Sous titre : Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne
Auteure : Justine Augier
Editions : Actes Sud. 2017. 315 pages.
Il y a des livres difficiles à lire, parce que les faits qu'ils relatent sont si terribles, qu'on du mal à les affronter, mais je pense qu il le faut.
"De l'ardeur" de Justine Augier, me semble faire partie de ceux-là.
Ce livre qualifié par l'éditeur de "récit d'une enquête et d'une obsession intime", m'a passionnée et bien souvent bouleversée.
Mais je dois avouer que mon attention s'est beaucoup plus tournée vers l'héroïne bien involontaire de cette histoire et sur le "crime permanent" qu'est devenue la Syrie, que sur les questionnements personnels de l'auteure.
L'héroïne, qui justement ne voulait pas en être une et qui pourtant est devenue une icône de la résistance syrienne, Razan ZAITOUNEH, est une jeune avocate syrienne, née en 1977, une militante absolue des droits de l'homme, qui a choisi de consacrer sa vie à lutter contre la dictature et pour la dignité et la liberté de tous.
Inspiratrice et co-fondatrice des "comités révolutionnaires de coordination locaux, réseau actif dans la mobilisation et la couverture médiatique des manifestations révolutionnaires"*, fondatrice avec d'autres militants du "Violation Documentation Center" (VDC) qui documente les crimes commis par tous les belligérants, régime Al- HASSAD en tête, elle n'hésite pas non plus à mettre en place avec ses amis les "Local development small projects supports" et à participer concrètement aux actions de terrain ainsi soutenues, comme balayer les rues après les bombardements, pour dire que la vie doit continuer et l'espoir malgré tout perdurer.
Razan ZAITOUNEH donc, dans son jean et son T-shirt, cigarette à la bouche, travailleuse infatigable, ayant définitivement répondu "Non" à l'idée de quitter son pays, qui enquête auprès de tous, familles de disparus toutes tendances confondues, prisonniers torturés, enfermés sans avoir été jugés, relâchés des mois, des années après, sans que rien de ce qu'ils ont vécu ne leur soit jamais justifié, qui ne renonce jamais, qui publie sans relâche textes et vidéos, qui ne plie pas devant les services plus ou moins secrets qui l'assaillent, qui reconnaît être gênée par les récompenses qu'elle reçoit, notamment en 2011 (prix Anna Politovskaïa et Sakharov), "parce qu'il vaut mieux ne pas être sollicitée trop souvent et ne pas se disperser", Razan ZAITOIUNEH jugée aussi souvent "peu sympathique" qu' amie exemplaire, amoureuse des chats, d'un calme, d'un courage, d'une détermination sans failles.
Razan Zaitouneh à quelques jours de son enlèvement |
Réfugiée à Douma, banlieue de Damas contrôlée par les groupes armés de l'opposition syrienne, elle est enlevée le 9 décembre 2013, avec trois autres militants, Waël HAMADA son mari, Samira KHALIL et Nazem el-HAM, dans l'appartement où ils se terraient en continuant leur mission.
lls n'ont, bien sûr, jamais été retrouvés.
Beaucoup pense que les responsables de cet enlèvement sont probablement des membres de "l'armée de l'Islam", de Zahran Alloush, un des groupes salafistes opposants au régime, d'autres beaucoup moins nombreux des suppôts de celui-ci.
Mon commentaire n'est pas, en fait, un compte-rendu ou une critique de ce livre, je m'en excuse auprès de l'auteure.
pour gagner une liberté qu'ils risquent de devoir attendre bien longtemps encore,
pour témoigner des horreurs qui se sont passées et se passent encore dans leurs pays aujourd'hui pratiquement détruit (l'article d'Annick Cojean, "En Syrie, le viol était le maître mot", paru dans "Le Monde" de mercredi 6 décembre en est encore un accablant témoignage),
dans l'espoir qu'on les entende, qu'on les appuie, et que justice soit enfin rendue.
Chacun appréciera comment ils ont été écoutés par les leurs et de quelle manière nous avons répondu à leurs attentes.
* Ziad Majed "L'Orient le Jour"
Je l'ai noté à sa sortie, j'ai l'intention de le lire. On parle trop de ces problèmes à coup de statistiques et de chiffres globaux. C'est des individus dont il faut nous parler et de ce qu'ils vivent.
