lundi 11 novembre 2019

BLOG ENDORMI






"La dame endormie". Musée National d'Archéologie. La Valette. Malte.



Pas assez de temps, ni de calme,  ni d'envie pour écrire...
Je pense qu'il est temps pour moi de mettre ce blog en sommeil pour quelques temps.
Mais c'est toujours avec autant de plaisir que je me rendrai sur les vôtres !
A bientôt.



vendredi 25 octobre 2019

DES LIBRAIRES ATTENTIONNEES !





Je n'avais encore jamais vu cela ! Mais c'est vrai, la population vieillit ! J'ai beaucoup apprécié !

Librairie "Au Coin des Mots Passants"
15 rue Grenette
05000 GAP

samedi 19 octobre 2019

UN OCEAN DE PAVOTS





Titre original : "Sea of Poppies"  - 2008-
Auteur : AMITAV GOSH
Traduction : Christiane BESSE
Editions : Robert Laffont 10/18 -2010- 662 Pages.

Je ne suis jamais aussi à l'aise en commençant un article, que lorsque je déborde d'enthousiasme après la lecture d'un livre. Les phrases me viennent toutes seules et s'enchaînent alors sans difficulté.
Me voici aujourd'hui beaucoup plus hésitante, n'arrivant pas à déterminer exactement pourquoi celui-ci m'a moins emportée que ce que je ne l'espérais après la lecture de l'article que Papillon a consacré au tome suivant de cette trilogie.





Tout commence donc au bord du Gange, vers 1835, lorsqu'une  jeune indienne aperçoit  "un immense navire à deux mâts portant de grandes voiles d'une blancheur éblouissante".

Ce bateau, c'est l'Ibis, ancien transporteur d'esclaves, arrivé à Calcutta après un éprouvant voyage depuis Baltimore, équipage pratiquement décimé et remplacé par un bataillon de "lascars", dirigé  de fait par un jeune charpentier de marine, Zachary, devenu presque commandant par la force des évènements et qui n'a strictement rien à voir, il faut bien le dire,  avec "le mulâtre qui joue au petit blanc" évoqué sur la quatrième de couverture.

 L'Ibis vient d'être racheté par un riche négociant Mr Burnharm, qui souhaite l'utiliser , pour transporter une dernière fois, vers l'île Maurice un contingent de "girmitiyas",  des esclaves libres en quelque sorte, appelés à travailler dans les plantations locales.

Dans un premier temps c'est donc vers ce bateau que vont converger, parfois sans le savoir, tout un ensemble de personnages dont le seul point commun est d'avoir vu leur  vie bouleversée : raja qui se croit encore puissant, fille orpheline d'un botaniste français , veuve indienne et son nouvel époux, chinois opiomane, troupe de miséreux parfois vendus par leur famille...
Dans un second temps, c'est sur l'Ibis que nous les retrouverons, qui dans un cachot, qui dans la cale, qui sur le pont ou dans une cabine d'officier...
Le destin de chacun se décidera en mer, au gré des passions et des hasards.


Raja au turban à chute de perles. Sources : auctionartparis.com


Ce récit   est l'occasion pour nous de découvrir les ravages de l'opium, de sa culture, qui prive peu à peu les paysans  de toutes  terres vivrières,  de sa transformation dans d'immenses usines où les ouvriers sont réduits à néant,  jusqu'au pauvre homme, consommateur invétéré, au dernier stade de la déchéance.
Occasion également de découvrir l'extraordinaire complexité de la société indienne, le luxe  insensé, dans lequel vivent les plus nobles, la misère totale, à l'autre extrémité, des membres des castes les plus inférieures.
En écho, la vie des négociants anglais se révèle, leurs parcours parfois tortueux, leur religiosité hypocrite, leurs richesses si mal acquises.



L'"Iceberg" Derek GM  Gardner Source : ebay.fr

Mais tout cela est fort intéressant, allez-vous me dire. Et je vous approuve d'autant plus que le récit est porté par un style plein de souffle, qui nous donne à admirer tout autant la beauté du monde sur terre et sur mer, qu'à découvrir ce que peuvent en être les bas-fonds.

Alors qu'est-ce qui m'a gênée ?
D'une part, l'absence totale de notes qui expliciteraient tous les termes  notamment bengalis dont le récit est truffé. Alors que cette idée - rechercher le terme juste- est en elle-même passionnante et révélatrice de la complexité d'une société,  cette absence m'a laissée réellement frustrée, même si le récit reste tout à fait compréhensible.
D'autre part, un peu trop de hasards heureux,  de scènes assez peu vraisemblables, de personnages qui arrivent à se détacher brusquement des chaînes de leur éducation ou de leur passé, qui rendent le récit parfois assez invraisemblable.

