Titre original : "Etty. De nagelaten geschriften van Etty Hillesum, 1941-1943"
Auteure : ETTY HILLESUM
Traducteur : Philippe NOBLE avec la collaboration d'Isabelle ROSSELIN
Editions : Opus seuil- 2008-1065 pages
Deux années seulement et tant de choses vécues et écrites.
Deux années seulement, pour transformer une jeune-femme "vive, intelligente, sensuelle et passionnée" en un témoin agissant de la condition humaine dans ce qu'elle peut avoir de plus extrême.
Deux années seulement, pour incarner une forme de résistance "que nul oppresseur est de taille à écraser".
Deux années seulement, pour remplir les onze cahiers qui constituent son journal et écrire des dizaines de lettres, puis monter dans le train, le 7 septembre 1943, qui la conduira, yeux grands ouverts, du camp de Westerbork, jusqu'à celui d'Auschwitz où elle mourra le 10 septembre 1943, avec presque toute sa famille, comme" des millions d'autres innocents".
C'est à ces voyages que ce journal et ces lettres nous invitent.
Elle a entamé le premier le 8 mars 1941 pour suivre les conseils d'un "curieux thérapeute" qu'elle vient de rencontrer . Elle a vingt-sept ans, vit à Amsterdam dans un "petit cercle intellectuel et bohème" et semble "promise à toutes les réussites et tous les bonheurs", malgré qu'elle soit juive et qu'elle souffre de manière répétée de dépressions brèves mais intenses.
Elle sait probablement qu'elle s'engage dans une aventure, mais ignore, sans doute, à quel point celle-ci sera intense : "intellectuelle, amoureuse et spirituelle".
Car Etty Hillesum veut se connaître, se maîtriser et progresser. Elle veut "clarifier" ses humeurs nombreuses, violentes, contrastées "pour parvenir à les contrôler et à les discipliner", de peur qu'elles ne l'envahissent. Elle s'appuie sur ce journal pour vivre sa vie comme elle entend le faire, sachant que pour avancer il lui faut "sans cesse se recueillir en [elle]-même, toujours [s]e recueillir en [elle]-même".
Elle sait probablement qu'elle s'engage dans une aventure, mais ignore, sans doute, à quel point celle-ci sera intense : "intellectuelle, amoureuse et spirituelle".
Car Etty Hillesum veut se connaître, se maîtriser et progresser. Elle veut "clarifier" ses humeurs nombreuses, violentes, contrastées "pour parvenir à les contrôler et à les discipliner", de peur qu'elles ne l'envahissent. Elle s'appuie sur ce journal pour vivre sa vie comme elle entend le faire, sachant que pour avancer il lui faut "sans cesse se recueillir en [elle]-même, toujours [s]e recueillir en [elle]-même".
La lutte est souvent féroce, pour ne pas se laisser aller à la facilité dans aucun domaine : elle veut devenir écrivain c'est sur Rilke et Dostoïevski qu'elle s'appuie, elle sent que l'éparpillement est proche, elle respecte à la lettre sa discipline de vie et de travail, elle se sait terriblement amoureuse d'un homme ambigu qui ne se dit pas libre, elle avance sur une corde raide entre révolte et respect d'une décision affichée, elle aime la vie de toute son âme, elle surmonte les limitations et les souffrances que lui impose l'inflexible montée des mesures anti-juives. Elle est portée par son intelligence, par son courage, par sa compréhension des autres, par sa volonté farouche de ne pas céder à la haine, par sa foi en Dieu.
C'est bien sûr la même personne que l'on retrouve dans ses lettres : toutes celles qui ont été retrouvées du temps de sa vie à Amsterdam, mais aussi celles envoyées du camp de Westerbork où elle assure à partir de juillet 1942, un travail d'"assistance sociale aux personnes en transit", entendez : personnes enfermées en attendant d'être envoyées à Auschwitz. Elles ne le savent pas toujours, mais Etty Hilleseum elle, sait, comme elle sait aussi qu'un jour elle montera dans l'un de ces trains où elle accompagne pour l'instant ceux qui doivent partir.
