dimanche 20 avril 2014

CLAP !








D'une pause  bien involontaire à une pause volontaire, il n'y a qu'un pas que je franchis aujourd'hui.
Et comme je ne suis pas encore certaine de vouloir  écrire "Fin" sur l'ardoise, je préfère laisser celle-ci vide en attendant d'y voir plus clair.
Merci pour vos passages, merci pour vos commentaires, merci pour vos livres prêtés !
De toute façon, à bientôt sur vos blogs...

dimanche 2 mars 2014

UN LIEVRE... SANS TORTUE


Dans la neige fraîche - La Chalp de Crévoux - Hautes-Alpes. France

mercredi 26 février 2014

COMMENT VIVRE ?

Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse.



Titre original : "How to live  or A life of Montaigne in one question and twenty attemps at an answer" - 2010 -
Auteure : Sarah BAKEWELL
Traducteur : Pierre-Emmanuel Dauzat
Editions : Albin Michel -2013 - 489 pages

C'est bien sûr  Dominique, qui m'a donné envie de lire ce livre.
En lectrice hésitante de Montaigne, souvent saisi, jamais fini, je ne pouvais qu'être séduite par l'enthousiasme de son billet.
Autant le dire tout de suite je n'ai pas été déçue !

F. Quesnel. Montaigne vers 1588


Le titre est déjà en lui-même un plaisir :
"Comment vivre ?" Belle et profonde question, dont la gravité est cependant atténuée par le sous-titre, plus évocateur d'un manuel de développement personnel que de philosophie, propre à décomplexer ceux et celles, dont je suis, que le sujet, de prime abord,  pourrait effaroucher.

Vingt chapitres suivent, toujours précédés de la même lancinante question, suivie de vingt  réponses possibles , tout droit sorties de l'existence de Montaigne et du curieux ouvrage qu'il se mit à écrire, proche de la quarantaine, après avoir lui-même frôlé la mort et vécu la cruelle expérience, quatre fois répétée en neuf ans, de la perte de La Boétie et de celle de son père, de son frère et de son premier enfant, à peine celle-ci née.

Une page des Essais -1588-

Chacun peut y trouver son miel : du plus philosophe : "Ne pas s'inquiéter de la mort",  au  plus prosaïque et au plus économe de lui-même : "Faire du bon boulot sans trop", sans oublier le laborieux : "Lire beaucoup, oublier l'essentiel de ce que l'on a lu et avoir l'esprit lent",  le révolté : "Tout remettre en question", le vagabond : "Voir le monde",  le pragmatique : "Utiliser de petites ruses", le contradictoire : "Se ménager une arrière-boutique", "Être convivial : vivre avec les autres".

Mais  ce n'est pas tout ! 
Suivant l'exemple de celui qu'elle a découvert lors d'un voyage en train, parce que c'était le seul ouvrage en anglais que le libraire de la gare proposait,  Sarah Bakewell s'accorde les mêmes libertés que celles qu'il s'est toujours données : divaguer, sembler passer d'un sujet à l'autre.
Ainsi, si chaque chapitre est bien l'occasion de découvrir, pas à pas, le déroulement de la vie et de la pensée de Montaigne, c'est tout autant le moyen :
- de réviser  l'histoire de la philosophie antique ou un des aspects les plus sombres de notre vie nationale, les guerres de religion,
- de découvrir qu'elle fut l'accueil réservé en France à cet ouvrage admiré, mis à l'index, puis à nouveau adulé, mais également quel est son écho dans d'autres pays, comme en Grande-Bretagne, où il jouit d'un engouement tout particulier,
- de suivre les polémiques que ses différentes éditions entraînèrent,
- de partager l'admiration  que lui portèrent notamment Stéphane Zweig ou Virginia Woolf.
L'occasion enfin de mieux connaître ceux qui furent parmi ses plus chers, son ami La Boétie  et  Marie de Gournay, sa tardivement, "fille et disciple".

Quel fatras allez-vous peut-être penser.
Pas du tout !
Une belle tresse au contraire, parfaitement structurée, dont on suit chaque brin, de chapitre en chapitre. Une construction  rigoureuse adoucie par un style vivant et plein d'humour et quelques réflexions personnelles bien senties sur nos travers contemporains,
Une chronologie, une très riche bibliographie complètent en outre cet ouvrage, permettant ainsi à chacun de se repérer ou d'enrichir ses plus anciennes ou toutes récentes connaissances.