Pourtant le bilan étant majoritairement positif, j'ai déjà entre les mains le tome suivant, histoire de connaître la destinée de chacun et, je l'espère, de faire disparaître mes présentes objections.
 

lundi 14 octobre 2019

ESTHER DUFLO (BIS)





J'ai littéralement bondi de joie en apprenant en ce début d'après-midi, qu' ESTHER DUFLO venait d'obtenir avec son compère, Abhijit BANERJEE et leur collègue Michaël KREMER, le prix Nobel d'Economie 2019 pour leurs travaux sur la lutte contre la pauvreté, dont la méthode  est aujourd'hui utilisée par toutes les grandes institutions qui partagent cet idéal.

C'est bien le seul prix Nobel d'Economie que j'ai lu de ma vie - vous en trouverez la trace ici -.
dont j'ai particulièrement apprécié l'objectif tout autant que le pragmatisme.

Je dois reconnaître que j'ai été charmée, par la personnalité de cette alors très jeune-femme, née en 1972, première titulaire de la chaire au Collège de France "Savoirs contre pauvreté", dont j'avais passionnément suivi les cours, derrière mon ordinateur en 2009.

Un idéal féminin, un peu différent de celui qui nous est proposé généralement ad nauseam...

En recherchant l'article écrit sur leur ouvrage "Repenser la pauvreté", je me suis aperçue que j'avais écrit à son sujet à peu près la même chose il y a quelques années... Un enthousiasme têtu en quelque sorte....


Vous trouverez également ici l'article très fouillé, que Dominique avait consacré à "Repenser la pauvreté".

mardi 1 octobre 2019

VOYAGEURS DE LA RENAISSANCE






Textes retranscrits par Franck LESTRINGANT, Grégoire HOLTZ, Jean-Claude LABORIE
Editions : Gallimard Folio classique - 575 pages-


Voici exactement le genre de livre auquel je suis incapable de résister, certaine que je suis d'y trouver tout ce qui fait le charme de l'histoire racontée par ceux qui l'ont vécue : aventure, poésie, descriptions plus ou moins subjectives, préjugés, bons sentiments, mauvaise foi, curiosité teintée de modestie ou outrecuidant sentiment de supériorité  (entre autres !).

C'est donc à la suite de de trente huit voyageurs, que ce livre nous conduit, sur une période de deux siècles (1450-1650), au travers d'extraits de textes qui ont été publiés à leur retour, parfois beaucoup plus tard et même après leur mort et que trois spécialistes de la littérature de voyage ont  sélectionnés, traduits, remis la plupart du temps en français moderne, nous offrant ainsi "un panorama représentatif de la diversité du corpus viatique de l'époque".

Nos voyageurs, le plus souvent navigateurs, sont portugais, espagnols, français, anglais, hessois, hollandais, nés à Florence à Bologne ou à Gènes. Ils sont au service de leur souverain ou d'un autre prince plus intéressé à financer leurs voyages. Ils pratiquent la religion catholique la plupart du temps, mais peuvent être tout aussi bien protestants qu'adeptes au moins durant un temps de la religion musulmane. Le plus souvent laïcs, parfois religieux, ils sont plus que célèbres comme Christophe Colomb, Amerigo Vespucci, Herman Cortés, Jacques Cartier, ou moins renommés comme  Marc Lescarbot ou Hans Staden




C'est avec leurs yeux et leurs cultures que nous abordons donc les rivages de l'Afrique, arpentons la Turquie beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui, gagnons les Indes et même le Japon et découvrons le Nouveau Monde : Antilles, Mexique, Pérou, Canada, Brésil et ce qu'on appelait alors la Floride et la Virginie.

Si certains restent trop centrés sur eux-mêmes, transformant ainsi sans hésitation un temple hindou de Calicut en église, persuadés qu'ils sont d'avoir abordés le royaume chrétien du prêtre Jean, la plupart rapportent leur étonnement, leur émerveillement, leur  répulsion ou au contraire leur admiration devant les contrées, les peuples  et les moeurs qu'ils découvrent,  créant  parfois sans le savoir des fantasmes qui perdureront des siècles durant "dans l'imaginaire européen".

D'autres, comme Jean de Léry, protestant, se font philosophes, ne se contentant pas de rapporter les horreurs si souvent évoquées de l'anthropophagie pour démontrer l'animalité de ces peuples, mais, les comparant à celles  qu'il a lui-même vécues lors des guerres de Religion, conclut, sans hésitation, que les plus sauvages ne sont certainement pas ceux que l'on croit.




Aventures collectives  ou individuelles, souvent les plus éprouvantes, ces récits  émeuvent, enchantent, mais  nous renvoient aussi à une dramatique réalité : la destruction de ces mondes et de ces peuples, auxquels on ne rougissait pas d'offrir quelques petits miroirs, quelques perles bleues, contre leur lingots d'or ou d'argent.