C'est un témoignage exceptionnel qu'elle délivre, un de ceux qu'on ne peut oublier, parce que si elle parle d'Histoire, elle le fait en parlant de vies humaines minuscules, fragiles, si précieuses :
"Dans la buanderie, une petite bonne femme tient dans ses bras un baquet de linge encore dégoulinant. Elle m'agrippe au passage. Elle a l'air un peu égarée. Elle déverse sur moi un flot de paroles : "C'est impossible, comment est-ce possible ? Je dois partir, et mon linge ne sera jamais sec pour demain. Et mon enfant est malade, il a de la fièvre ; vous ne pouvez pas obtenir que je reste ici ? je n'ai même pas assez d'habits pour le petit, ils m'ont envoyé sa petite grenouillère au lieu de la grande. Oh! il y a de quoi devenir folle. Et dire qu'on ne peut emporter qu'une couverture, on va geler, hein, qu'est-ce que vous croyez?"
Comment résumer en quelques lignes un tel livre ? J'ai presque honte de l'avoir fait ainsi : tant de pages à lire et relire, tant de propos qui peuvent nous accompagner toute une vie.
"Cette peur de ne pas tout avoir dans la vie, c'est elle justement qui nous fait tout manquer. Elle nous empêche d'atteindre l'essentiel."
"Tous les jours je suis auprès des affamés, des persécutés et des mourants, mais je suis aussi près du jasmin et de ce pan de ciel bleu derrière ma fenêtre, il y a place pour tout dans une vie."
"Les gens ne veulent pas l'admettre : un moment vient où on ne peut plus agir et il faut se contenter d'être et d'accepter."
Les écrits et les lettres d'Etty Hillesum sont d'abord parus en 1981 et 1982 dans deux ouvrages qui regroupent des extraits du journal -"Une vie bouleversée"-, et une sélection de lettres "Lettres de Westerbork".
On les trouve toujours aujourd'hui, présentés en un seul livre, aux éditions du Seuil (collection points).
C'est une bonne manière de découvrir Etty Hillesum.
La version intégrale présentée ici est bien entendu encore plus riche. En outre un gros appareil de notes éclaire la lecture de manière passionnante : on y retrouve chaque personne citée, chaque évènement décrit. Un index permet en outre de retrouver chacun, quand le besoin s'en fait sentir.
"Les gens ne veulent pas l'admettre : un moment vient où on ne peut plus agir et il faut se contenter d'être et d'accepter."
Les écrits et les lettres d'Etty Hillesum sont d'abord parus en 1981 et 1982 dans deux ouvrages qui regroupent des extraits du journal -"Une vie bouleversée"-, et une sélection de lettres "Lettres de Westerbork".
On les trouve toujours aujourd'hui, présentés en un seul livre, aux éditions du Seuil (collection points).
C'est une bonne manière de découvrir Etty Hillesum.
La version intégrale présentée ici est bien entendu encore plus riche. En outre un gros appareil de notes éclaire la lecture de manière passionnante : on y retrouve chaque personne citée, chaque évènement décrit. Un index permet en outre de retrouver chacun, quand le besoin s'en fait sentir.
Such a sad chapter in history Annie. It breaks my heart. And yes, it feels inadequate to say anything at all.
RépondreSupprimerThis book is full of love and courage !
SupprimerThis does sound like a good way to discover Etty Hillesum, Annie. Very nice presentation today.
RépondreSupprimerThanks Suko ! If you didn't read it, take the time to do it : a wonderful experience.
SupprimerElle fait partie de ces noms importants de femme. je la lirai un jour. En attendant, j'ai pu faire sa connaissance de manière plus approfondie grâce à toi. Nous sommes une chaîne importante dont chaque maillon est important.
RépondreSupprimerN'hésite pas Anis, car c'est vraiment une belle expérience qui marque pour longtemps comme le dit si bien "bonheur du jour", juste après toi.
SupprimerEtty Hillsum est pour moi un des grands penseurs de notre monde et elle est un des piliers de ma vie. La lecture de ses livres, il y a très (très) longtemps a été une étape fondamentale qui m'a permis de poursuivre ma route, la vraie, non pas celle que je pensais devoir suivre, mais celle qui me permettait d'être vraiment moi-même. Je lui en suis très reconnaissante.
RépondreSupprimerBon dimanche.
Je suis tout à fait d'accord avec toi : c'est un livre à lire et relire, un véritable compagnon à tous les stades de la vie.
RépondreSupprimerMerci de l'avoir si bien dit.