En refermant ce livre enjoué et profond à la fois, je n'avais plus que trois souhaits :
- partager mon admiration pour celui qui est au coeur de l'ouvrage et celle qui a su ainsi nous le faire découvrir avec autant de science que de talent,
- remercier à nouveau Dominique pour cette belle découverte,
- et bien sûr me mettre à lire, vraiment, "Les Essais"

Sarah Bakewell

dimanche 16 février 2014

UN REGARD



Notre Dame la Brune -XIIème siècle- Eglise Saint-Philibert de Tournus. Saône et Loire. France

vendredi 14 février 2014

LE BAZAR D'UN POETE






Titre original : "En digters basar"
Auteur : Hans Christian ANDERSEN
Traducteur : Michel FORGET
Editions : Corti - Domaine romantique - 2013 / 435 pages


Le 31 octobre 1840, Hans-Christian Andersen s'embarque  à Copenhague pour un très long périple à travers l'Europe et "l'Orient".
S'il n'est pas encore l'auteur des "Contes et Histoires" qui le rendront universellement célèbre, c'est un jeune écrivain de trente-cinq ans à la réputation déjà flatteuse, poussé par un irrésistible besoin de changer d'air, comme chaque fois qu'il se sent malheureux, une double blessure d'amour et d'amour-propre cette fois.
Pas moins de neuf mois lui seront nécessaires pour traverser l'Allemagne et l'Italie, déjà visitées quelques années plus tôt, la Grèce, nouvellement libérée du joug Ottoman, qu'il découvre avec émerveillement, une partie de l'actuelle Turquie , dont bien sûr Constantinople, avant d'entreprendre un périlleux voyage de retour, en bateau, sur la mer Noire et le Danube.

Source : Bibliothèque Sainte-Geneviève. Paris

Comme d'habitude, ce n'est qu'une fois au port,  fin juillet 1841, qu'il rédigera le récit de son voyage ou plutôt qu'il donnera forme en une succession de courts chapitres, aux souvenirs qui l'ont le plus marqué.
Un bazar, oui, un joyeux mélange de tableaux croqués sur le vif, et bien qu'il regrette amèrement de ne pas l'être - "Que ne suis-je peintre ?"-, Andersen nous offre des croquis merveilleux, de relations de rencontres prestigieuses - Liszt, les souverains de Grèce - ou non, traitées avec la même acuité, quelques très courtes nouvelles ou contes.
Et toujours beaucoup d'enthousiasme : pour la nature et ses beautés douces ou cruelles, les Apennins, les cascades de Tivoli, le Stromboli, les Cyclades, le Bosphore, la mer Noire, le Danube... pour toutes ces villes traversées, Augsbourg, Nuremberg, Munich, Rome, Naples, Athènes, Smyrne, Constantinople, Pest, Buda, Vienne... pour ces monuments imaginés et aujourd'hui découverts, le Colisée, l'Acropole... pour toutes les nouvelles techniques aussi, le chemin de fer, le bateau à vapeur, le daguerréotype... qui rendent ce siècle si intéressant.
Par- dessus tout un regard curieux et bienveillant - à quelques exceptions près ! - portés sur les autres : leurs costumes, leurs coutumes, leurs fêtes, leurs rites aussi étonnants soient-ils pour ce luthérien, habitant de l'exotique Danemark, qui ne s'offusque pas d'être pris par tous pour... un américain.

Constantinople. Source : site ARTE

Si la nostalgie pointe, c'est juste pour un très court moment : le voyage est éreintant, les quarantaines assommantes - la peste rode encore en ce temps - il faut toujours quitter les amis à peine ceux-ci rencontrés, celle qu'on croit aimer se marie bien loin d'ici en cet instant, la mort peut nous saisir brusquement comme elle vient de le faire pour la très jeune, très belle et très talentueuse Malibran.
Car bien sûr en parlant des autres Andersen parle également de lui-même : sa vanité transparaît parfois - nul n'est parfait- mais  c'est surtout son attention aux autres, humains ou animaux, que l'on retient, comme son regard aiguisé  et son imagination rapide qui savent métamorphoser en un instant une cruche d'argile et une enfant :

"Je ne crois pas que j'aurais été bien surpris si le petit cheval d'argile, avec son oiseau derrière l'oreille, avait soudain pris vie, s'il avait grossi et s'était transformé en grand cheval capable de nous porter, la petite Zuleika et moi, et de nous enlever dans les airs, au-dessus de la mer de Marmara, et pas davantage si, à peine au sol parmi la myrte, la petite s'était transformée en grande jeune-fille, aussi ravissante qu'au temps de son enfance et aussi ardente que le soleil qui avait déposé ses rayons dans ses yeux noirs."