Je vous conseille très vivement ce livre, qui parle si bien d'eux et de nous, et nous renvoie à un moment  de notre terre à jamais disparu, un moment également où le beau mot d'aventure avait un sens que l'on ne connaît plus aujourd'hui.

Les illustrations réalisées par Théodore de Bry (1528-1598) représentent pour la première "Le chef Holata expliquant les rites de sa tribu" et pour la seconde "les Floridiens véné[ant] la colonne érigée par le capitaine (Jean Ribault) lors de la première expédition". Elles sont tirées de l'ouvrage de Jacques Le Moyne de Morgues "Brevis narratio eorum in Florida Americae provincia Gallis acciderunt", publié en 1591 à Francfort.

mardi 24 septembre 2019

ROSIE OU LE GOÛT DU CIDRE






Titre original : "Cider with Rosie" 1959.
Auteur : LAURIE LEE
Traduction : Patrick REUMAUX
Editions : Libretto - 259 pages-

Le petit garçon dépenaillé qui nous regarde bien en face d'un air aussi assuré qu'un peu provocateur, ne doit pas être bien différent de ce qu'était l'auteur durant cette "première enfance", qu'il a choisie de raconter ici.
Avant-dernier enfant d'une famille qui en a compté neuf, bébé quasiment mort-né qui choisit de vivre malgré tous les pronostics et qui renouvelle ce choix tout au long de ses premières années, garçon choyé par une mère toujours amoureuse d'un presque fantôme, garnement pauvre, sans le soupçonner un instant,  d'un village  des Cotswolds, qui vit les dernières heures d'un monde ancien avant d'être projeté dans la modernité, comme l'auteur dans la vie d'adulte.

Mais nous n'en sommes pas là. Avant ce grand saut, il y a donc eu la merveilleuse enfance dans une grande maison aussi poétique qu'inconfortable, dans un pays où l'hiver est glacial et l'été parfois fort chaud. Mais de tout cela le jeune Laurie n'a cure : il découvre le monde à sa hauteur avec autant de craintes que d'avidité, sous la houlette fantasque d'une mère  irritante et poétique, qui lui donne à jamais le goût de la beauté  :

"Tout ce que je vois maintenant est entouré d'un halo d'or : un changement de saison, un oiseau caché comme une gemme dans un buisson, les yeux des orchidées, un plan d'eau à la tombée du soir, un chardon, une image, un poème - c'est à elle que je dois mon plaisir."

C'est également avec sa façon " si dépourvue de prétention et si débonnaire", qu'il nous parle de son enfance, rythmée par les grands étapes qu'ont été pour lui, l'arrivée dans cette maison inconnue entourée d'un fantastique univers, le passage à l'école où il lui faut  bientôt quitter la jeune maîtresse des Petits "avec sa poitrine tressée, ses mains déboutonneuses et sa voix d'amour dormeur",  pour entrer dans le monde des grands où règne "Miss B., l'institutrice en chef", "baptisée la Grinchue", avec son "aigre regard jaune, des macarons de cheveux plats sur les oreilles, la peau et la voix d'une dinde", la découverte des filles et du cidre, qui précède de peu le départ vers un autre âge et une autre vie.

  
Photographie : Andrew Rolant. Source : easyvoyage.com


Au gré du temps,  lui reviennent ainsi en mémoire, tous ceux qui furent ses proches :
sa mère et ses soeurs et leur monde de porcelaines, rubans, chapeaux, fous-rires,  et qui pourtant sont si dures à la tache,
ses six oncles, "des héros carrés d'épaules, qui cognaient et buvaient sec, que nous adorions et qui furent les rois " de sa jeunesse,
les voisins "hors-la-loi" aux surnoms savoureux - Charlie-Trognon-de-chou, Albert le Diable, Gueule d'espoir ou le bien nommé Lève le coude-, 
les voisines,  Grand-mère Trill et  Grand-mère Wallon,  pourtant séparément si charmantes, mais qui ne tiennent en vie que par la haine qu'elles se portent l'une à l'autre ou ce vieux couple émouvant, qui vit depuis tant d'années "comme deux châtaignes dans une bogue"

Il y a aussi  les peurs, les drames, les fêtes,  les  rares sorties,  la nature omniprésente, les paysages, tout ce qui marque un enfant et qui construit un homme.

