lundi 23 avril 2012

SPLENDEUR


Ce superbe rosier pour vous accompagner durant les quinze jours de pause  que je m'octroie.
A bientôt !

dimanche 22 avril 2012

ROSALBA CARRIERA


Allégorie de la peinture
The National Museum of Art -Washington-USA
La visite des musées réserve bien des surprises.
C'est ainsi que jeudi, parcourant les salles du musée Granet à Aix en Provence, j'ai été attirée par un minuscule tableau, qui semblait un peu perdu au milieu de ses opulents voisins.
Moins de dix centimètres de côté je pense, un fond d'un beau bleu, quelques coups de pinceau  donnant vie à un portrait de jeune-fille. C'était d'ailleurs le titre de l'oeuvre.
Ce qui me surprit tout autant que la petite taille de ce portrait, ce fut de découvrir qu'il avait été peint sur ivoire, et que son auteur était une femme, Rosalba CARRIERA, dont il était dit qu'elle était "une des rares à mener une carrière européenne au XVIIIème siècle". 
J'avoue que, jusqu'à ce jour,  j'ignorais totalement son  nom.

Pour réparer cette ignorance, je vous propose trois portraits réalisés par ses soins, au seul pastel, qui illustrent l'ampleur de son talent.

- "Figure de petite-fille, de face",

Musée de l'Hermitage -Saint-Petersbourg- Russie


- "Portrait de la Comtesse Anna-Katharina Ozelska",





 - et ce bel "Autoportrait", daté de 1745, un an avant qu'elle ne devienne aveugle.



Vous trouverez ici en anglais et là en français, plus de détails sur sa vie.

J'espère qu'une rétrospective, comme celle organisée en ce moment autour de l'oeuvre d'Artemisia GENTILESCHI, au Musée Maillol, à Paris, lui sera bientôt consacrée.

mercredi 18 avril 2012

LES DRÔLES DE MOTS DU MERCREDI




Quatre mots aujourd'hui tirés de "Naissance d'un pont" de Maylis de Kerangal.

Peu après le début du roman, "le Boa", qui vient d'être élu maire de Coca, part visiter Dubaï, qu'il découvre, ébloui.
C'est  au retour de cette visite qu'il décide de la construction du pont.

Une disdash :
"Le Boa se tord le cou à les compter toutes, et l'homme en dishdash blanche qui le coudoie sur la banquette, le voyant faire, lui signale qu'un tiers des grues existant à la surface du globe est réquisitonné en ces lieux : une sur trois répète-t-il, une sur trois est ici chez nous."


Une dishdash ou disdasha, est une robe ample en coton blanc et fin (ou en étoffe de laine plus lourde, en hiver), qui descend jusqu'aux chevilles, portée par les hommes de la péninsule Arabique.



Un akal :
"De loin, le cheikh lui apparaît massif et immaculé comme l'autorité, mais prend forme humaine à mesure qu'il avance- l'akal de son keffieh tombe légèrement sur une oreille, si bien que le monarque est bancal de la tête."


A lire cette phrase, je pense que tout le monde voit à peu près de quoi il s'agit. Mais pour donner une définition en français c'est beaucoup moins simple : pas d'akal.
En m'entêtant un peu, j'ai découvert que le mot le plus usité était en fait : agal. Mais là encore pas de définition en francais mais une en anglais (merci au Merriam-Webster dictionnary en ligne)
An agal : "a coard usu.of goat's hair that Arabs (as the Beduins) wind around their heads to hold the kerchiellike headdress". 
Donc, une corde habituellement en poils de chêvre que les Arabes (comme les Bédouins) portent roulée autour de la tête pour maintenir leur keffieh.
Cette corde, semble-t-il, servait à l'origine à attacher les pattes des chameaux durant la nuit, lors des voyages.




Cheikh Mohamed Ben Rached al-Maktoum, Emir de Dubaï

La construction du pont ne réjouit pas tout le monde !
Ni Jacob, qui revient chaque année vivre dans la forêt, ni les propriétaires des bacs qui jusqu'à présent assurent le transport des passagers d'une rive à l'autre du fleuve.