Un très beau voyage, donc, en très bonne compagnie, que je vous recommande vivement !


Merci à Nicole pour ce cadeau et merci, en tout premier lieu, à celui sans qui ce voyage nous serait probablement resté totalement étranger.

dimanche 9 février 2014

mercredi 5 février 2014

REPARER LES VIVANTS




Auteure : Maylis de KERANGAL
Editions :  Gallimard -verticales- 2014. 281 pages



Vingt-trois heures et cinquante-neuf minutes, voila le temps qui s'écoule entre le moment où Simon Limbres, dix-neuf ans, endormi dans les bras de Juliette,  est réveillé par l'alarme de son portable et celui où Claire Méjean, nouveau coeur dans la poitrine, plaie recousue, repose au bloc opératoire "le temps que son corps récupère", tandis  que "l'on range la pièce en démence" et que l'équipe, qui l'a opérée, tout comme elle le fera dans quelques semaines, retourne à la vie ordinaire.
Durant ce laps de temps, Simon aura retrouvé ses copains,  roulé avec eux jusqu'à la plage dans la vieille camionnette grimée "en van californien", revêtu ses "sous vêtements spéciaux en polypropylène" et sa combinaison, saisi son surf, vécu "entre la terreur et le désir", "la meilleure session de l'année".
La dernière de sa vie aussi.
Car il va mourir, si bêtement, quelques minutes ? heures ? après, et tandis qu'il repose, tout va brusquement s'effondrer pour ses parents, sa famille, sa copine, ses amis et tout s'accélérer pour ceux, médecins, chirurgiens, infirmiers, chargés justement de "réparer les vivants" et donc d'obtenir, aussi humainement que possible, le consentement des parents, puis d'effectuer tous les actes nécessaires à la répartition, au prélèvement, au transport, à la réimplantation des greffons : "Soit un foie, deux poumons, deux reins. Et un coeur."

Comme le rappelle synthétiquement un journaliste du "Monde des livres", la semaine dernière :

" Dans ce roman magnifique, l'écrivaine ne sépare jamais la technique de la poésie, la quotidienneté de la métaphysique ni l'intimité blessée de l'efficacité collective - celle des équipes médicales." 

Tout cela est vrai et je reconnais que c'est avec talent que  Maylis de Kérangal a su rendre notamment la solitude des parents, celle que connaissent tous ceux qu'un évènement dramatique sépare brusquement du reste du monde, ou la curieuse impression de décalage que l'on a tous ressentie, entrant dans un bloc opératoire, entre notre angoisse de ce moment pour nous exceptionnel et la banalité de cette journée - "encore un et on va se boire un café"- pour les soignants qui nous entourent.

Débutant le livre pleine d'enthousiasme - j'avais beaucoup aimé ses ouvrages précédents -  et en pleine connaissance de cause - je savais parfaitement de quoi il s'agissait - je me suis peu à peu refermée, refusant en quelque sorte de me glisser "dans le grand surf" qui nous est proposé, jusqu'à me glacer  à la lecture de la description clinique et quasi chorégraphique de l'opération de prélèvement.

Je me suis demandée  s'il était bien nécessaire d'entrer ainsi "dans la zone du secret", celle qui en fait nous protège et encore plus ceux qui, un jour, ont été ou seront confrontés à cette situation : dire "oui" et cette volonté, ici affichée, m'a mise profondément mal à l'aise. 