Bien que certains chapitres aient été publiés dans différentes revues avant d'être rassemblés et complétés ici, l'ensemble est parfaitement cohérent et nous tient émerveillés de bout en bout. 
Car le charme de ce livre, qui est un classique Outre-Manche,  tient autant à la personnalité de son auteur, qu'à son regard aigü, ironique et tendre et à sa capacité de retrouver et de rendre magistralement les émotions de l'enfance

"A l'âge de trois ans, je fus déposé de la carriole du transporteur, et ma vie au village commença dans la terreur et le désarroi.
L'herbe de juin, partout était plus haute que moi, et je pleurais. Je n'avais jamais vu d'herbe d'aussi près. Elle me dominait et m'entourait, chaque brin tatoué comme la peau d'un tigre par le soleil. Elle était coupante, sombre, d'un vert mauvais, aussi épaisse qu'une forêt et pleine de criquets, qui dans un bruit de crécelle, fendaient l'air d'un bond comme des singes".  

A dix-neuf ans Laurie quittera son village, violon sous le bras. Impatient de voir le monde il partira pour l' Espagne, où bientôt il découvrira la guerre.
Deux  nouveaux livres - "Un beau matin d'été" et "Instants de guerre"témoigneront de ces nouvelles et dures expériences.
Est-il bien nécessaire de vous dire qu'ils sont déjà commandés ?


samedi 14 septembre 2019

LES FANTÔMES DU VIEUX PAYS






Titre original : "The Nix"
Auteur : NATHAN HILL
Traduction : Mathilde BACH
Editions : Gallimard Folio - 2017 - 950 pages

Voici un (très) gros roman, comme je les aime, lu durant cet été, si pauvre par ailleurs en lectures.
Un roman, qui fait fait rire et pleurer et qui nous tient en haleine jusqu'à la dernière page, nous laissant  enfin espérer la paix pour ses deux héros tendres et fragiles. 

D'un côté le narrateur, Samuel Anderson, la trentaine,  jeune professeur de littérature à l'Université de Chicago. Un petit professeur pour le moment, qui semble s'ennuyer ferme, mal dans sa peau et qui se réfugie plus qu'il ne le faudrait dans les arcanes du  monde d"'Elfscape", un jeu vidéo qui le maintient des nuits durant devant l'écran de son ordinateur. Il faut dire qu'il ne s'est jamais remis du départ de sa mère, qui s'est effacée de sa vie alors qu'il avait onze ans.

De l'autre "Calamity Packer,"  la soixantaine, ainsi abusivement surnommée par la presse pour avoir "agressé" le très conservateur sénateur Packer, en campagne présidentielle. Un surnom bien inadapté à cette femme fragile et persuadée depuis son enfance qu'elle n'est qu'une "imposture".

Toute l'intrigue va se nouer lorsqu'il apparaît que "Calamity Packer" n'est autre que Faye Andresen-Anderson, la mère du précédent.



John Bauer :"La princesse et les Trolls" - 1913 - Source : repro-tableaux.com


C'est par une suite de chapitres qui  font alterner, les évènements actuels, ceux de l'enfance de Samuel et les étapes de la vie de sa mère,  que peu à peu la lumière sur leurs vies d'hier et d'aujourd'hui se fera.
Nous allons donc  successivement  partager avec nos héros et ceux qui les entourent, les risques qu'il y a à vivre sur un campus américain aujourd'hui,  l'ennui  d'une existence étriquée dans petite ville de l'Ohio dans les années 1960,  les dangers et pas seulement mentaux qui nous menacent dans le monde virtuel, l'ineptie du monde de l'édition, les affres des pauvres jeunes-filles en proie aux attaques de panique, l'effrayant monde des elfes norvégiens,  la violence des grandes manifestations pourtant pacifistes de Chicago en 1968, la rudesse d'un village  près du cap nord... et bien d'autres choses encore !


Les émeutes de Chicago, lors de la convention démocrate de1968.

Il ya dans ce roman, les doux, les tendres, les innocents et tout autant de veules, de malhonnêtes , de fous furieux.

Certains chapitres sont désopilants, comme celui dans lequel notre pauvre héros affronte l'une de ses étudiantes, tricheuse invétérée. On rit jaune, tellement ce qui est dit ou fait, illustre bien notre époque, mais on rit. 
D'autres sont poignants, comme ceux qui décrivent l'adolescence de Faye, prise en étau entre ses désirs, ses angoisses et le passé de son père mutique, ou l'enfance pleurnicharde de Samuel, illuminée un moment par sa rencontre avec la belle Bethany.

Les personnages sont attachants ou repoussants, les descriptions magistrales, notamment celles des émeutes, ou des combats virtuels sur '"Elfscape", dans lesquels se débat Samuel, tout autant que sa mère le faisait, contre les elfes émigrés avec son père de la lointaine Norvège.

Un vrai plaisir de le lecture, donc, qui nous fait attendre avec impatience, l'éventuel second ouvrage de ce jeune auteur.

