Auteur : Dinaw MENGESTU
Traductrice : Anne WICKE
Editions : Albin Michel 2007 -"Le livre de poche" n°31523- 281 pages
Nous les rencontrons tous les jours au coeur de nos villes, grandes et même petites. Ils ont des papiers ou n'en n'ont pas : ce sont les exilés.
Kenneth est (ou faut-il dire "était") kenyan, Joseph, congolais et Stepha, qui est aussi le narrateur éthiopien.
Ils ont la trentaine ou un peu plus et vivent depuis plus de dix ans à Washington, où ils tentent ou ont tenté de reconstruire leur vie. Ils ne sont pas à la rue et travaillent. Le premier est devenu ingénieur, le second serveur dans un restaurant chic, Stépha, lui a ouvert une petite épicerie à Logan Circle, dans un quartier décrépi, mais pas pour longtemps, coincé qu'il est entre la Maison Blanche et Georgetown où vivent discrètement les puissants.
Lorsqu'ils se retrouvent le jeudi, ils se donnent de grandes tapes sur le dos, ils rient, ils boivent aussi plus ou moins. Surtout ils jouent à leur jeu favori : trouver la date, le lieu, le nom des protagonistes d'un coup d'Etat en Afrique. Ils en trouvent toujours un nouveau.
Et, "inévitablement, de manière prévisible", leurs conversations trouvent "le chemin du pays".
Car ils ne vont pas aussi bien qu'ils veulent en avoir l'air, quand ils le peuvent encore. Stépha le premier, qui a de plus en plus de mal à soulever le poids de son passé.
Comment vivre bien quand on ne se rappelle plus "où se trouve la cicatrice sur le visage" de son père, quand on ne pourrait plus "le distinguer au milieu des autres vieillards", quand on a compris qu'on ne reverrait plus jamais sa famille et son pays.
Mais la nature humaine est ainsi faite. Il suffit de peu de chose pour lui redonner espoir.
Dante, sortant de l'Enfer, lui-même l'a écrit :
"Par un pertuis rond je vis apparaître
Les belles choses que portent le ciel.
Nous avançâmes, et une fois encore, vîmes les étoiles."
Pour Stépha, c'est la rénovation d'une maison voisine et l'arrivée de Judith, la propriétaire et de Naomi sa fille de onze ans.
Ils vont s'approcher, partager un ou deux repas et la lecture des "Frères Karamazov", presque se trouver.
J'ai beaucoup aimé ce livre aussi violent dans les faits que doux dans l' écriture.
En ces périodes de déclarations tonitruantes, il nous rappelle qu'on quitte rarement tout ce qui faisait sa vie par plaisir, que la volonté n'est pas suffisante pour se trouver à l'aise à l'autre bout du monde, que l' étranger n'est qu'un autre nous-même, un être humain.
Je trouve que c'est beaucoup.
Il est dans ma PAL ! je vais lui faire remonter quelques places :-)
RépondreSupprimerJ'en suis heureuse ! Bonne lecture !
SupprimerL'étranger c'est ainsi l'autre moi-même, semblable et différent. C'est l'humanisme..
RépondreSupprimerSi tout le monde pouvait penser ainsi....
RépondreSupprimerIt sounds a lovely and uplifting book. Sometimes that is just what I need!
RépondreSupprimerRead it, Sallie. It's a beautiful book !
SupprimerJ'ai lu tout récemment "Opium Poppy" de Hubert Haddad qui raconte l'histoire tragique d'un enfant de la guerre en Afghanistan. Ces enfants-là n'ont même pas la chance de s'intégrer à l'étranger, faute de repères, toujours en guerre dans la tête. Une autre réalité de l'immigration.
RépondreSupprimerOui, on ignore complètement tout cela. Cela me rappelle malheureusement aussi le destin des enfants soldats.
RépondreSupprimerQuel titre magnifique !
RépondreSupprimerOui, nous ne nous rendons pas compte de la vie des exilés, ce sont des tragédies pour beaucoup d'entre eux, et quand les politiques y vont de leurs discours dénués de toute humanité, c'est terrifiant ! Gardons en nous une lumineuse espérance, il le faut. Belle soirée. brigitte