Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo, estimant "que la meilleure chose à faire est de comprendre en profondeur les problèmes spécifiques qui affectent les pauvres et de déterminer les moyens les plus efficaces d'intervenir", ont décidé, il y a quelques années de quitter leur laboratoire du M.I.T à Boston et d'aller, avec leurs équipes sur le terrain, au plus près de ceux qui vivent avec moins de un dollar par jour : les pauvres.

Ce livre est donc une synthèse de leurs recherches qui s'appuient sur quelques principes :
- accepter d'être modestes :
"il est possible de réaliser des avancées très significatives pour résoudre les problèmes les plus graves en accumulant des mesures modestes, chacune méticuleusemnt calibrée, testée et mise en oeuvre de façon appropriée"
- donner à ceux que l'on étudient, les pauvres, toute leur place et respecter leur expertise :
"Il faut cesser de réduire les pauvres à des caricatures et prendre leur temps de comprendre réellement leur vie, dans toute sa richesse et sa complexité"
-  faire le choix  de la rigueur scientifique :  en utilisant, pour la première fois dans ce domaine, les évaluations "randomisées":
Les communautés observées "bénéficient de différents programmes ou de différentes versions d'un même programme." Les groupes ainsi étudiés étant "strictement comparables...toute différence constatée ne peut-être attribuée qu'au programme".
-  Loin de toute idéologie accepter le verdict des faits.


Armés de ces outils et de ces principes ils nous entraînent à leur suite dans une quarantaine de pays où se posent les problèmes de la faim, de santé, d'éducation, de contrôle des naissances, mais également d'accès au crédit, à l'épargne, aux assurances, à l'emploi.
 On décortique des programmes, on s'étonne au début des comportements, mais on découvre aussi très vite à quel point "les pauvres", "ces personnes qui vivent avec si peu sont par ailleurs exactement comme le reste d'entre nous. Ils éprouvent les mêmes désirs, les mêmes faiblesses" et ne sont pas moins rationnels que nous. On y retrouve parfois le parcours de nos ancêtres, nos comportements....
Des solutions apparaissent : modestes, parfois prosaïques, mais adaptées. Des solutions qui nous portent également à nous interroger sur les politiques menées dans nos propres pays notamment en matière d'éducation et d'emploi.

Comme vous l'aurez compris, je vous recommande vivement la lecture de ce livre, dont je n'ai rendu que très partiellement compte.
On est ici dans l'analyse et l'action, et dans quelque chose qui ressemble également beaucoup à  la fraternité.
Oui, c'est de l'économie ! 



Vous pouvez trouver sur le site du Collège de France les huit leçons données par Esther Duflo  en 2008-2009 : première titulaire de la chaire "Savoirs contre pauvreté", elle y développe, les thèmes qui sont au coeur du présent ouvrage.
Un site a également été créé pour accompagner  la parution de "Penser la pauvreté", mais ... en anglais : vous y retrouverez chaque chapitre illustré et d'autres pistes de réflexion ou d'action.

10 commentaires:

  1. This sounds insightful and important. Good, brief review of a difficult subject.

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  2. J'aime les essais qui, comme tu le précises, te rende "plus intelligent". Pour moi, la littérature c'est ça aussi : prendre du recul et arrêter avec les jugements à l’emporte pièce (entendu la semaine dernière chez une copine "les gens qui n'ont pas d'argent, ils préfèrent bouffer des patates et s'acheter des écrans plats". ah bah oui. c'est clair avec ce genre de remarque on va avancer!!!). je te conseille Frekonomics si tu ne l'as pas encore lu!

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    1. Non, je ne l'ai pas encore lu. Je note, donc, merci !

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  3. On nous fait croire souvent qu'il n'y a pas de solution, que le monde doit rester comme il est car sinon il irait plus mal encore. Il est de bon ton aujourd'hui dans les milieux libéraux de confondre assistanat et solidarité. Surtout ne rien changer. Les riches ne le sont que parce qu'ils le méritent bien sûr, de même qu'on accepte qu'une famille soit arbitrairement royale depuis des siècles, et qu'elle jouisse de la fortune et la prospérité. Et les pires peut-être sont ceux qui ne souhaitent pas que ça change car peut-être en jouant au loto ils pourraient devenir riches eux aussi. Et cela dure depuis l'aube des temps.

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  4. Il est un problème capital qui, à mon avis, est trop peu médiatisé et qui décourage les meilleures volontés: la corruption. Bien des bonnes volontés sont prêtes à se dévouer et à donner du temps, de l'argent, des compétences, mais la vanité de leurs efforts à cause de pouvoirs pervertis (officiels ou pas) les décourage vite. C'est un constat que j'entends souvent chez des personnes concernées par la paupérisation.

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  5. Le sujet est traité dans le livre, mais à la façon de ses auteurs. Pas question pour eux de dire que la Corruption doit être éradiquée avant de pouvoir agir mais des propositions d'action sur ce thème, testées par eux : audits et visites-pièges.

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  6. Tu m'as convaincue de lire ce livre, je suis allée hier l'acheter et je vais me plonger dedans mais les pages d'introduction sont déjà convaincantes
    merci à toi de m'avoir fait connaitre à la fois cette jeune et brillante économiste et donner la possibilité de réfléchir intelligemment au problème

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  7. J'avais déjà commenté ici, vois-je. En relisant votre compte-rendu, je suis frappé par l'idée de prendre des mesures modestes qui s'accumulent pour faire des progrès significatifs, l'idée me paraît bonne dans beaucoup de domaines.

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La sérénité, c'est important ! J'ai donc choisi la modération des commentaires pour vous éviter de perdre la votre, devant des photos floutées qu'il vous faut cocher pour prouver que vous n'êtes pas un robot. Dîtes-moi si cela marche !