Auteur : Ivan TOURGUENIEV
Traducteur : Henri MONGAULT
Préface : Pierre Moinot 1
Editions : Gallimard Folio classique n°1264
Si quelques jours auparavant je n'avais pas lu avec admiration "Premier amour" et souhaité, dans la foulée, découvrir d'autres ouvrages de Tourgueniev, je pense qu'il ne me serait jamais venu à l'idée d'ouvrir "Mémoires d'un chasseur", tant je suis peu attirée par cette activité, faisant preuve, par la même occasion, d'une bien grande sottise.
Car c'est un livre étrange et merveilleux, dans lequel la chasse n'est en fait qu'un prétexte pour nous faire découvrir la Russie rurale de ce milieu du XIX e siècle, un peu avant et après la promulgation de "la Grande Réforme"(1861), qui abolit le servage en Russie.
L'ouvrage n'a pas été composé d'un seul tenant : il s'agit de la compilation de 25 essais, le mot le plus juste étant peut-être "tableaux", écrits par Tourgueniev entre 1847 et 1875, parus pour la plupart, au fil de leur écriture dans la revue "Le Contemporain".
Sur les pas de notre chasseur et de ses chiens nous parcourons donc plaines et forêts, dormant parfois à la belle étoile, parfois dans des auberges, le plus souvent dans les maisons de campagne de ces propriétaires, hobereaux ou petits seigneurs, dont Tourgueniev, lui-même, faisait partie. L'occasion de rencontrer dans une nature somptueuse, maîtres et moujiks, de découvrir les liens cruels qui les unissent mais aussi, que tous partagent la même humanité, perspective renversante, dans un monde où les seigneurs voyaient plutôt leurs "âmes"* comme "des espèces d'arbres qui marchent" ou "d'animaux qui parlent"1.
Or, Tourgueniev en fait des héros, au même titre qu'eux. Et c'est même une femme au dernier niveau du dénument, qui apparaîtra comme le visage de la sainteté. Rien de bien choquant, lorque chaque histoire est lue à distance des autres, au fil de la parution dans la revue, mais l'effet est tout autre quand on les trouve regroupées dans le même ouvrage. L'empereur Alexandre II lui-même ne s'y trompa pas, faisant dire à Tourgueniev, que son livre avait été un grand motif de sa détermination à engager sa réforme.
Ne croyez surtout pas cependant, qu'en ouvrant cet ouvrage vous allez vous lancer dans une lecture austère. Tout au contraire, vous allez être porté par un ton doux, souriant, parfois juste ironique. Vous allez vous laisser porter par un style magnifique, qui fait tout le grand bonheur de cette belle lecture.
* J'ai découvert à cette occasion le sens du mot "âme" employé pour évaluer la fortune des propriétaires terriens, dans un monde où l'on ne dissocie pas les hommes de la terre. Je pensais, qu'il s'agissait de tous les serfs (hommes, femmes, enfants) qui vivaient sur un domaine, mais ce terme est en fait réservé aux seuls hommes pour lesquels le propriétaire payait la capitation. En 1850, près la mort de sa mère, la terrible Varvara Petrovna, Tourgueniev devint le maître de 5000 âmes, qu'il affranchit en partie.
La formule en "tableaux" me conviendrait. Et le style de Tourgueniev.
RépondreSupprimerIl est réjouissant qu'un livre ait pu induire les réformes d'Alexandre.
Merci pour l'extrait qui me replonge dans les atmosphère de Jean-Loup Trassard.
Oui, c'est une construction très agréable et j'aime vraiment beaucoup le style de Tourgueniev. Je vais me renseigner sur Jean-Loup Tassard ...
RépondreSupprimerI was so surprised to read the title of this book as Google translated the page ... we've never talked about it, but hunting did not seem to be the kind of activity you'd be interested in (as it is not for me either)... so I was very glad that the rest of your review ,when translated, explained it all to me very well! And now I understand. And what a worthwhile book to read -- it made a huge difference in the time it was written and is something we should all know ab out. That was extremely interesting reading your footnote about 'souls' as well.
RépondreSupprimerHappy to know you was interested by this post. I like a lot this book and I think it'd be the same for you.
RépondreSupprimerah et voilà encore une lecture à mon programme, ayant lu tous les romans de Tourgueniev il me reste à lire les nouvelles et là aussi je coche je coche
RépondreSupprimerPremier amour est magnifique, un souvenir de lecture très présent
Celui-ci a en plus la particularité d'être presque un roman. On passe d'une nouvelle à l'autre dans la continuité, comme lors d'une longue promenade. Je l'ai vraiment trouvé très beau.
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