Un junco :
"On se demande comment Jacob a eu vent de cette histoire de pont à Coca, on imagine la rumeur du chantier venue jusqu'à lui, glissée entre les écailles d'une truite fugueuse, cachée sous les ailes d'un junco ardoisé ou fichée sur le pétiole d'une fourmi travailleuse qui aura cheminé jusqu'au coeur du massif dans quelques galeries souterraines."
Un junco est un oiseau (passereau) de 13 à 16 cm, originaire du continent nord-américain, où il est très répandu. Il a le dos sombre et le ventre clair, mais se caractérise également par de nombreuses variations de coloration selon les zones géographiques dans lesquelles on le trouve. Il se nourrit généralement au sol de graines et de petits fruits.

Source : http://www.bestioles.ca

Un lamaneur :
"D'après les registres de la chambre de commerce, l'ensemble de l'activité couvre un volume annuel d'un milliard de dollars -...-et agglomère plus de trois mille emplois, l'équipage moyen d'un bac amphidrome comptant cinq individus -...-auxquels s'ajoutent lamaneurs, dockers...."
Un lamaneur est un pilote chargé du pilotage des navires à l'entrée et à la sortie des ports, dans les passes, les chenaux.



Sources :
Merriam-Webster dictionnary en ligne
- Just-Landed Dubaï
- Wikipedia
- Le Petit Robert 1997

lundi 16 avril 2012

NAISSANCE D'UN PONT





Auteur : Maylis de KERANGAL
Editions : Gallimard  2010 -Folio n°5339-  330 pages

J'ai tourné longtemps autour de ce livre  et samedi dernier, sur le marché, j'ai fini par l'acheter au discret bouquiniste, qui s'installe chaque semaine entre le maraîcher et le marchand de miel.
J'ai commencé à le lire dimanche après déjeuner et j'ai attendu chaque jour cette bienheureuse pause, pour le retrouver et m'en régaler.

Tout est dit dans le titre  quant au sujet : c'est une histoire de pont.
Un grand pont, du genre viaduc de Millau, mais en rouge, et soutenu simplement par deux tours, de part et d'autre d'un fleuve, qui baigne une ville.
Le nouveau maire l'a voulu,  un architecte d'un seul geste l'a dessiné, un ingénieur est chargé de lui donner forme, des hommes et des femmes le construiront.
Nous sommes dans une Amérique indéterminée, et tous sont venus, de tous les coins de la planète, à la recherche d'action, d'argent, d'eux-mêmes.
Mais un pont, justement c'est un pont, c'est sensé relier les choses, de gré ou de force : la ville à la forêt, les nouveaux  occupants aux anciens, des hommes et des femmes. Rien de simple.
C'est ce qui s'accomplit, sous nos yeux, le temps d'un chantier, mené de main de maître.

C'est un roman et c'est une fable, vous l'aurez compris, avec tous les ingrédients nécessaires à ces deux genres : autant dire que le contraste est présent partout, entre un monde hypertechnologique et une nature encore grandiose et préservée, entre des puissants savoureusement moqués et des pauvres pas épargnés, entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent.... et puis il y a les ponts qui se créent.
Mais, c'est surtout un très bel exercice d'écriture :
J'ai d'abord été surprise et presque agacée par ces longues phrases hachées, ponctuées de virgules, mais très vite, admirative, je me suis prise au jeu. J'ai eu plaisir à me laisser prendre par ce rythme étrange, qui parfois appelle la relecture, mais qui semble toujours si bien adapté à ce qui est dit.
J'ai été heureuse d'avoir aussi  à me colleter à ces noms connus et ici décalés, qui interrogent :
Diderot l'ingénieur, Ralph Waldo l'architecte, Katherine Thoreau l'ouvrière. et tous les autres... Pourquoi ? J'ai cherché et n'ai pas trouvé, et sans bien savoir pourquoi j'ai aimé le procédé, qui les rend encore plus anonymes et pourtant les définit -peut-être !-
J'ai aimé aussi trouver dans le texte, par petites touches, ces adjectifs, ces verbes, ces noms qu'on appellait autrefois communs, mots précieux qu'on à envie de dire à haute voix : s'avitailler, l'akal, albugineux, immarcescible, éburnéen.....

