Auteur : PHILIP ROTH
Editions : Vintage Books. A division of Random House, Inc. New-York -2010- 280 pages.
Comme il aurait été regrettable de laisser sur une étagère de la bibliothèque, ce livre acheté lors d'un beau voyage il y a quelques années, et oublié depuis.
Nous sommes à Newark en 1944. Par un début d' été torride, les enfants de Weequahic, le quartier juif de la ville, se retrouvent chaque jour nombreux autour d'Eugène Cantor, que tout le monde appelle "Bucky", jeune professeur d'éducation physique, qui assume, durant les vacances, les fonctions d'animateur du terrain de jeux, que fréquentent les jeunes garçons, qui ne peuvent bénéficier de l'air réputé plus sain de la mer ou de la montagne. Ils ont douze ans ou plus, aiment jouer au foot-ball américain, ou regarder leur maître lancer le javelot.
Celui-ci, âgé d'un peu plus de vingt ans est un athlète accompli, que seule sa vue extrêmement défaillante a empêché d'être enrôlé dans l'armée, comme l'ont été ses deux meilleurs amis, Jake et Dave, qui combattent en ce moment sur le front français. C'est un dur renoncement pour ce jeune-homme, dont la mère est morte en le mettant au monde et que son père, un voleur, a abandonné pour leur plus grande joie à ses grands-parents maternels : sa grand-mère l'a entouré de tendresse, tandis que son grand-père, mort récemment, lui a transmis un puissant sens du devoir : Il doit être un homme fort, qui sait maîtriser ses émotions, faire fonctionner son cerveau tout autant que ses bras et ses jambes et ainsi ne permettre à personne de le diffamer en le traitant de gringalet ou de poule mouillée de juif.
En ce début d'été, Cantor est heureux : il exerce le métier qui lui plaît, il retrouvera bientôt sa presque fiancée, Marcia, une jeune professeure, animatrice durant l'été dans un camps de vacances en montagne. Il se sait apprécié de tous.
Mais, dans le quartier italien de la ville, un premier cas de
poliomyélite vient d'être enregistré et la vie de tous va bientôt en être bouleversée.
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Poumons d'acier. Etats-Unis. Années 50 |
Racontée près de trente ans plus tard, par l'un des jeunes garçons qui fréquentaient le terrain de jeux, cette histoire est aussi simple que poignante. Ce qui rend cette lecture profondément touchante, c'est le sentiment que l'on acquiert très vite, qu'une catastrophe se prépare, que nombreux sont ceux qui ne pourront s'y soustraire : enfants enlevés en quelques heures, parents pétrifiés ou qui perdent toute mesure devant ces pertes inimaginables, jeunes adolescents dont on sait, lorsqu' ils en réchappent, que leur vie en sera cependant définitivement transformée, comme le sera celle de Cantor.
Tout au long du roman,
Némésis est présente : peut-on échapper à son destin, en quoi sommes-nous responsables du notre et de celui des autres, quel est ce dieu capable de produire de telles
horreurs ?
Pourtant, la vie belle et simple continue aussi : personnages positifs, comme celui du père de Marcia ou celui du narrateur, enfants pleins de vie ouverts à toutes les joies que celle-ci peut leur offrir, amour partagé.
Ce
très beau et touchant livre sur le
destin - celui qui nous est
imposé, celui que nous nous
imposons- fait découvrir un
Philip Roth bien différent du "père" de
Zuckerman, dont
Tania nous a parlé récemment dans
cet article, les précédents et les suivants.
Je me permets de conseiller vivement ce texte à tous les "grands coupables", victimes de leur sens du devoir exacerbé, qui sans s'en rendre compte et pour leur plus grand mal, ajoutent de la douleur à la douleur.
Une peu modeste façon pour moi, sans doute, de vouloir infléchir leur vie en espérant ainsi les aider à échapper à
un avenir inutilement funeste.
A moins que...
C'est le 12 avril 1955, que le professeur JONAS SALK (1914-1995), a annoncé, que le vaccin qu'il avait mis au point avec son équipe, agissait, libérant ainsi des millions de familles à travers le monde, de la terrible peur que cette maladie, inspirait.