Auteur : Roger DUCHÊNE
Editions : Tallandier. Texto. 2012. 588 pages
Le très beau château de Grignan a accueilli de la fin mai à la fin octobre 2017, une exposition sur
"Sévigné , Epistolière du Grand Siècle".
Outre le grand plaisir de pouvoir visiter celle-ci, j'ai donc pu découvrir le magnifique ensemble que forment le village et la château et y acquérir la biographie que Robert Duchêne a consacré à la très célèbre marquise.
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Source : grignan.free.fr |
Il s'agit en fait de la seconde édition de cet impressionnant ouvrage, la première datant de 1982, réécrite "en fonction de l'expérience acquise dans le temps " par son auteur, devenu depuis, également le biographe de nombreux personnages, liés d'une façon ou d'une autre à Madame de Sévigné.
Rien à voir, vous l'aurez compris, avec une biographie romancée.
Bien au contraire, tout ici est justifié par les écrits de la marquise et de ses correspondants, dont son très célèbre cousin Bussy-Rabutin, son amie Madame de La Fayette, d'autres proches ou contemporains aussi, à l'exception de l'autre héroïne de ce livre, muette ou presque puisque toutes ses lettres ont été détruites, Françoise Marguerite de Sévigné, comtesse de Grignan, celle dont l'éloignement en Provence, nous a valu, les superbes lettres de sa mère, sept-cent soixante quatre missives sur les neuf-cents qu'elle lui a adressées.
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Françoise, Marguerite de Sévigné (vers 1669). Attribué à Mignard.
Musée Carnavalet. Paris
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En quarante-sept chapitres, nous découvrons donc comment Marie de Rabutin-Chantal, née à Paris le 5 février 1626, très tôt orpheline de père puis de mère, vit une enfance cependant heureuse, entourée qu'elle est de l'affection de toute sa famille maternelle, les Coulanges et de l'attention, plus lointaine, de sa très sainte grand-mère paternelle, Jeanne de Chantal, qui ne l'influencera guère.
Enfant heureuse, elle se révèle jeune épousée enjouée, voire "guillerette", auprès d'un mari volage, qui la laisse veuve à vingt-cinq ans, chargée de deux enfants et de nombreuses dettes.
Revenue à Paris auprès des Coulanges, elle va y poursuivre, lorsqu'elle ne se rend sur ses terres bretonnes, l'existence plutôt joyeuse, d'une jeune veuve pleine d'esprit, courtisée mais sachant rester distante, brillant à la ville plutôt qu'à la cour : de "race frondeuse", on la tient en effet un peu à distance. Son cousinage avec Bussy-Rabutin et son amitié pour Fouquet ne jouent pas en sa faveur, même si sa fille, dont le roi admire la beauté, danse avec lui à Versailles en plusieurs occasions.
Puis en janvier 1669, survient l'évènement tant attendu, mais qui va bientôt bouleverser ce bel équilibre : le mariage de sa fille avec le comte de Grignan.
Le nouveau couple reste tout d'abord auprès d'elle. Mais, très vite, son gendre est nommé lieutenant général pour le roi au gouvernement de Provence, grand honneur, certes, mais qui implique bientôt son départ. Son épouse le suit quelques mois plus tard.
Epreuve terrible, véritable "arrachement" pour Madame de Sévigné, d'autant plus violent qu'elle doute de l'amour de sa fille, pourtant réel, dont elle ne peut comprendre "la paresse", son apparente indifférence. Or, elle a besoin d'être aimée.
Entre 1671 et 1696,
neuf séparations suivront, entrecoupées d'autant de retrouvailles.
L
'éloignement est difficile, mais souvent
plus doux que la vie commune, tout au moins jusqu'en 1680.
Madame de Sévigné s'est rapprochée du jansénisme, elle cherche à modérer ses passions, elle veut
aimer sa fille pour elle-même et non pour assouvir le besoin qu'elle a d'elle. Madame de Grignan de son côté
fend l'armure et avoue sa tendresse à sa mère.
Les années qui suivront seront affectivement plus douces, mais d'autres soucis prendront le relais, établissement de son fils, pertes de parents et d' amis, soucis administratifs ou financiers, problèmes de santé des uns ou des autres.
C'est lors de son dernier séjour à Grignan, que Madame de Sévigné décède, le 17 avril 1696, rongée par l'inquiétude engendrée par la santé très défaillante de Madame de Grignan, mais également apaisée par le jansénisme dans lequel elle a découvert l'espérance.
J'ai reposé ce livre
admirative mais aussi un peu
écrasée par autant de savoirs.
Sur la Marquise tout d'abord, décrite dans toute sa
complexité.
Sur ses ennuis financiers dans un monde où, peut-être encore plus qu'aujourd'hui, tout s'achète : charges civiles ou militaires, mari, épouse. Il faut beaucoup payer, beaucoup rembourser ses propres dettes, celles de feu un époux ou celles d'un fils ou d'un gendre.
Sur ce monde de la noblesse aussi, petite ou grande vieille ou récente, de cour ou de ville, dominée par la figure du roi, véritable labyrinthe dans lequel il faut pouvoir ne pas se perdre.
Sur le devenir des lettres enfin, autre aspect passionnant de l'ouvrage, qui ne furent jamais écrites pour être publiées et qui pourtant le sont à la suite d'une succession de volontés ou de hasards, parfois rocambolesques.
Du
très beau travail donc, une
véritable somme, en fait.