Je trouve que ce livre est une très belle réussite : j'attends avec impatience les suivants, et ne vais pas manquer, samedi, de retourner voir le discret bouquiniste qui s'installe chaque semaine entre le maraîcher et le marchand de miel.

mercredi 11 avril 2012

LES DRÔLES DE MOTS DU MERCREDI


Deux mots aujourd'hui pour illustrer l'autobiographie d'Agatha Christie dont je vous ai parlé lundi :

Le premier évoque sa jeunesse et les cours de danse où elle aimait aller :

Une matelote :
"Après cela, les grandes laissaient la place aux petites qui venaient effectuer leur danse, généralement une matelote ou quelque petite danse folklorique gaie et pas trop difficile."
Une matelote est "une danse, qui trouve son origine parmi les marins français... Il s'agit d'une contredanse "en colonne", les partenaires étant disposés en deux lignes vis à vis. Elle s'exécute (normalement) en pas sautillés.
La version ci-dessous,  en plus d'être charmante, me semble assez proche de  ce qu'en dit Agatha Christie.



La Matelote - Vannes 2006 par Shaman_291

Le second,  symbolise ce qui faisait sa joie,  sur les chantiers archéologiques dirigés par son mari :

Une pyxide :
"Ce sont sans doute les premiers [les plans] qui sont les plus importants, mais pour moi, ils ne présenteront jamais la fascination de ce qui est issu de la main de l'homme : telle petite pyxide d'ivoire avec des musiciens et leurs instruments sculptés tout autour, tel petit chérubin ailé, cette merveilleuse tête de femme, laide à faire peur mais débordante d'énergie et de personnalité."

Le mot pyxide vient du grec pyxix qui signifie  boîte/capsule :
Une pyxide est une boîte dotée d'un couvercle, qui contient quelques choses de précieux.

A partir de cette définition un peu lapidaire, beaucoup de choses sont permises, en termes de formes,  de taille, de matériaux (terre, émail, ivoire, cuir...) :

On peut donc employer ce terme en botanique : la pyxide abrite alors les graines d'une plante :

Pyxide de l'Anagallis Ornentis
ou pour désigner un objet :
Durant l'antiquité, la pyxide, vase ou boîte contient notamment des bijoux :

Grande pyxide 760-750 Athènes Grèce -Musée cycladique-

L'ère chrétienne advenue,  c'est l'eucharistie qu'elle renferme , à demeure dans une église,

Pyxide de Saint-Aubain 
Musée diocésain de Namur Belgique

ou, usage plus récent, pour transporter celle-ci auprès des malades.


Le monde arabo-musulman n'est pas en reste et produit également de superbes pyxides :

Pyxide d'Ismâ Îl- avant 1032_
Cathédrale de Narbonne-France-

Quant à celle, qu'Agatha Christie a tenue dans ses mains, elle ressemblait probablement à celle-ci :

Pyxide Davillier


Sources :
- Wikipedia
- Le Petit Robert de la Langue Française -1997-

lundi 9 avril 2012

UNE AUTOBIOGRAPHIE


Titre original : "An autobiography"
Auteure : Agatha CHRISTIE
Traducteur : Jean-Michel ALAMAGNY
Editions : du Masque 2002- Livre de poche n° 30908 -935 pages-


Avant de lire cette autobiographie, je dois l'avouer, Agatha Christie me faisait un peu peur : cette femme opulente, le cou entouré de perles,  qui assassine froidement autant de personnes,  risque fort d'être "une forte personnalité", au sens le plus détestable du terme : une personne sûre d'elle-même, péremptoire, peut-être vaniteuse, probablement une rude enquiquineuse.
Je me trompais !