Keisha avait également beaucoup aimé. Aifelle également.


mardi 3 septembre 2019

JOURNAL DE MON JARDIN





Titre original : "Illustrated Garden Book"
Auteure : VICTORIA SACKVILLE-WEST
Traduction : Patrick REUMAUX
Illustrations : Arthur Harry CHURCH et Xavier CARTERET
Editions : Klincksieck  - 2018 -380 pages.

Amies jardinières, amis jardiniers, mais aussi simples lecteurs, posez tout de suite bêches ou plantoirs, pour vous procurer au plus vite cet ouvrage, qui vous permettra de jouir à la fois, du plaisir de tenir entre vos mains ce joli livre illustré de charmantes aquarelles et de belles planches botaniques et de traverser l'année en compagnie d'une illustre jardinière, prodigue en conseils techniques, aussi pointus que poétiques, quand ils ne sont pas d'un renversant bon sens ou pétris d'un sens de l'économie, que l'on ne s'attend pas à trouver chez une aussi aristocratique personne.




Car notre guide ici n'est autre que Lady Victoria Sackville-West, créatrice à partir de 1930,  avec  Harold Nicolson, son tout aussi sélect époux, du magnifique jardin de Sissinghurst, dans le Kent. Un des plus beaux jardin d'Angleterre - c'est dire !- et l'un des plus visités au monde.


Source : eurotunnel.com


L'année va donc se dérouler, mois après mois en sa compagnie. En mettant nos pas dans les siens,  nous allons parcourir son domaine, découvrir sous sa houlette la fleur, l'arbuste, l'arbre, qui se montre particulièrement remarquable à ce moment de l'année, apprendre grâce à elle, le "truc" qui change tout et qui nous donnera tous les atouts pour une franche réussite. 
Plantation, entretien, taille, usage en bouquets ou en cuisine, tout est abordé ici, non pas d'un ton docte, bien que sa science soit profonde, mais à la manière d'une amie, qui  partage avec vous son savoir lors d'une simple conversation, avec une liberté de ton pleine de vie et de charme. 
On saute souvent du coq à l'âne, mais n'est-ce pas un des plaisirs des échanges amicaux ?


Rosier Alain Blanchard. Source : les-racine-du-vent-.fr


Prenons le mois de juillet par exemple. Au programme : 

"Faites pousser vous-même vos plantes - Alstroemeria - Plus de choses sur les magnolias - Quelques-unes de mes roses favorites - Eremurus - Daphnés - L'importance de l'échelle - Cruauté du jardinage - Le jardin blanc de Sissinghurst - L'Acanthus - Ôter les fleurs mortes - La campanule - Un bel arbrisseau - Rose des Gitans - Phlox - Encore des roses."

Et tout est ainsi, mois après mois.

Mais être jardinier - un vrai ! - ne consiste pas seulement à savoir faire pousser des plantes. Il faut être également peintre ou poète  et Victoria Sackville-West, l'est sans conteste à sa manière, aussi sensible que pragmatique.

Ainsi du Prunus sargenti :

" ... un très joli arbre aux fleurs roses au printemps, mais plus beau encore en automne quand les fleurs deviennent rouges, surtout si vous l'avez planté de façon que le soleil du matin et les rayons du couchant illuminent les feuilles et les rendent transparentes. Il me semble que c'est là un point très important que tous les jardiniers sensibles aux coloris d'automne devraient observer : la transparence."

Ou bien du Rosa filipes :

"Si vous voulez un vigoureux rosier grimpant, qui se développe de façon incroyable en une saison, essayez d'obtenir Rosa Filipes, idéal pour grimper dans un vieil arbre qu'il drapera rapidement de longues guirlandes pendantes vert pâle, ornées de bouquets de petites fleurs blanches à centre jaune. Cela fait l'effet d'une dentelle aux myriades de petits yeux d'or fixés sur vous à travers les mailles. Cela a l'air d'être une description fantaisiste du genre que je déteste chez les autres écrivains traitant des questions d'horticulture, mais il y a des moments où l'on est obligé de toucher le fond, si l'on tente de partager ses impressions par un soir d'été parfait où tout retient son souffle. On s'assoit, on regarde, on essaie de s'emplir de tout ce que l'on voit en même temps, que l'on écoute les bruits d'une nuit d'été - les jeunes effraies ahanant dans leur nid au-dessus de l'étable, l'âne qui braie, le plop d'un gland qui tombe dans l'étang."



Le jardin blanc de Sissinghurst. Source : natuionaltrust.org.uk


Peut-être pensez-vous que ce livre n'est pas pour vous, soit parce que vous n'avez pas la chance de profiter de quelques mètres carrés de terre, soit que plus simplement vous n'appréciez pas de mettre vos mains dans la terre.
Ce serait pourtant une erreur. Car c'est l'occasion de mieux connaître cette femme, dont on ne retient encore trop souvent, qu'elle fût l'amie-amante de Virginia Woolf,  qui la peignit,  dans un long parcours à travers les siècles, sous les traits  de l'ambivalent "Orlando".

