C'est sous ce titre que le musée de Grenoble présentait du 17 mars au 17 juin dernier, cent-quinze feuilles du XIXème siècle, tirées de son fonds de dessins anciens.
De grands noms : Delacroix et Gauguin bien sûr mais aussi, Corot, Fantin-Latour, Puvis de Chavannes, ainsi que de nombreux autres artistes moins connus, mais qui témoignent tout aussi bien, de l'éclectisme des mouvements artistiques de ce siècle - Romantisme, Réalisme, Impressionnisme, Symbolisme- comme de son goût des voyages dans le temps - Moyen-Age, Renaissance - et l'espace : l'Orient visité ou rêvé, l'Italie, Tahiti, et même beaucoup plus simplement, la France dont on veut immortaliser le patrimoine le plus modeste, comme les figures pittoresques.
Si vous n'êtes pas rebutés par la mauvaise qualité de mes photos, je vous propose donc d'admirer quelques-unes de ces oeuvres.
Commençons par la France et son histoire très revisitée avec ce dessin de
Pierre-Charles Comte (1823-1895), qui, s'inspirant d'une nouvelle d
'Abel Hugo, frère de
Victor, nous présente
la naissance d'Henri de Navarre au château de Pau.
A droite son grand-père s'apprête à baptiser le nourrisson dans la religion catholique, au vin de Jurançon. Ceci explique peut-être la joyeuse nature de notre bon roi
Henri IV !
J'ai été un peu étonnée par ce baptême catholique, mais en effet,
Henri de Navarre s'est converti au protestantisme plus tard, l'abjurant ensuite à deux reprises, au moment de la Saint-Barthélémy tout d'abord, puis, une fois reconverti au protestantisme, pour devenir roi de France.
L'Histoire, ces artistes la cherche aussi dans les paysages qui les entourent et dont ils veulent souligner la beauté menacée, donnant du pays une image romantique très appréciée.
Ainsi en est-il de ses
"Massifs d'arbres laissant voir un château sur les collines "de
Jean-Baptiste Corot (1796-1875) où l'utilisation estompée du fusain, donne au paysage en clair-obscur, une atmosphère de conte.
L' "Eglise de Fleury"de Hubert Clerget (1818-1889), dessinateur et lithographe, auteur de plusieurs planches illustrant l'ouvrage de L.L. Buron, "Vieilles églises de France", qui comme bon nombre d'autres artistes, trouve dans le développement des guides de voyages, un débouché lucratif pour ses dessins, offre au contraire une vision plus réaliste, mieux adaptée à ces volumes.
De la même façon mais dans un style différent, François Victor Sabatier (1823-1891), architecte diocésain de Nice puis de Fréjus, nous propose dans ce dessin de "La porte de la Reine" à Aigues-Mortes, une vision tout à la fois précise et intemporelle de ces deux tours du XIIIe siècle.
Rien ne bouge autour, elles sont juste là.
Le présent, et même
l'instant c'est, à l'inverse ce que veut saisir
Johan Barthold Jongkind (1819-1891) dans cette aquarelle de
"l'Isère à Grenoble". En quelques gestes rapides, il réussit à évoquer à la fois le vaste panorama du quai qui trente-deux ans plus tard portera son nom, et l'atmosphère entre pluie et soleil de ce bord de rivière.
Ce que les impressionnistes traduiront bientôt en peinture,
Jongkind comme d'autres, l'ont déjà saisi sur leurs carnets à dessin, s'affirmant ainsi en véritables précurseurs.
Déjà, cinquante-ans plus tôt,
Eugène Delacroix (1798-1863) s'était servi de ces mêmes carnets si faciles à transporter, pour fixer ces instantanés baptisés
"Figures algériennes", pris dans les rues d'Oran et d'Alger, qui lui permettaient de garder trace d'un personnage comme
"le petit juif d'Oran" (en bas au centre), d'une attitude ou du détail d'une babouche.
Loin des bords de l'Isère c'est l'aquarelle encore, qui donne à
Ernest Constant Simon (1845-1895), qui se définit bien joliment lui-même comme
"aquarelliste de voyage", la possibilité de conserver cette vue d'un
Assouan aujourd'hui transformé.
Bien que très nombreux, les paysages et croquis de voyages ne sont pas les seuls témoignages de cette période.
La
figure humaine y a aussi toute sa place dans des
dessins, qui sont une oeuvre en elle-même comme ce beau
"Portrait de Marie-Joséphine Achard", par
François Louis Français (1814-1897),
ou dans des croquis préparatoires à une oeuvre peinte de beaucoup plus grande envergure, qui nous permettent de suivre le processus créatif de chacun.
C'est le cas de cette
"Etude de draperie" (vers 1820), version la plus aboutie des dix-neuf esquisses et études que le jeune
Delacroix a produites avant de peindre la figure de la Vierge dans le tableau
"La Vierge du Sacré-Coeur", dont
Géricault lui avait confié la réalisation.
De même cette belle sanguine avec rehauts de craie blanche, du peintre Alexandre Laemlein (1813-1871), ne constitue qu'une première étape du travail de son auteur.
Cette image esquissée d'après un modèle vivant, une fois dotée d'une robe et d'ailes, deviendra un ange (beaucoup moins beau selon moi !), dans le tableau intitulé "L'Echelle de Jacob".
Quant à
"L'enfant endormi" (vers 1879) de
Puvis de Chavannes (1824-1898), si vrai et dodu, il semble perdre toute matérialité, dans la composition mystique du
"Pauvre pêcheur".
Enfin parmi toutes ces visages humains comment oublier ce
"Néophyte" de
Gustave Doré (1832-1883), inspiré du
Spiridion de George Sand, montrant le
frère Angel, dont on partage l'effroi, égaré qu'il est au milieu des figures de cauchemar que constituent les moines séniles qui l'entourent ?
Pour terminer, attardons-nous enfin sur ces deux beaux dessins de
Gauguin, dont le trait, comme les couleurs et les sujets
tranchent au milieu des autres oeuvres.
Le premier,
"Paraha", seul feuillet conservé d'un cahier intitulé :
"Chez les Maories, Sauvageries", représente contrairement à ce qu'indique son titre, un poisson papillon appelé également Chétodon raton-laveur. Incroyablement présent, on croirait le voir nager parmi les vaguelettes des lignes écrites.
Enfin, cette
jeune et gracieuse maorie dessinée vers 1892, lors de son premier séjour à Tahiti, est l'une des plus anciennes représentations de l'
"Eve tahitienne", non pas tentée par une pomme, mais par les paroles que lui glisse à l'oreille un mystérieux lézard ailé (en haut à gauche).
Peut-être est-elle l'incarnation
du rêve de Gauguin (et de certains autres ?) : retourner aux sources primitives d'une humanité déjà corrompue par une
modernité trop envahissante.
Merci aux rédactrices et rédacteurs des commentaires qui accompagnaient chacune des oeuvres. Ils m'ont permis de mieux les comprendre et ont fourni matière à une grande partie de ce texte.