Agatha Miller, car tel est son nom, est le troisième enfant d'un couple épris et heureux en cette fin du dix-neuvième siècle : un père américain et surtout "très gentil", une mère anglaise "énigmatique et marquante", des revenus confortables, une belle maison - sa chère Ashfield-, un grand jardin, une vie charmante et plutôt facile. Des nurses, des jouets, une grande liberté, de l'amour :  bref une enfance heureuse, quoi de mieux pour commencer  et surtout nourrir une vie ? 
Soixante ans plus tard,  à Nimrud, Irak, au moment où, sur un coup de tête elle commence cet ouvrage Agatha le dit elle -même : rien.

Il lui faudra quinze ans pour rédiger ce livre, le prenant, le laissant, le corrigeant et surtout n'y disant que ce qu'elle veut bien dévoiler d'elle-même.

Une enfance totalement heureuse donc "un monde de sécurité et d'insouciance" jusqu'à ses onze ans, peuplée de personnages imaginaires, et sans aucune école.... Puis brusquement, après la mort de son père et le mariage de sa soeur aînée, la réalité qui s'impose :
"... nous n'étions plus à présent les Miller, une famille, mais juste deux personnes qui vivaient ensemble : une femme entre deux âges et une petite-fille en herbe et naïve. Les choses paraissaient les mêmes, mais l'atmosphère était différente."



Une adolescence donc au gré des "lubies" de sa mère : l'école, oui, mais juste certains cours, des séjours à Paris, quelques sorties, du temps solitaire durant lequel elle peut écrire un livre ou des petites pièces, de la musique, du chant, et bientôt la grande interrogation : "Mais qui vais-je donc épouser ?"



La réponse viendra en même temps que la guerre : il est aviateur, elle devient infirmière... puis préparatrice en pharmacie. La paix de retour,  une petite-fille naît, presqu' aussitôt laissée à nurse et grand-mère, le temps de faire un quasi tour du monde avec ce mari, si peu connu.
Au retour, la  dure réalité à nouveau s'impose, puis, au moment où tout semble retrouver sa place, le malheur : deuil et divorce.
Là-dessus Agatha ne s'étend pas.


En 1927 elle repart, seule, pour le Moyen-Orient, découvre l'archéologie et rencontre Max Mallowan, justement archéologue,  qu'elle épouse trois ans plus tard. Elle a hésité - il a quatorze ans de moins qu'elle-, mais son goût du bonheur l'a emporté, et elle a eu raison.
Ils partageront leur vie entre Angleterre, Syrie et Irak, seront séparés quatre ans, le temps d'une deuxième guerre, reprenant ensuite leur vie, heureuse et bien remplie.



Et les livres dans tout ça ?  En fait elle les écrit et n'en fait pas une affaire, au point qu'ils semblent presque être un à-côté !
Les circonstances auraient été différentes, elle serait devenue mathématicienne ou musicienne.
Mais ce n'était pas son "schéma de vie", c'est tout.
Une grande imagination, un pari avec sa soeur, le besoin de gagner sa vie, quelques relations, c'est ainsi qu'elle explique son succès.
Et surtout qu'on ne l'ennuie pas en la traitant d'écrivain !


Elle pensait mourir à quatre-vingt-treize ans, après avoir rendu fou son entourage,  ce sera sept ans plus tôt, paisiblement.
"Merci, mon Dieu, pour cette excellente vie et pour tout l'amour qui m'a été donné."