Or ce que nous découvrons, c'est l'image même d'une femme  libre et forte, pleine d'énergie, de confiance en elle, une femme riche d'un savoir, et d'un art, que tous les professionnels sont loin d'avoir toujours, une femme qui ne s'embarrasse pas  de "chichis", mais va droit au but, tout en étant capable par ailleurs, d'écrire un long et sensible poème de plusieurs pages pour conclure chaque saison de cet ouvrage.

Un double plaisir en vérité !

Un conseil pour terminer : munissez-vous d'une tablette pour pouvoir page après page, admirez les nombreuses plantes et fleurs qui sont évoquées ici. Vous ne le regrettrez pas !

ICI AUSSI, C'EST LA RENTREE !





Et pour commencer l'année, je vous propose des fleurs, encore des fleurs... avant qu'elles ne soient plus qu'un souvenir, jusqu'au printemps prochain !


lundi 29 juillet 2019

BLEUES


Juste à l'endroit où la route du col du Galibier, rejoint celle du col du Lautaret, face au magnifique massif de la Meije et au glacier de l'Homme, que l'on admire d'autant plus qu'on le sait menacé, s'étage, à 2060 mètres d'altitude LE JARDIN ALPIN DU LAUTARET.

Riche de 2000 plantes alpines (= d'altitude) du monde entier - les plantes propres aux Alpes sont des plantes alpiennes - c'est chaque année un enchantement et une source de connaissances toujours renouvelée.




Cette année, je ne sais pourquoi, j'ai choisi de m'intéresser particulièrement aux fleurs bleues, exercice moins facile qu'il n'y parait, chacun ayant du bleu une perception très personnelle, comme me l'ont prouvé les discussions  animées, entamées devant certains spécimens : bleus ?  Mauves ?  Violets ? chacun ayant son avis et y tenant.

Ceci n'est donc que mon choix....

Tout d'abord omniprésente à ce moment de l'année, voici, la Polémoine bleue  (il en existe également une blanche), inconnue à l'état sauvage dans le reste des Hautes-Alpes,  mais qui par contre ici  est partout dans le jardin, formant de belles masses d'un bleu intense.




En matière d'intensité elle est cependant dépassée par le coussin formé par cette belle inconnue, une incongruité dans ce lieu où tout est soigneusement étiqueté,




ou par celui, tout aussi éclatant, du grand  Pied d'alouette.




Le bleu sait aussi se faire plus discret, tel celui de cette charmante Véronique  d'Autriche, dont l'aire s'étend du centre de l'Europe, jusqu'à la Russie.




D'un ton encore plus doux, voici le bien nommé, Pavot hérissé, natif de Chine et de l'Himalaya.
Il reste aussi délicat que parfait à mon goût...





Enfin, voici  les "vedettes", aussi incontestables qu'incontestées !

La première est locale : le Panicaut des Alpes, dont le bleu gris s'affirme, lorsqu'il est pollinisé, indiquant  ainsi aux rares insectes qui vivent à cette altitude, qu'ils doivent à présent s'occuper de ses voisins*.







La seconde, délicatement ombragée sous le couvert d'un arbuste, laisse sans voix :  le Pavot Bleu de l'Himalaya aussi beau à peine ouvert qu'épanoui, vers lequel se penchent tous ses admirateurs éblouis.







Et les gentianes me direz-vous. Je n'en ai pas vu ici. Par contre j'ai eu le bonheur d'en admirer deux au retour,  sur les tables des "Floralies Alpines de Serre-Chevalier", dans le village de La Salle-les-Alpes.
 
Voici donc pour terminer  la Gentiane à feuilles orbiculaires,




et la minuscule et si belle, Gentiane de Bavière,




Bleues, oui, vraiment bleues !


 *Source : reporterre.net

lundi 8 juillet 2019

ÊTRE AMOUREUX


" Nous le rejoignîmes : en effet c'était une nuit comme je n'en vis plus jamais par la suite. La lune pleine se tenait au-dessus de la maison, derrière nous, de sorte qu'on ne la voyait pas et que la moitié de l'ombre du toit, des poteaux de bois et des rideaux de toile de la véranda était couchée de biais, en raccourci, sur le sentier sablonneux et sur le cercle de gazon. Tout le reste était clair, enveloppé par la rosée argentée et par la lumière de la lune. Le large chemin fleuri que recouvrait d'un côté l'ombre oblique des dahlias et de leurs tuteurs, toute claire, froide et brillante avec son gravier irrégulier, se perdait dans le brouillard et le lointain. A travers les arbres, on apercevait le toit lumineux de la serre, et du fossé montait un brouillard qui s'épaississait. Déjà quelques bosquets dénudés de lilas étaient lumineux jusqu'à leurs rameaux. On pouvait distinguer l'une de l'autre toutes les fleurs trempées par la rosée. L'ombre et la lumière se fondaient si bien dans les allées que celles-ci semblaient faites non d'arbres et de chemins, mais de maisons transparentes, oscillantes et frémissantes. A droite, dans l'ombre de la maison, tout était noir, indistinct et effrayant. Par contre, la cime capricieusement déployée du peuplier qui restait là bizarrement près de la maison, en haut dans la vive lumière, au lieu de s'enfuir quelque part, très loin dans le ciel bleuâtre qui semblait s'éloigner, émergeait, encore plus claire, de cette obscurité[...]



