Auteure : Marie-Hélène FRAISSË
Editions : Albin Michel 2017. 223 pages.
J'ai essayé au moins à quatre reprises. J'ai commencé un paragraphe, je l'ai repris, je l'ai effacé. J'ai tenté une autre tournure. Et puis je suis arrivée à la conclusion qu'il était inutile que je m'entête, que je n'y arriverais pas, qu'en fait, sans savoir pourquoi, je n'avais pas envie d'écrire cet article.
Pourtant voici un très bon livre, savant, vivant, plein de traits d'humour, qui nous conte l'aventure ou plutôt les aventures de ce Martin FROBISHER (vers 1535- 1594), mauvais garçon, mauvais époux, colérique, renfermé, violent, cruel, menteur... mais aussi excellent marin et homme de grand courage, qui à trois reprises, 1576, 1577, 1578, prend le commandement de trois expéditions, sensées, tout au moins pour la première, le mener en Chine ou plutôt au Cathey. Pas par la longue route de l'ouest, que suivent Espagnols et Portugais, mais par celle du nord-ouest, déjà mythique et qui nous fait toujours rêver. Quelques récits, quelques cartes, tous et toutes aussi improbables, encouragent déjà à le faire.
La souveraine, la grande Elisabeth, agacée au bas mot par l'hégémonie ibérique, accepte d'y mettre quelque argent, des nobles et des négociants en ajoutent beaucoup, aussi prompts à vouloir lui complaire qu'à rêver de bénéfices et de gloire.
Elisabeth Iere. Portrait au tamis. 1583.
Eton College
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Trois expéditions de plus en plus coûteuses et trois échecs donc.
Le bilan ?
- Trois pauvres inuits (deux hommes, une femme et son bébé), qui après avoir montré une grandeur d'âme bien supérieure à celle de leurs peu glorieux ravisseurs, mourront, aussitôt le pied posé en Europe, après avoir été exhibés comme des bêtes.
- Une mystérieuse pierre noire, mais brillante, ramassée par hasard, suivie de tonnes de pierres de même nature arrachées au sol de cette "Meta incognita", au prix de souffrances sans nom, que des alchimistes de tous bords déclareront aurifère puis, plus justement, sans aucun intérêt.
Source : musée canadien de l'histoire |
- Des vaisseaux engloutis.
- Cinq marins a priori disparus, mais ce n'est pas certain.
- Des dizaines d'hommes, noyés, blessés, rendus infirmes et qui n'obtiendront jamais réparation.
- Des négociants ruinés et emprisonnés pour dettes.
Et bien sûr la Chine, jamais atteinte par cette voie, le passage resté secret.
Martin Frobisher souffrira, mais s'en remettra, gagnant dix ans plus tard, un titre et un droit à la postérité dans les combats contre l'invincible Armada.
Les traces de son passage sur la Terre de Baffin, sembleront disparaître, puis réapparaîtront au XIXe et XXe siècles.
Peu de choses certes, mais des témoignages de "cette première tentative avortée d'établissements anglais aux Amériques", véritable "matrice de ce qui suivra : rien moins que l'anglicisation du monde, dont nous sommes, qu'on le déplore ou non, toujours partie prenante, en ce début de troisième millénaire."
Cruellement, mais non sans ironie aussi, nous savons aujourd'hui que la Terre de Baffin contient d'énormes gisements aurifères, sans parler du pétrole, du gaz, des diamants, des terres rares repérés dans cet immense "coffre-fort", pour un temps encore pétrifié par la glace.
De quoi faire retourner dans leur tombe le bouillant Martin FROBISHER et ces, pour certains, très malheureux compagnons.
Bon et bien en fait cet article est écrit, allez savoir pourquoi ?
je l'ai coché pour une future lecture après avoir lu la bio de Humboldt , j'aime les bio des découvreurs même quand ils ne sont pas de doux agneaux et puis le grand nord m'attire toujours
RépondreSupprimerJe suis impatiente d'avoir ton récit, Dominique ! Ce livre, au début, m'a désarçonnée, ni livre historique, version thèse universitaire, comme l'est la biographie de Madame de Sévigné, ni roman, quelque chose entre les deux. Mais en suite il m'a bien plu, c'est cela l'important.
SupprimerJ'aime beaucoup cette forme pour l'écriture de ton article. Ce livre empreint d'ambitions hégémoniques, de destructions colonisatrices, d'échecs, de morale en quelque sorte... Est certainement l'histoire de ce que nous sommes et que "nous" continuons à détruire... Non ? Merci !
RépondreSupprimerOui, nous n'avons pas changé, peut-être tout de même plus de manière personnelle. Restons optimistes (ce qui entre nous n'est guère mon cas...)
SupprimerYou wrote a great review, even though I can understand why it was hard to do. I wish we lived in a world where people were not flawed ... especially those people like Frobisher who are held as heroes. Still true today. So sad how the Inuit were treated -- this was just one of way too many examples of mistreatment of Native Americans (in Canada they are called 'First Nation' I believe)....
RépondreSupprimerHappy to read you again, Sallie et thank you for your comments. The two last book I read (this one and the one about China) showed how European people thank of the other ones. It's so appalling ! And now have we evolved ? I'm not sure...
RépondreSupprimerC'est ce que j'allais dire avant d'en arriver à ta conclusion ! Et bien voilà, tu l'as fait ! C'est vrai que parfois, on a du mal à commencer un billet, on ne sait pas comment l'aborder ! Et bien tu as parfaitement réussi et tu donnes envie de lire le livre ! Surtout que je suis attirée par tout ce qui est nordique, neige et froid. Moi qui suis si frileuse !
RépondreSupprimerEt voilà finalement un bon billet qui éveille la curiosité - tu as bien fait de persévérer.
RépondreSupprimerLes difficultés à tourner un billet, ah oui, quand le livre a plu et qu'on ne sait pas lui rendre ce qu'il a donné...
RépondreSupprimerMartin FROBISHER, à la recherche d'un passage et de richesses minérales, explorateur déçu et corsaire féroce.
Ici, c'était plutôt le contraire. Un livre dont je reconnaissais toutes les qualités, mais auquel je n'accrochais pas vraiment. Si vous avez le temps, regardez ma réponse au commentaire de Dominique.
RépondreSupprimerMais ce que vous dîtes est encore plus difficile à vivre; J'y passe parfois des heures...