RépondreSupprimerEt ce qu'ils vivent est terrible. J'ai du mal à te dire "bonne lecture", car ce n'est pas une lecture facile, mais tu en sortiras certainement enrichie, sachant que de telles personnes existes.
Supprimerje l'ai noté aussi et je le lirai certainement
RépondreSupprimertu fais comme un écho au billet chez Keisha
Je vais le lire tout de suite car ce n'est pas une lecture dont il est facile de rendre compte.
SupprimerBien que les états d'âme de l'auteur (il n'y a aucune ironie dans ce propos, mais je ne sais pas comment le nommer autrement) m'aient gênés , je trouve que c'est un livre à lire pour connaître le sens exact des mots engagement et courage.
Je l'ai noté, je n'ai pas encore osé... Peut-être aussi ce qui me gêne, c'est cette présence de l'auteur que tu soulignes, pourtant c'est tout à son honneur de mettre ainsi en lumière ces militants actifs si courageux. Quel titre, c'est lui qui m'a accroché avant que je ne connaisse le sujet. Il semble bien choisi !
RépondreSupprimerLa présence de l'auteur, n'est pas envahissante et ce livre en effet permettra à beaucoup de découvrir ou mieux comprendre cette tragédie. En effet il faut en remercier l'auteure d'autant plus que l'on ne sort pas indemne d'une telle démarche.
RépondreSupprimerJe ne sais pas bien exprimer ma gêne : en fait, je crois que le destin de Razan Zaitouneh, dans sa radicalité, se suffisait à lui-même. Devant tant de courage, j'aurais préféré l'effacement . Mais ce n'est qu'un sentiment personnel ou peut-être une mauvaise lecture de ce livre. Le titre en effet est superbe et c'est lui qui a aiguisé mon intérêt au premier regard.
Je ne connaissais pas du tout ce livre et il m'intéresse beaucoup. Comme Aifelle, c'est l'humain, ici dans des situations extrêmes, qui toujours m'attache à des livres.
RépondreSupprimerMerci Annie, bon dimanche!
Je pense que ce livre te passionnera, je n'ose pas dire te plaira, car le sujet est bien lourd ! On reste marqué par les extrémités du courage dont certains font preuve et hélas aussi des horreurs que d'autres sont capables de commettre. Avec cette question qui reste toujours en moi lors de telles lectures "et moi que serai-je capable de faire dans de telles situations ? jusqu'où irai mon courage ? "Bon dimanche à toi, aussi, Colo.
RépondreSupprimerJ'ignore le lien entre Justine Augier et cette avocate, je vais aller lire le billet de Keisha. Tu as raison de souligner que ce qui compte, ce sont les personnes, et non les images ni les statistiques. Bon dimanche, Annie.
RépondreSupprimerEn fait il n'y a pas de lien, sinon celui de l'admiration et peut-être le regret de ne pas avoir suivi un tel parcours (?). Par contre, l'enquête a créé un lien, celui qui nous lie à un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé, à un héros dont nous admirons totalement les qualités, à un personnage de roman ou de série, qui nous touche profondément.
SupprimerBonne fin de journée, Tania.
Je suis comme toi. J'admire de genre d'héroïsme qui n'est pas à la recherche de célébrité mais correspond à un engagement profond, courageux et sincère; mais chaque fois je me demande ce que j'aurais été capable de faire dans une situation pareille. Je note ce titre.
RépondreSupprimerAlors lis ce livre. C'est absolument ce que j'ai ressenti tout au long de cette lecture. Une très grande admiration pour Razan Zaitouneh et beaucoup d'interrogations ensuite sur ce que j'aurais été capable de faire. C'est également un rappel salutaire sur ce qui se passe chez nous et que nous laissons faire peu ou prou.
RépondreSupprimerJe serai parmi les lecteurs révoltés de cet essai primé. Avec admiration pour ce courage et cette énergie bouleversante.
RépondreSupprimerJe lis sur Telerama "beau livre, fragile et scrupuleux,..." de Justine Augier.
J'aime bien le commentaire de Télérama ! Il faudra que je relise ce livre avec plus d'ouverture d'esprit pour pouvoir en apprécier les subtilités. J'ai vraiment été happée par la vie de Razan Zaitouneh et par ce qui est dit de la Syrie et d'une certaine façon j'ai ignoré le reste. Bonne lecture !
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