Réaction toute personnelle donc, comme celle de retrait devant peut-être trop d'éloges, ce piège, si désagréable, auquel nous nous laissons parfois attraper et qui nous laisse, déçus, alors que nous étions prêts à adhérer à une valeur plus mesurée. 

dimanche 2 février 2014

mercredi 29 janvier 2014

LES AVENTURES DE TOM SAWYER






Auteur : Mark TWAIN - 1876 -
Traducteur : non cité
Editions : E.books libres et gratuits - 2007- 250 pages environ


""Tom !"
Pas de réponse
"Tom !"
Pas de réponse
"Je me demande où a bien pu passer ce garçon... ""

Pauvre tante Polly ! Combien de fois aura-t-elle prononcé cette phrase, avec agacement, colère, tristesse, désespoir, dans sa maison du "pauvre petit village de St-Petersburg", au bord du Mississipi ?
Car  Tom Sawyer,  son neveu orphelin, dont elle a la charge,  est tout sauf un enfant sage !
L'école l'ennuie, l'église l'accable, tout ce qui ressemble à une contrainte  le consterne, il échangerait bien sa vie contre celle d'Huckleberry Finn, le fils de l'ivrogne du village qui jouit de "tout ce qui rend la vie digne d'être vécue " : ne pas avoir à se laver, ne pas avoir à endosser des vêtements propres, coucher dans une étable, aller nager ou pêcher quand bon lui semble, bref "n'avoir de comptes à rendre à personne". 
Alors il louvoie, ment un peu, passe beaucoup plus de temps à tenter d'esquiver les tâches qu'il aurait mis à les réaliser, berne ses camarades... Il se croît malin, sans l'être vraiment, mais il faut bien rêver. Car Tom ne peut s'imaginer que  glorieux, surtout depuis qu'il a croisé les yeux bleus de la timide Bettie Thatcher, neuf ans  dont il est tombé amoureux.
Mais l'amour ce n'est pas simple et les filles sont bien compliquées : que faire alors pour  se faire regretter : Mourir ? pourquoi pas surtout " pour quelques temps" ! Disparaître ? C'est déjà mieux surtout pour revenir "couvert de cicatrices et de gloire" après avoir été soldat ou mieux "grand chef  tout couvert de plumes et de tatouages hideux". Mais non, pirate, voilà ce qu'il faut être  pour pouvoir ensuite, "à l'apogée de sa gloire", revenir "brusquement respirer l'air du pays natal", entrer "à l'église de sa démarche hardie, le visage basané , tanné par le souffle du large".
"Tom Sayer le pirate, le pirate noir de la mer des Antilles".

Bon, il suffit de franchir le pas ! Tout est simple quand l'injustice s'en mêle, quand son meilleur ami Joe Harper ne peut lui non plus accepter d'avoir été fouetté, quand Huck Finn se présente sans ambition particulière, mais pourquoi pas celle là ?
L'île Jackson sera à eux et bien malin qui retrouvera Tom Sawyer "Le Pirate noir", Huck Finn "Les mains rouges" et Joe Harper "La Terreur des mers".

Ils partiront pour l'île Jackson, ils reviendront de l'île Jackson, après avoir désespéré leurs familles et mesuré à quel point ils sont tendrement aimés. Mais comment résister à l'irrésistible besoin "de s'en aller à la chasse aux trésors" ? Comment résister également au tout aussi irrépressible appel de sa conscience, quand le brave Muff Potter risque la corde, bien traîtreusement accusé qu'il est par l'horrible Joe l'Indien ?
Bien sûr, les aventures reprendront, bien sûr elles se termineront bien...

Livre sculpture de Jodi Harvey Brown*...

Un livre pour enfants (nuance : à l'époque, "un livre pour garçons") ? Bien sûr !
Retrouver ses dix ans, quoi de plus agréable ? Faire quelques bonnes bêtises, monter dans une barque, dormir à la belle étoile, vibrer au coeur de la nature, retrouver ses premières craintes et ses premiers émois qui peut y résister ?
Un livre pour adultes aussi, comme le voulait Mark Twain à l'origine.
Si Tom Sawyer et Huckelberry Finn  c'est lui et trois de ses amis,  St Petersburg  c'est Hannibal - Missouri - la ville de son enfance et ses habitants, ceux qui furent sa famille, ses voisins.
Quelle belle occasion pour en parler avec tendresse mais pour régler également quelques comptes ! Pour égratigner au passage l' école et son instituteur porté sur la boisson, les ridicules exercices auxquels les malheureux élèves sont contraints, les superstitions partagées par tous, qui guident les actes de chacun, tout un petit monde conservateur, religieux, puritain mais qui sait aussi se regrouper pour veiller à la sécurité des siens.
Par contre pas  de critique de l'esclavagisme ici, Huckleberry Finn, pauvre parmi les pauvres se refuse même à "n'avoir qu'un seul nom de baptême, comme un nègre !", le seul "méchant", le véritable assassin est un indien, pire peut-être un "satané métis", dont la mort assez horrible semble réjouir l'auteur au prétexte que celle-ci "eut au moins un avantage, celui de mettre fin à la demande de pétition adressée au gouverneur pour le recours en grâce du criminel."  
 