"La Nuit, effet de lune". Félix Valotton.

Il ne m'avait jamais donné le bras, ce fut moi qui pris le sien et il ne trouva pas cela anormal [... ]
Tout le monde, ce ciel, ce jardin, cet air n'étaient plus ceux que je connaissais.
Lorsque je regardais en avant, dans l'allée que nous suivions, j'avais tout le temps l'impression qu'on ne pouvait aller plus loin dans cette direction, que là-bas le monde du possible prenait fin, que tout cela devait être fixé à jamais dans sa beauté. Mais nous avancions, le monde enchanté de la beauté s'écartait et nous laissait passer ; notre jardin familier semblait être là-bas lui aussi, avec ses arbres, ses sentiers, ses feuilles mortes. En effet, nous longions des chemins, nous posions le pied sur des cercles de lumière et d'ombre, une feuille sèche craquait sous nos pas, un rameau frais effleurait mon visage. C'était bien lui qui, marchant d'un pas égal sans mot dire à côté de moi, soutenait mon bras avec précaution ; c'était bien Katia qui nous emboîtait le pas en faisant grincer ses souliers. Et c'était assurément la lune qui brillait dans le ciel au-dessus de nous à travers les branches immobiles...
Mais à chaque pas derrière nous et devant nous, le mur enchanté se refermait et je cessais de croire qu'on pût encore aller plus loin, cessais de croire en tout ce qui était.
- Oh ! une grenouille ! fit Katia.
" Qui dit cela et pourquoi ?" songeai-je. Mais ensuite je me rappelai que c'était Katia, qu'elle avait peur des grenouilles et je regardai à mes pieds. Une petite rainette fit un bond et disparut sous mes yeux, et l'on vit sa petite ombre sur l'argile claire du sentier.
- Et vous, vous n'avez pas peur ? me dit-il.
Je tournai la tête vers lui. Un tilleul manquait dans l'allée à l'endroit où nous passions... je voyais nettement son visage. Il était si beau, si radieux...
Il m'avait dit  : " Et vous, vous n'avez pas peur ?" J'avais entendu : "Je t'aime, chère enfant !" "Je t'aime, je t'aime !" répétaient son regard, son bras ; et la lumière, et l'ombre, et l'air, tout répétait les mêmes mots."


Extrait de : 

TOLSTOÏ. 
"Le bonheur conjugal

Traduction de Sylvie LUNEAU
Editions : Gallimard. Folio classique n° 622 (contient également "Le Diable" et "Lza Sonate à Kreutzer".)

lundi 1 juillet 2019

FRAÎCHEUR DES CHAMPS, FRAÎCHEURS DES VILLES...


Vous reconnaîtrez que je fais preuve d'un bel optimisme ou peut-être d'un sérieux dérangement mental, en utilisant par les temps qui courent, le joli mot de FRAÎCHEUR.

Pourtant, pour lutter contre les 40° et parfois plus en ville, qu'il nous a fallu affronter, et ce n'est probablement et malheureusement pas prêt de s'arrêter, j'ai trouvé durant ces dix jours, deux excellentes solutions :

Fraîcheur des champs :

Monter encore plus haut qu'à l'altitude où nous habitons ; dépasser Briançon et prendre la route de l'Italie ; juste avant d'entamer la montée du col du Montgenèvre, tourner à gauche ; entrer dans la merveilleuse vallée de Névache, et rouler lentement le long du torrent devenu ici presque une rivière ; traverser les villages déjà fleuris, mais encore de lilas et de pivoines ; atteindre le dernier, au moment où les premiers touristes de l'été sont déjà attablés à la terrasse de ce qui semble être le seul restaurant ; suivre une flèche et découvrir ce beau lieu *, où des tables sont dressées sous les arbres et les lilas en fleurs ; s'attabler pas très loin de la fontaine et se dire qu'ici, ma foi,  il fait vraiment très bon....







