Auteur : Jacques SEMELIN
Editions : du Seuil - Les Arènes - 2013 - 901 pages
Il a fallu certainement un grand courage à Jacques SEMELIN, qui a consacré "l'essentiel de [sa] vie de chercheur à l'étude de la résistance et du génocide, à l'échelle internationale", pour entreprendre une telle recherche, qui porte "sur un terrain miné tant cette question est sensible dans les mémoires" et l'on comprend que le soutien de Simone VEIL (for Sallie and Suko) l'ait aidé à franchir ce pas.
Car au départ de son travail il y a un constat résumé sous forme d'un calcul et d'une question glaçants :
Sur les 330 000 juifs vivant en France en 1940, 80 000, soit 25 % d'entre eux, ont été tués, pour la plupart à Auschwitz, alors, "comment a-t-il été possible que trois-quarts d'entre eux aient échappé à la mort ?"
Cette "énigme française" est donc au coeur de cet ouvrage complexe, dont la rigueur est soutenue par la clarté du propos et l'humanité des témoignages qui fondent les analyses et illustrent parfaitement la multiplicité des facteurs "emboîtés les uns dans les autres", qui éclairent cette situation, faisant de la France, "à considérer les Etats qui ont été militairement occupés par Berlin depuis 1940", "le pays où le pourcentage d'extermination des juifs est le moins élevé d'Europe".
Difficile recherche donc, tant il a semblé nécessaire à l'auteur et on le comprend, de conserver tout au long de son travail et "dans le même souffle, le quotidien de la persécution et celui de l'entraide."
Difficile recherche également car multiples sont les facteurs et nombreux également ceux qui ont joué dans les deux sens, sans parler du plus aléatoire, la chance et son double mortifère la malchance, qui ont souvent tenu un rôle non négligeable.
Au bout de ces 900 page qu'ai-je retenu ?
Ce bilan, dont j'ignorais le détail jusque là :
- 75 % des juifs vivant en France en 1940 ont survécu à la guerre : soit entre 87 et 88% des français israélites mais seulement 56 à 60% des juifs étrangers.
- 3000 juifs sont morts en France dans des camps, il y en avait "quelques deux cents".
- Sur les 80 000 victimes recensées, près de 12 000 étaient des enfants.
La survie de ceux qui ont échappé aux persécutions n'a été possible que grâce à la conjonction de multiples facteurs - historiques, géographiques, économiques, politiques - et de multiples énergies - individuelles ou collectives, communautaires ou chrétiennes, officielles ou secrètes qui se sont constituées peu à peu en véritables réseaux, dont l'action n'a pu être assurée que par le silence de tous ceux qui les entouraient.
Ainsi, à côté des mouvements d'entraide spontanée, dont les 3500 Justes de France restent un puissant symbole, s'est constitué peu à peu un mouvement de "résistance civile" " déployé par des orgnisations juives et non juives pour mettre le plus possible de juifs à l'abri des déportations".
Les "lieux de refuge, pays et villages sauveteurs", tels le Chambon-sur-Lignon et le diocèse de Nice en sont l'illustration.
Les "lieux de refuge, pays et villages sauveteurs", tels le Chambon-sur-Lignon et le diocèse de Nice en sont l'illustration.
L'arrestation des enfants et les mouvements de réprobation qu'elle a entraînés, les églises protestantes, puis catholiques, l'héritage républicain - dans l'Europe nazie, seuls deux pays continuent à accueillir les enfants juifs au sein des écoles : le Danemark et la France et les internats y ont souvent joué le rôle de refuge - ont été des freins culturels à la persécution, sans parler de l'esprit patriotique qui a poussé certains a vouloir aider les juifs "non pas parce qu'ils étaient philosémites (et même parfois bien au contraire), mais parce qu'ils voulaient faire quelque chose contre les allemands".
L'aide apportée a été le plus souvent gratuite... Mais aussi dans certains cas intéressée : rétribution de services, pensions, loyers, main d'oeuvre... ou baptême.
D'autres lecteurs en retiendront probablement d'autres choses, tant cet ouvrage est foisonnant.
Pour ma part je ne regrette en rien l'effort qu'il m'a demandé...