Quoi qu'il en soit un beau voyage dans le temps et l'espace, la vision d'un monde disparu seulement en partie, car beaucoup de Tom Sawyer courent encore dans nos mémoires comme dans les rues.
C'est bien ainsi !


*... dont vous pouvez admirer d'autres oeuvres ici

dimanche 26 janvier 2014

EN ATTENDANT TOM SAWYER....


 A ma grande surprise, à Romette - Hautes-Alpes - France

La suite dans quelques jours...

mercredi 22 janvier 2014

THERESE EN MILLE MORCEAUX




Auteur : Lyonel TROUILLOT
Editions : Actes Sud  2000 - Babel n°1127 - 115 pages 


Nous sommes au Cap (entendez Le Cap-Haïtien)  en 1962, ou juste un peu avant.
Thérèse Décatrel a vingt-six ans. Depuis quelque temps "une autre Thérèse" l'a saisit, l'a fait parler, l'a fait agir, sous les regards médusés de sa soeur, de son mari, de sa voisine.
Les  deux premiers détournent la tête , la troisième craint pour ses fils, mais voit également s'approcher le moment tant attendu de mettre la main sur le bien de cette famille détestée.

Révélée  par cette autre elle-même, qui s'est donné pour fonction de "rompre tous [ses] silences", Thérèse prend papier et crayon et entame ce journal intime bref et violent : "J'écris pour rassembler mes voix", "j'écris pour savoir de combien de Thérèse j'ai été le pantin",  pour répondre à la question qui la dévore : "Qui est moi ?", certaine cependant  qu'un jour, une nuit,  elle ouvrira enfin "grandes les portes" et fera tout voler en éclats.

Mais avant de partir il faut  tout dire, tout mettre à jour, tout révéler d' une enfance vécue "dans la paix du tombeau",  cadenassée "dans la culture de la conformité", dans laquelle "le déplaisir ne renvoyait pas d'avoir manqué le plaisir mais à l'inconvenance de l'écart", cadenassée dans la crainte de tout :

"Les métayers des terres de Père, les musiciens des rues, les gens de métier, Mme Garnier notre voisine et ses deux enfants en bas-âge, chaque être vivant abritait un démon, et Mère nous passait son savoir sans omission ni défaillance".

Tout dire, d'un monde  où "il convenait alors d'établir la distance. De recourir aux mots pour creuser les écarts", d'un fantôme de père vacillant sur son piédestal,  d'une mère "fille de général" accrochée aux vertus du lignage,  d'une vie fondée "sur nos rentes et notre prestige".

Tout dire aussi de cette morale là : comment on marie ses filles pour sauver sa maison, la vieille demeure à laquelle on s'agrippe et comment ces filles-là ne trouvent rien à dire, Elise d'abord, la soeur aînée, puis elle Thérèse, acceptant de former "ces couples de zombies".

Thérèse fera tout cela et plus encore. Thérèse partira pour ne jamais revenir.  Criant,  elle descendra d'un bus, laissant derrière elle  "la vie fautive" :

"J'ai choisi un matin pour naître. Sur une route. Je portais ce jour-là ma robe la plus légère..."

Seulement cent-quinze petites pages  donc.
Mais dans ces cent-quinze petites pages, l'énergie qui se deploie, la volonté de tout abattre pour vivre enfin, sont telles, qu'on a le sentiment de tenir dans sa main une arme capable de tout détruire.
C'est un livre magnifique par son thème et son style.
Pas de mots inutiles ici. Ce qui importe c'est l'essentiel : se libérer et vivre.



Durant toute la lecture de ce livre je n'ai pu m'empêcher de penser au "Mars" de Fritz Zorn et à ses terribles  premières phrases :

"Je suis jeune et riche et cultivé : et je suis malheureux, névrosé et seul. Je descends d'une des meilleures familles de la rive droite du lac de Zurich, qu'on appelle aussi la rive dorée. J'ai eu une éducation bourgeoise et j'ai été sage toute ma vie. Ma famille est passablement dégénérée, c'est pourquoi j'ai probablement une lourde hérédité et je suis abîmé par mon milieu. Naturellement j'ai aussi un cancer..."