Fraîcheur des villes :

Après avoir déjeuné rapidement à une terrasse, car il fait trop chaud, car il y a trop de bruit, fait quelques courses nécessaires, dont pas mal de livres - on comprendra la nécessité -  se demander alors comment meubler le restant de cet après-midi puisque même la visite d'une autre librairie ne nous dit rien, ;  penser alors  au musée**, dont on admire régulièrement les expositions.
S'y rendre en rasant les murs et en s'accordant la pause "glace" que l'on trouve nécessaire.
Entrer dans le musée et respirer : il y fait délicieusement frais et le public est rare. Obtenir ses tickets sans contrepartie, canicule ici égale gratuité. Pénétrer dans les vastes salles aux murs blancs et aux sols parquetés de clair. Se dire que l'on n'a plus qu'à admirer, d'autant plus facilement que les fauteuils regroupés au centre sont  bien confortables.

Il y a des fleurs et des fruits :

Frédéric BAZILLE Fleurs. 1868




Osias BERT (1580-1642). Fruits et verres



Des paysages qui en cette saison font rêver :

Francesco FOSCHI. Paysage montagneux sous la neige avec diligence. 1805.




Gustave DORE. Lac en Ecosse après l'orage.







































Des jardins accueillants :


Georgette AGUTTE (1867-1922). Le café dans le jardin.




Georgette AGUTTE (1867-1922). Le jardin à Bonnières.





Des animaux charmeurs :


Marc CHAGALL (1887-1985) Le marchand de bestiaux




Georges LEBRUN. La chasse. Avant 1914






Des visages émouvants ou pleins d'énergie :


Victoria DUBOURG (1840-1926). 
Portrait de Melle Charlotte Dubourg, soeur de l'auteur.













Attribué à Adelaïde LABILLE-GUIARD ( 1749-1803)
Portrait d'un artiste.


Des rêves éveillés :


Séraphine LOUIS, dîte  Séraphine de Senlis.
Fruits. Vers 1928



























Marc CHAGALL (1887-1985)
Songe d'une nuit d'été.


























Largement plus de deux heures après, vivifié, on se sent prêt à affronter la touffeur du soir.


Au coeur du village de Névache - Le Creux Des souches - Gite - Auberge - Restaurant
Tel : +33(0)492211634 - Mail : lecreuxdessouches@gmail.com
** Musée de Grenoble : 5, place de Lavalette. 38000 Grenoble

lundi 24 juin 2019

BLOG, EN MODE ETE !


Ceci sera mon premier article... en mode "été".
Je sais que durant deux mois je n'aurai guère le temps d'écrire. Par contre recopier un texte qui m'a intéressée ou émue, partager quelques photos, souvenirs de bons moments, me semble encore à ma portée. Plutôt qu'une pause radicale c'est donc la formule que j'ai choisie pour cet été.

Premier texte donc, tiré du très émouvant recueil de textes que Joyce Carol Oates a regroupés sous le titre "Paysage perdu", dont Tania, nous avait parlé ici.

Ce paysage perdu, c'est celui de son enfance dans une  ferme de l'état de New-York, auprès de ses parents, qu'elle sait évoquer avec tant de tendresse et de respect. C'est le chemin d'une enfant devenue écrivain.



Joyce Carol Oates à Pâques, le 17 avril 1949. Photo Fred Oates.

Ce texte est adressé à sa mère Carolina Oates.

"Jonquilles, narcisses, tulipes, naissant des bulbes que tu avais plantés dans les parterres autour de la maison.
Pivoines rouges, pivoines rose pâle, spirées, zinnias. Lilas, azalées.
Poussant à l'état sauvage le long de la clotûre derrière la vieille grange, volubilis, pois de senteur et houx.
Sauvages et résistants comme les plus hautes des mauvaises herbes, des tournesols aux limites de la basse-cour.
Ta fleur favorite, les roses. Ta rose favorite, Double Delight.
Ton légume de jardin préféré, les tomates. Tes tomates préférées les First Ladies. 
Un  inventaire de nos vies.
Le monde perdu des lessives (campagnardes) : cordes à linge, draps, serviettes, pantalons, robes, sous-vêtements, chaussettes claquant au vent, un vent qui semblait incessant, comme cela paraît primitif aujourd'hui !
Et pourtant il y avait du plaisir dans la répétition, dans la familiarité même de la tâche. Prendre chaque pièce de la lessive, la secouer, la lisser, la fixer sur la corde par des épingles en bois. De ma petite chambre d'enfant au premier étage, au fond de la maison, je pouvais à tout moment regarder par la fenêtre la lessive sécher sur les cordes et y voir un reflet de notre famille, comme des silhouettes fantomatiques aperçues dans l'eau."



Le rosier Double Delight. Source : Promesse de fleurs.


Joyce Carol Oates
"Paysage perdu". De l'enfant à l'écrivain Récit.
Editions Philippe Rey - 2017 - 417 pages