"THE PLAGUE OF DOVES" - 2008 -
Auteure : Louise ERDRICH
Traductrice : Isabelle REINHAREZ
Editions : Albin Michel/ Le livre de poche n°32488 2010 - 470 pages-
Quatre voix pour un récit ou plutôt une multitude de récits entre hier et aujourd'hui, qui prennent racine dans le Dakota du Nord, au fin fond des Etats-Unis, dans une petite ville, Pluto, construite, comme de nombreuses bourgades le furent, par pur esprit spéculatif, dans l'espoir qu'elles deviennent grandes, "quand le chemin de fer parviendrait dans cette partie du monde".
Pour les blancs il s'agit juste d'immenses terrains au milieu de nulle part, mais pour les indiens qui en ont été chassés pour être rassemblés dans une réserve, il s'agit de leur terre, dont la perte restera "logée en eux pour toujours".
Les années ont passé donc, la bourgade n'est pas devenue grande. Indiens et blancs se sont mêlés et leur histoire s'est tissée peu à peu comme une toile d'araignée, autour d'un double drame : le massacre de toute une famille de fermiers blancs suivi de la pendaison, par d'autres fermiers blancs, de cinq indiens innocents.
Curieusement, deux personnes ont réchappé de ces infamies : un bébé de quelques mois et un indien, dont, curieusement, "il n'était pas question qu'ils le pendent jusqu'à ce que mort s'ensuive".
Curieusement, deux personnes ont réchappé de ces infamies : un bébé de quelques mois et un indien, dont, curieusement, "il n'était pas question qu'ils le pendent jusqu'à ce que mort s'ensuive".
Aujourd'hui tous les protagonistes de ces évènements sont tous plus ou moins attachés par les liens du sang et ont tellement mélangé "dans la source de leur existence culpabilité et victime" qu'"on ne peut démêler la corde".
Pourtant la corde sera démêlée, chacun des quatre narrateurs suivant un tronçon du fil, renouant les morceaux qui s'étaient dispersés, mettant au jour ce qu'ils savaient, en fait, depuis longtemps.
Et la boucle sera bouclée, les deux acteurs de la terrifiante page d'ouverture se retrouvant dans un rapport inversé, quelques lignes avant que le récit ne se referme.
Pourtant ce livre n'est pas un roman policier et si cette intrigue est au coeur de l'histoire, c'est de bien autre chose aussi que l'on parle ici.
Nous sommes chez les perdants, si l'on veut entendre par ce mot, ceux que la réussite sociale a oublié quelle que soit leur origine : les indiens ont perdu leur terre, les blancs leurs illusions, il n'y a d'ailleurs plus vraiment d'indiens ni de blancs, la ville va bientôt disparaître, les jeunes sont partis ou le feront, pour ceux qui restent, "la vie à présent [c'est]le châle et la radio."
Mais ses perdants ont été bien riches, de leurs espoirs, de leurs talents. Leur bonté, leur compassion ont su toucher au coeur quelques uns, en perdition. Leur volonté de vivre les a poussé parfois bien loin, mais le monde n'est pas tendre, même s'il peut être drôle !
Ils ont ainsi trouvé la liberté "pas seulement dans la fuite, mais dans le coeur, l'esprit, les mains".
Un roman complexe et superbe inscrit, pour ne rien gâcher dans ces grands espaces dont l'auteure sait si bien rendre l'atmosphère :
"Alors que le soleil se couchait, la lumière filtra à travers la fumée et donna à l'air autour de nous et loin à l'ouest une teinte d'or orangé. Un rayonnement étrange et troublant gagna peu à peu le flanc des arbres et des maisons. Mooshum et moi regardâmes ce spectacle jusqu'à ce que la lumière commence à décliner. L'air devint frisquet et bleu. il faisait très froid mais nous restâmes tout de même jusqu'à ce que l'obscurité se frange de brun et que Maman vienne à la porte.
"Rentrez à la maison, vous deux", dit-elle d'une voix douce."
Merci à Anis de m'avoir fait découvrir cette auteure !
J'aime toujours beaucoup les romans à plusieurs voix, cette volonté d'un écrivain d'aborder une réalité de plusieurs côtés à la fois. Exercice fort compliqué qui semble très réussi!
