jeudi 10 mai 2018

LE MONDE DES HOMMES







Titre original "Bumi Namusia" -1980-
Auteur : PRAMOEDYA ANANTA TOER
Traduction : Dominique Vitalyos
Editions : Zulma -2017- 500 pages.


Autant le dire tout de suite, ce livre a été pour moi un coup de foudre.
C'est  dire si j'ai été ravie en découvrant, qu'il constitue en fait le premier tome d'une  tétralogie  :  "BURU QUARTET".


Source : Association franco-indonésienne Pasar Malam


Pramoedya Ananta Toer ( 1925-2006), dit PRAM,  est un écrivain indonésien qui "dut d'abord sa renommée internationale à la persécution qu'il subit"*, aussi bien sous le gouvernement colonial hollandais, que sous  la Démocratie (!) de Sukarno puis la dictature de Suharto, ce qui lui valut de passer presque le quart de sa vie en captivité, soit en prison, soit au bagne de Buru.
 Surveillé toute sa vie, son oeuvre censurée quand ce n'est pas en partie détruite, il est cependant devenu "un géant des lettres indonésiennes"*, que certains n'hésitent pas à comparer à Tolstoï.


La reine Wilhelmine.
Source : Wikipédia


Nous sommes aux Indes Néerlandaises, l'Indonésie d'aujourd'hui, au tournant du XXe siècle.
Un jeune "indigène", dont le seul nom, Minke, lui a été donné par un professeur en colère - car dans ce monde les indigènes n'ont pas de nom, même s'ils sont issus d'une famille aristocratique - poursuit  de brillantes études à  l'HBS de Surabaya, une grande école, fréquentée essentiellement par les fils des colons néerlandais.  Le diplôme qu'il doit bientôt passer,  lui ouvrira les portes de la haute-administration de la colonie. Il écrit aussi des nouvelles, qui commencent à être publiées avec succès dans la presse, sous un autre nom d'emprunt .

Sa rencontre, provoquée par l'un de ses condisciples avec Nyai Ontosoroh, une concubine indigène, et ses enfants, Robert et Annelies Mellema, issus de sa relation forcée avec un riche planteur, va bouleverser sa vie au-delà de tout ce qu'il avait pu imager, lui faisant emprunter les chemins d'une longue révolte, sans jamais déroger "aux principes de l'honneur", si importants pour lui et pour Nyai.


Source : secret-indonesia.com


Ce qui fait la richesse et la force de ce roman, qui, par ailleurs est une sorte de "biographie fictive"*, c'est tout autant le cadre merveilleux dans lequel il se déroule - Java, la plantation des Mellema, leur demeure - que l'extraordinaire présence des personnages, principaux ou secondaires.

A côté de Minke, le narrateur, jeune-homme complexe, partagé entre sa fascination pour l'Europe et sa culture javanaise contre laquelle il se révolte aussi, se dresse l'inoubliable Nyai, toute d'intelligence, de courage et de révolte. A  l'inverse, sa  douce fille Annelies, âme blessée comme sa mère,  fascine comme elle, mais pour des raisons opposées.
On n'oubliera pas non plus les père et fils Mellema, tous deux brisés et leur violence, ou le farouche et fidèle Darsam, sa belle moustache et son coupe-coupe.

Mais la force de ce texte tient aussi à l'inscription de ses personnages dans  l'histoire complexe de la colonisation avec tous ces excès, mépris, exploitation, violence, iniquité, mais également ces beaux personnages, Magda Peters, Herbert de la Croix et ses filles, le bon et attentif Docteur Martinet, qui chacun à leur manière, guident Minke ou tentent de protéger Nyai et sa fille.

Enfin il y a le ton très particulier du récit, entre conte et roman,  lié à son histoire même. L'auteur l'a d'abord raconté au bagne de Buru durant son internement, puis écrit à sa sortie.  

Par bonheur, le tome II  m'attend déjà...


* Source : Etienne Naveau (postface)

14 commentaires:

  1. je ne suis guère sensible aux contes donc pas certaine d'accroché à ce livre mais en te lisant j'ai pensé aux romans d'hella Hasse sur des sujets proches

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    1. En fait l'aspect "conte", ce n'est d'ailleurs peut-être pas le bon mot, est lié au côté enchanteur des descriptions des personnes et des cérémonies. C'est enchanteur parce que si différent d'ici.
      Je pense que tu pourrais peut-être essayer ! Pour moi, ce livre est une vraie découverte;

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  2. Je ne connais pas du tout cet auteur ; ce que tu dis du livre est tentant, en plus je connais très mal l'histoire de cette partie du monde.

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    1. N'hésite pas Aifelle. pour ma part, ce livre m'a enchantée. Je l'avais d'ailleurs acheté pour les raisons que tu énonces...

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  3. Oh, comme Aifelle, cela m'intéresse beaucoup, et s'il y a en plus un petit côté "magique" encore plus!
    Merci et excellent dimanche Annie.
    PS: je vois qu'il est traduit en espagnol, je le trouverai facilement alors, chouette.

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    1. Je suis ravie de savoir que je vais faire des émules car, vraiment c'est une belle découverte. Et puis changer de monde c'est si bien ! Très heureuse de savoir que tu pourras te le procurer facilement.

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  4. Là, tu as l'air de tenir une pépite ! Tout ce que tu dis sur ce roman m'intéresse et aussi le fait que ce soit dans cette partie du monde -comme dit Aifelle- que je connais mal.

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  5. C'est tout à fait cela ! Je suis entrain de lire le tome II et vais me procurer la suite au plus vite !

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  6. Ton enthousiasme fait mouche, je note ce titre pour découvrir en même temps cette partie du monde que je connais peu. Bonne continuation dans ta lecture !

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  7. Je suis heureuse de voir que le club de fans de Pram va bientôt s'agrandir. J'attends ton billet avec impatience. Je continue avec ardeur !

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  8. Un roman comme un monument en Indonésie qui dénonce de nombreux abus.
    Il y a du hollandais dans le nom de cet auteur (Toer) ! "Le néerlandais était la langue des forts là-bas, les autres (javanais, maltais), celles des faibles", écrit-on sur Wikipédia.

    À noter : la traductrice Michèle Albaret-Maatsch est impliquée dans la traduction de ce récit. Je la connais comme traductrice d'un auteur que j'aime bien, John Banville (rien à voir avec le sujet).

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  9. Oui, j'avais noté le nom de cette traductrice également sans comprendre très bien comment l'articulation avec son travail s'était faite ("Roman traduit de l'indonésien par Dominique Vitalyos d'après la traduction initiale de Michèle Albaret-Maatsch"). J'ai beaucoup d'admiration pour les traducteurs... Un métier que j'aurais aimé exercer. Bonne semaine à vous.

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  10. Il a l'air bien complet, pourquoi pas si je tombe dessus, au moins je suis sûre d'apprendre des choses.

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  11. Bonjour Annie, quel enthousiasme! Je note déjà ce premier tome. Je ne connais pas du tout la littérature indonésienne. C'est bien que Zulma (éditeur de qualité) nous la fasse découvrir. Bonne journée.

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