vendredi 29 avril 2011

VICTOIRE, LES SAVEURS ET LES MOTS



Auteur : Maryse CONDE
Genre : Récit
Edition : Mercure de France -2006- 256 p-

You can find in english : "Victoire : My Mother's Mother" (Hardcover and Kindle Editions)


La petite Maryse Condé, ressentait toujours "un certain malaise", quand, faisant ses gammes, son regard tombait sur une vieille photo de sa grand-mère, la mère de sa mère.
Non seulement elle ne l'avait jamais connue, mais surtout elle n'arrivait en rien à la rattacher à ce qui constituait son monde : petite, peau très pâle, yeux clairs, à l'air timide et visiblement pauvre, alors qu'elle ne connaissait que la vie bourgeoise, l'arrogance et la prestance des "Grands Nègres" qui constituaient son environnement habituel.
Interrogeant sa mère c'est avec admiration qu'elle découvre son prénom : Victoire et avec stupéfaction son métier :
"- Elle se louait...
- Tu veux dire qu'elle était...une bonne ?...
- Oui c'était une cuisinière." 
Ces révélations la conduiront bien des années plus tard à reconstituer l'histoire de cette mystérieuse aïeule et surtout à "en revendiquer l'héritage", à "établir le lien qui qui unit sa créativité" - la cuisine- à la sienne -l'écriture.
Le livre, fruit de cette recherche, donne donc vie et chair à une femme  qui, marquée par ses origines,  a vécu dans le silence et l'effacement de soi. Une femme qui, aimant sa fille mais honteuse d'elle-même, n'a su lui dire qu'en lui assurant une toute autre destinée, tandis que cette même fille, qui l'adorait mais furieuse de son statut, ne savait à son tour que la brusquer en croyant la protéger.
Ce que j'ai particulièrement aimé :
- La démarche de Maryse Condé, cette recherche de l'inconnu, qui parfois éclaire nos vies.
- La manière dont se construit l'incompréhension entre la mère et la fille.
- La description du monde antillais  et particulièrement de ses codes raciaux où chacun du plus noir au plus blanc jauge et juge l'autre en fonction de sa couleur de peau : Grands Nègres,  Nègres noirs, mulâtres, Blancs pays...
- Les accents de révolte de l'auteur lorsqu'elle évoque les hommes dits "exemplaires", parce qu'ils ont écrit ou prononcé de belles paroles, sans que soit mise sur l'autre plateau de la balance la façon dont ils ont agi dans leur vie privée en "plantant je ne sais combien de bâtards, poussés sans père".
- Et surtout, dans ce texte dont le sous-titre est "les saveurs et les mots", la saveur des mots !
 Quelle richesse, quelle expressivité , au-delà des noms "exotiques" des plantes et des arbres !
J'en reparlerai mercredi.
 Un petit bémol : 
Le titre me faisait espérer que la cuisine jouerait dans ce texte un rôle important, ce qui n'est pas tout à fait le cas.

3 commentaires:

  1. J'ai lu cette auteure mais il y a si longtemps; j'ai beaucoup oublié. Ce qu'elle raconte des Antilles, est malheureusement encore vrai. on y retrouve cette hiérarchisation des personnes selon leur couleur.

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  2. Thank you Annie. I have read some Caribbean literature and enjoyed it and I will look for this one.

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  3. I had to search for a description of this book on Google. It looks very good but one of those disturbing books about how woman are ill treated.

    Hugs from Holland ~
    Heidi

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