RépondreSupprimerTrouver la liberté....
J'ai relu avec délice l'été dernier le "Quatuor d'Alexandrie"de Lawrence Durrell, tu m'y as fait penser.
Bonne journée et merci Annie.
Merci, Colo ! C'est un très beau livre qui m'a donné envie de poursuivre avec cette auteure. Je le fais moins à présent, peut-être pour ne pas ennuyer mes gentils lecteurs, mais d'habitude, quand un livre me plaît, je lis à la suite toute son oeuvre. J'ai donc de quoi faire. Merci pour cette référence au "Quatuor d'Alexandrie"... que je n'ai toujours pas lu. Un rappel salutaire ?
SupprimerJe suis friand des romans (ou des films) à voix multiples qui se croisent. Vous en faites un excellent compte-rendu qui me donne envie de m'y plonger. Je le note, je trouve l'extrait proposé très cinématographique.
RépondreSupprimerN'hésitez pas ! Vous avez tout à fait raison, c'est un livre très cinématographique. Je voulais le signaler dans mon article et ai oublié de le faire. On imagine très bien ce que l'auteur décrit, c'est un garnd plaisir.
SupprimerQuand j'ouvre un livre, les mots, le style me disent de suite si je vais m'y plonger ou le refermer. Les quelques lignes que tu transcris à la fin de ton article m'enchantent...
RépondreSupprimerSylvie
J'en suis heureuse ! Tu n'as plus à présent qu'à te plonger dans le livre ou un autre de la même auteure ! Je fonctionne souvent ainsi, me faiant aux premières lignes du premier chapitre. Cela fonctionne en général très bien !
SupprimerA première vue, un peu le même univers que dans "Canada" de Richard Ford. Je note ce titre d'une romancière que je n'ai jamais lue encore.
RépondreSupprimerJe ne l'ai pas lu donc ne peux pas comparer. Louise Erdrich est née dans le Dakote et vit dans l'état voisin du Minnesota. C'est là que la plupart de ses livres se déroulent. Comme les personnages de ce roman elle est d'origine européenne et amérindienne. Elle consacre une partie du bénéfice de ses livres à une librairie maison d'édition qui publie en langue ojibwé. C'est dire si elle connaît son sujet ...
SupprimerLouise Erdrich is one of my favorite authors -- I have read all her books. I am happy that you loved this book. (And happy that, for once, I have already read something that you recommend)! She is an author who really understands and knows the people in that part of the country (where I believe she still lives). After reading her books, I understand more about them as well!
RépondreSupprimerI'm happy to know you love her ! She writes so beautiful books ! A few days ago we saw the sculpure of the indian chief on the TV. I was very proud to say I knew him to my husband. Thanks to you !
SupprimerJ'ai beaucoup aimé ce roman, comme plusieurs autres de l'auteur d'ailleurs et le dernier m'attend sagement dans ma PAL.
RépondreSupprimerJ'ai bien l'intention de m'attaquer aux autres, car j'ai tout aimé dans ce livre. J'ai fini "La transendante" dont je parleri en janvier. Je me suis régalée à l'évocation de ces écrivains et de ces lieux. Encore merci !
Supprimerje l'ai croisé plusieurs fois cette auteure sur les blogs, il faut que je me décide à la lire
RépondreSupprimerN'hésite pas Dominique ! C'est un grand écrivain qui parle de beaux lieux et de gens attachants... et oubliés.
RépondreSupprimerJe suis vraiment heureuse de t'avoir donné envie de la lire.
RépondreSupprimerJe pense que je ne m'arrêterai pas à ce premier titre. Le second est d'ailleurs déjà acheté !
SupprimerJe n'ai rien lu d'elle mais je le note...
RépondreSupprimerC'est une très belle découverte !
SupprimerBonjour Annie, ce roman est dans ma "PAL", j'espère qu'il me plaira autant qu'à toi. Je n'ai encore rien lu de cet écrivain. Bonne pause et bonnes fêtes de fin d'année.
RépondreSupprimerIl faut passer aux actes car c'est très beau ! Très bonnes fêtes de fin d'année à toi aussi Dasola, et à bientôt !
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