Après avoir lu cette autobiographie, je pense toujours qu'Agatha Christie est une forte personnalité, mais au sens positif du terme : une femme courageuse, pudique, pleine d'humour, modeste et surtout dotée d'un formidable amour de la vie.

dimanche 8 avril 2012

mercredi 4 avril 2012

LES DRÔLES DE MOTS DU MERCREDI



Contrairement à ce que je pensais (et craignais !), ma moisson de "Drôles de mots", dans "La Cité des Dames" a été relativement limitée.
En voici quatre :

Un coutre :
"Elle [Cérès]inventa encore la charrue et leur enseigna à fendre et à découper la terre avec le coutre, ainsi que les autres travaux de labour."
Il s'agit du fer tranchant fixé à l'avant du soc de la charrue.
Le mot coutre (comme d'ailleurs le mot couteau) vient du latin custellus, diminutif de culter, qui désigne toutes sortes d'objets tranchants.


Source : www.collection-agricole.fr

Rouir, teiller, sérancer :
"Cette femme [Arachné] inventa un art encore plus indispensable, car elle découvrit la première comment cultiver le lin et le chanvre, comment les effeuiller, les rouir, les teiller, les sérancer, et encore comment filer la quenouille et tisser la toile."




Souce : Larousse


Rouir : isoler les fibres textiles du lin et du chanvre en détruisant la matière gommeuse qui les soude par une macération dans l'eau ou par tout autre procédé.

Teiller :
-débarrasser le lin ou le chanvre de l'écorce de leurs tiges (teilles)
- séparer les parties ligneuses et la fibre

Sérancer : peigner le lin ou le chanvre

Vous trouverez sur le site des compagnons duellistes  tous les détails sur le travail du lin.

Sources :
- toutes les définitions : Petit Robert 1987
- étymologie : Le Robert Dictionnaire historique de le langue française 1992

lundi 2 avril 2012

LA CITE DES DAMES



Auteure : CHRISTINE DE PIZAN
Texte traduit du"moyen français" par Thérèse MOREAU ET Eric HICKS
Editions : Stock-Moyen Age-278 pages


Quand j'ai vu que ce livre était inscrit dans la liste des ouvrages sélectionnés pour le challenge 2012 
"A year of feminist classics", j'ai pensé que c'était pour moi l'occasion de découvrir cette auteure, dont je ne connaissais à peu près que le nom.  Je sais, ce n'est pas très brillant ! Pourtant je suis allée à l'école un certain temps... mais c'était, il y a longtemps, à une époque où celui-ci n'était jamais évoqué durant les cours de français.
Le mouvement féministe est passé par là depuis et j'espère que mes cadettes en savent plus que moi !



Christine de Pizan, dont le nom à l'origine s'écrivait "de Pisan", est née en 1364 à Venise. Dès 1368,  elle arrive en France à la cour du roi Charles V, où son père vient d'être appelé en tant que médecin et astrologue. Elle y reçoit l'éducation donnée aux jeunes filles de la noblesse  et montre, selon ses propres termes, "des dispositions pour les lettres".
Mariée à quinze ans à un jeune noble, Etienne de Castel secrétaire du roi, dont elle écrit que nul "ne put jamais le valoir en bonté, en douceur, en loyauté et tendre amour", elle voit sa vie, jusque là facile, totalement bouleversée, après les décès successifs du roi, de son père et de son époux.
Elle se retrouve donc seule en France à vingt-six ans, avec trois jeunes enfants et sa mère à charge, en butte à plusieurs procès qui la ruinent.
Elle choisit alors d'utiliser ses dons pour l'écriture et son érudition pour faire vivre sa famille et "de femelle devins masle" en l'occurrence "homme de lettres"
Son premier ouvrage "Le livre des cent ballades", qui rassemble une série de pièces lyriques, lui permet de trouver de nouveaux soutiens et des commandes.
A partir de ce moment elle n'arrêtera pas de produire "des écrits érudits, philosophiques, moraux et même militaires", tout en menant un combat en faveur des femmes, notamment en s'opposant à Jean de Meun, auteur du "Roman de la rose".
Son courage et son obstination, lui vaudront succès et admiration jusqu'à son décès vers 1430, ce qui n'empêchera pas le dénigrement et la quasi disparition de son oeuvre jusqu' à nos jours.