Mais Lyonel Trouillot et Thérèse ont choisi une autre voie!

mercredi 15 janvier 2014

LA TRANSCENDANTE




Auteure : Patricia REZNIKOV
Editions : Albin Michel 2013 -276 pages


Aifelle l'a lu la première et de plus, devant l'enthousiasme de mon commentaire, a eu la grande gentillesse de me faire parvenir ce livre. Anis lui a emboîté le pas.
Toutes deux ont donné leur avis sur ce livre curieux, Aifelle plus réservée qu'Anis, mais charmée tout de même, par ce voyage sur les pas d'Hawthorne et de ses amis, dans cette Nouvelle-Angleterre dont il a su si bien évoquer les rigueurs originelles.

Mais de  quoi s'agit-il  plus précisément ?
Pauline,  une jeune-femme française vient de vivre un drame qui a bouleversé sa vie et marqué son corps à jamais.
Son frère, dans une crise de folie, a mis le feu à  son appartement, à Paris. Il en est mort, elle en est sortie gravement brûlée, ayant tout perdu. Seul un livre a survécu au désastre : "La lettre écarlate" de Nathaniel Hawthorne.
Saisie "d'un questionnement fébrile", persuadée "que si la vérité existait, elle ne pouvait que se trouver dans les livres", elle décide de partir à Boston pour essayer de comprendre.
Très vite elle y fera la connaissance de Georgia, une ancienne professeur de littérature, spécialiste des transendantalistes justement - la vie est parfois (trop) bien faite ! -  et de Blake, le neveu philosophe d'un libraire aussi grossier que gratuitement agressif.
Tous deux, en la guidant sur les traces  d'Hawthorne, d'Emerson, de Thoreau ou de Melville l'aideront à  reprendre le chemin de sa vie malgré  "la lettre  écarlate", gravée en elle, comme est celle qui brûle encore le coeur de Georgia.

Comme Aifelle, je dois le reconnaître, j'ai beaucoup plus  apprécié tout ce qui avait trait à Hawthorne et à ses amis, que la quête de Pauline, dont la personnalité, bien loin de celle d'Hester Pryme, m'a souvent agacée, ou peut-être, justement parce que cet aspect là me passionnait,  n'ai je pas assez prêté attention  à cette dernière. Je ne sais !
Anis, elle a été touchée par l'authenticité de cette réflexion.
A chacun de voir !

Pour moi, la lecture de ce livre a été cependant un vrai plaisir : celui d'en apprendre un peu plus sur des auteurs qui me touchent, peut-être tout autant, celui de refaire un chemin qui m'avait parfaitement ravie en son temps.
Pour celles et ceux qui aimeraient entreprendre à leur tour ce voyage, ou pour donner envie aux plus réticents quelques images qui me charmeront toujours.

A Boston


Le (très chic) quartier de Beacon Hill où habite Georgia


Les "pews", ces stalles familiales à l'intérieur
de la King's chapel - Pages 60-61


La légendaire librairie, "The Old Corner Bookstore"... Aujourd'hui, fastfood texmex  ! (The chipolete) - Page 60 -


"La bouilloire qui fume" de l'Oriental Tea Compagny
Page 96


L'Old State House  - Page 99 -


























A Salem où naquit Hawthorne


Chestnut street - Pages 130 -


La maison aux sept pignons - Page 141 et suivantes -


La maison natale d'Hawthorne


A Concord, où il vécurent tous...


La maison d'Emerson


La maison où vécurent Hawthorne son épouse Sophia Peabody 


La maison de la famille Alcott



A nouveau, tous mes remerciements, Aifelle !

dimanche 12 janvier 2014

mercredi 8 janvier 2014

L' ART DE L' EFFACEMENT


La gourmandise mène à tout !
Parce que j'avais envie de boire un  bon chocolat chaud, j'ai ouvert la porte du salon de thé* de ma petite ville, un soir de décembre.
Perchée sur mon tabouret haut, je regardais  avec intérêt les boîtes de thé, pots de confiture, théières,  mugs et autres tasses qui décoraient les étagères tout en pensant que j'avais choisi la bonne adresse, car le chocolat, en plus d'être généreux était vraiment chaud et bon, ce qui n'est pas si courant que cela.

Mais très vite ce qui a attiré mon regard c'est un modeste présentoir en carton sur lequel des livres étaient exposés.