Heureusement, la rigueur de l'auteur, son style clair, les aides à la compréhension que constituent les dictionnaire des sigles, cartes et autres index m'ont facilité la tâche, tandis que les photos des témoins sollicités et les transcriptions de témoignages atténuaient l'aridité souvent nécessaire du propos.
Heureusement, la rigueur de l'auteur, son style clair, les aides à la compréhension que constituent les dictionnaire des sigles, cartes et autres index m'ont facilité la tâche, tandis que les photos des témoins sollicités et les transcriptions de témoignages atténuaient l'aridité souvent nécessaire du propos.
Un beau travai donc, dont on comprend que l'auteur soit sorti éprouvé.
Derrière ces analyses il y avaient des hommes des femmes, des enfants,
"meurtris par la persécutions, parfois inconscients du danger,..., terrorisés par la brutalité du pouvoir, abattus par la perte d'être chers, effrayés de se faire prendre à leur tour, prenant la décision déchirante de se séparer de leurs enfants, fuyant de lieu en lieu sous une fausse identité, à la recherche d'un asile, ne sachant de quoi serait fait le lendemain."
Il y avait aussi une formidable pulsion de vie.
Derrière ces analyses il y avaient des hommes des femmes, des enfants,
"meurtris par la persécutions, parfois inconscients du danger,..., terrorisés par la brutalité du pouvoir, abattus par la perte d'être chers, effrayés de se faire prendre à leur tour, prenant la décision déchirante de se séparer de leurs enfants, fuyant de lieu en lieu sous une fausse identité, à la recherche d'un asile, ne sachant de quoi serait fait le lendemain."
Il y avait aussi une formidable pulsion de vie.
Très intéressant ' j'ai vu il y a peu une émission sur âtre sur ces villages de Justes qui ont permis à des juifs d'échapper à la déportation Grace à la complicité de tout un village
RépondreSupprimerDans ma famille un couple à cache pendant des mois une famille qui allait à la messe pour mieux se fondre dans la population , il faut les saluer, qu' aurions nous fait ?
Cela reste toujours la grande question à laquelle je me garderai bien de répondre... J'espère juste que...
SupprimerPar contre ce genre de lecture alerte toujours sur les processus qui d'anodins deviennent peu à peu toxiques, à garder en mémoire pour aujourd'hui.
Ca a l'air passionnant, néanmoins pas assez courageuse pour m'engager dans une telle lecture. Je me contenterais de ce que tu as retenu et j'ai déjà appris ds choses ;-)
RépondreSupprimerC'est déjà très bien ainsi ! Les blogs servent aussi à çà : nous ne pouvons pas tout lire mais notre attention est éveillée. Bon week-end, Emma !
SupprimerThis is very interesting, Annie. Thank you for your review!
RépondreSupprimerThanks Suko ! I always admire the way you read my posts !
SupprimerHeartbreaking. Our world's story has so many sad chapters. I admire you for tackling this book .... I tend to be a "Pollyanna" in my reading (she was a children's book character who always found the happy side of life)...it is not a good way to be as an adult and I am not proud of myself for it. I do know that we must remember history so that we don't repeat it....
RépondreSupprimerThank you for this review....
To read is first a pleasure and to be able to see the happy side of life is a big quality ! You 'll see next week that I like to read too more funny things : happily for me and for people who are so kind to read my posts !
SupprimerBut don't ever stop reading the serious books..I learn so much from your reviews and am inspired to try some myself!
SupprimerJe suis surpris par le pourcentage de juifs qui ont survécu, même si les 25% sont de trop.
RépondreSupprimerLes juifs étrangers semblent ne pas avoir bénéficié du même soutien.
Et ceci conduit à se poser la question de l'attitude que nous aurions adoptée en pareilles circonstances.
C'est un chiffre, je pense que l'on connaît peu en effet et bien entendu dont personne ne doit tirer gloire. L'auteur explique très bien, et l'on voit bien pourquoi, comment les historiens ont tout d'abord tenté d'expliquer comment la shoah avait été possible. Ce n'est qu'à présent qu'on se penche sur cet autre volet, et ce n'est pas facile car les explications sont tout sauf simples. Merci de votre intérêt !
RépondreSupprimerJ'aimerais aussi lire le livre de Valentine Goby. C'est une période inlassablement questionnée comme si l'interrogation la plus cruciale était enfouie en son sein.
RépondreSupprimerJe trouve que c'est la cas, tu as raison !
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