Ecrit entre le 13 décembre 1404 et avril 1405, le livre de "La Cité des Dames", est en quelque sorte le "couronnement de son oeuvre féministe".
Troublée "au plus profond de [son]  être", par la lecture des "Lamentations de Mathéole", un véritable condensé de propos misogynes, Christine de Pizan s'interroge sur ce qui pousse "tant d'hommes, clercs et autres, à médire des femmes et à vitupérer leur conduite soit en paroles, soit dans leur traités et leurs écrits".  Déprimée, elle s'assoupit et découvre à son réveil, trois Dames nommées Raison, Droiture et Justice, qui lui annoncent qu'elle a été choisie, pour construire, avec leur aide, une Cité où "les dames et autres femmes méritantes puissent désormais avoir une place forte où se retirer et se défendre contre de si nombreux agresseurs".
Cette Cité, toute spirituelle, est en fait une série de réponses, par le contre-exemple à tout ce que la misogynie a pu inventer pour dénigrer les femmes :
En gros, les femmes sont des êtres sans force, sans talents, incapables de créer quoi que ce soit, sans jugement. Elles sont un poids pour leurs parents, font le malheur de leurs maris, sont indiscrètes, infidèles par nature - elles aiment même être violées-, elles sont coquettes, avares.... N'en jetons plus !
Point par point, rassemblant toute son érudition, Chritine de Pizan, dresse le portrait de toutes les femmes qui  ont démontré ou démontrent encore le contraire : La Bible, la Mythologie, l'histoire grecque et romaine,  la Vie des Saintes,  sont sollicitées tour à tour, sans oublier son propre exemple et celui de quelques unes de ses contemporaines.
Chacune de ces femmes constitue ainsi, qui les fondations, qui les pierres des murailles, qui les demeures de cette Cité, qui permet à toutes, "Vous qui êtes mortes, vous qui vivez encore et vous qui viendrez à l'avenir," de se réjouir d'avoir ainsi un refuge et un rempart contre leurs ennemis.



Si j'avais abordé cette lecture avec une certaine crainte, les écrits médiévaux ne sont pas d'habitude mes livres de chevet, celle-ci à très vite disparue.
Tout d'abord, je crois, parce que d'emblée j'ai eu le sentiment de rencontrer une autre femme, dont je comprends le désarroi et la révolte : bien sûr, la situation n'est plus tout à fait la même tout au moins pour certaines, mais tout cela n'est pas non plus de l'histoire ancienne. J'ai aimé tout de suite, son courage, son sens de la décision, sa clarté d'esprit, sa confiance en elle.
J'ai admiré son érudition, et s'il y a, bien entendu, quelque chose de déroutant pour nous à voir placer sur un  même pied, déesses, saintes, prophétesses, princesses et reines, j'ai eu un grand plaisir, sauf vers la fin je dois l'avouer où l' accumulation des martyres m'a fait sauter quelques pages, à lire ces épisodes mythiques ou réels, qui nous font passer, sans transition, de la fable à la réalité.
Si je n'ai pu m'empêcher de sourire à l'évocation de toutes ses puissantes contemporaines dont elle vente les qualités, il faut bien vivre et l'époque l'exigeait, je n'ai pas trop sourcillé non plus une fois la conclusion atteinte : éloge de la vertu, de la modestie, de la soumission à son mari, de la patience, on pourrait bien sûr grincer des dents, nous sommes loin en effet de l'appel à la révolte....
Mais nous sommes au XVème siècle et cette femme vient juste de rendre à chacune le sens de sa propre dignité.

Tout au long de ma lecture je n'ai cessé de penser au livre que Lilian Thuram et Bernard Fillaire ont fait paraître en 2010  : "Mes étoiles noires". 
Je crois que d'une certaine façon la démarche est exactement la même. C'est également de dignité qu'il est question ici ! 

dimanche 1 avril 2012

IL FAUT CHOISIR...



Good little girls go to paradise....
The other ones go where they want...