Sur la petite bibliothèque comme sur les bandeaux oranges des ouvrages on lisait :




" Litterama 05 Livres nomades 2013-2014"

Bien sûr je me suis approchée, bien sûr j'ai lu le dépliant posé juste à côté et c'est ainsi que j'ai découvert qu'une association déposait ici, comme dans d'autres "lieux insolites" des livres qui circulaient ainsi dans tout le département.
Il suffisait d'en prendre un, de le rapporter, éventuellement de participer aux deux rencontres qui seraient organisées dans l'année pour partager nos impressions.
Sympathique, non ?

Je suis donc repartie chez moi avec celui-ci, parce que son titre me plaisait et parce que son auteure était indienne, pas tout à fait convaincue cependant parce qu'il s'agissait de nouvelles - la plupart des livres exposés étant justement des nouvelles ou de courts romans, nécessité de faire tourner vite la sélection,  je suppose - et qu'en général je n'apprécie pas vraiment ni les uns ni les autres !



Titre original : "The artist of disappearance" - 2011 -
Auteure : Anita  DESAI
Traducteur : Jean-Pierre AOUSTIN
Editions : Mercure de France - 2013 - 185 pages

Pourtant, bien m'en a pris !

Trois titres, donc pour ce recueil, trois lieux, une grande ville Dehli et deux coins de province plus ou moins désolés. 
Trois héros également, une femme et deux hommes, qui vont vivre de façon bien différente, trois expériences d'effacement.

Le premier, un jeune fonctionnaire nommé dans un coin perdu de l'Inde pour y faire ses premières armes n'en sera que le témoin ou l'acteur par défaut.
Sollicité par un vieux serviteur pour sauver une étrange collection constituée au fur et à mesure des envois d'un jeune maître qui a préféré l'absence, il aurait pu choisir - est-ce bien sûr d'ailleurs ? - de tenter d'endiguer la disparition de cet ancien domaine et de la bien curieuse collection qu'il abrite.
Mais il n'en fera rien et n'en gardera qu'un souvenir douloureux, ce léger et tenace remord qui nous poursuit nos vies durant, quand nous avons préféré détourner la tête. 
Pouvait-il lutter d'ailleurs, contre le temps, la poussière, l'oubli, contre une éléphante capable à elle seule d'engloutir tous les biens et ainsi toute l'histoire d'une famille ?

La seconde, une femme entre deux âges, modeste professeur de littérature anglaise "dans une petite faculté féminine située dans un lointain et morne quartier " de Dehli a, au contraire, choisi de lutter contre l'oubli, sans y prendre garde.
Réapprenant la langue de sa mère disparue, consacrant sa thèse à une auteure  qui la pratique, allant jusqu'à traduire ses nouvelles, pensant découvrir enfin sa voie vers la lumière en s'accordant abusivement le droit  de s'exprimer à travers elle, avant de replonger dans  l'inéductable ennui  et la médiocrité de son existence.

Le dernier, enfin, un jeune garçon, puis un adulte conscient qu'il ne peut vivre sa vie qu'"à une altitude himalayenne", "dehors où était la liberté " "puisqu'il ne s'intéressait qu'aux variations et aux mutations de ce qui vit, à leurs innombrables possibilités", fera de l'effacement un art : c'est lui " The artist" du titre original.
Car lui seul le vit  l'effacement, dans toute sa plénitude.
Voyant tout  disparaître peu à peu : famille, maison, amie, et même  ce qui est son oeuvre et la magnifique expression de son être, il sait, à chaque étape, laisser aller et pourtant recréer son univers toujours plus petit mais toujours aussi beau et puissant.

Si les deux premières nouvelles m'ont plues, la troisième, qui a donné son titre au recueil m'a vraiment enchantée : j'ai refermé l'ouvrage en silence, j'ai regardé autour de moi consciente tout à coup de la beauté de ce qui m'entoure et que j' ignore si souvent, comme nous le faisons tous, emportés que nous sommes par la vie ou tout au moins ce que l''on a trop rendance a appeler ainsi.


Anita DESAI est une auteure indienne d'expression anglaise, née en 1937. Elle a écrit de nombreux romans et recueils de nouvelles. Elle est actuellement professeure au MIT.
Sa fille, Kiran DESAI, née en 1971, est l'auteure de "La perte en héritage" ("The inheritance of loss") qui a recu le Man Booker Prize en 2006.

* "L'Instant Thé",  rue Fontaine, 05200 Embrun