mercredi 1 mai 2013

CHRONIQUE D'HIVER




Titre original : "Winter journal" - 2012 -
Auteur : Paul AUSTER
Traduction : Pierre FURLAN
Editions : Actes Sud/Leméac - 2013- 252 pages


Devant ce fait incontestable : il n'est plus jeune, soixante-quatre ans, au moment où il achève ce manuscrit, Paul Auster choisit de faire un retour sur sa vie en empruntant un chemin original, les sensations, toutes celles  "qui viennent de vivre dans ce corps depuis le premier jour" où il s'est senti vivant, jusqu'à aujourd'hui.

Elles sont nombreuses ces sensations : "plaisirs physiques et douleurs physiques",  plénitude  du sommeil enfantin, ivresse  de la bagarre et des jeux,  piqûres horribles des guêpes ou des frelons,  baisers donnés et reçus, extases rêvées puis vécues, mais aussi paroles restées gravées dans sa tête et son coeur, sonneries de téléphone qui ont bouleversé sa vie, malaises violents qui l'ont projeté à terre, et tant d'autres qui ont laissé leurs traces : cicatrices et bosses, dégâts probables et acceptés de l'alcool et du tabac.

Paul Auster, se regarde et se souvient, convoque les images des pays où il a vécu, dont la France, des vingt-et-un appartements et maisons qui l'ont accueilli, évoque ceux qui l'ont marqué, ceux qu'il a aimés ou qui l'ont aimé : inconnus, amis, amantes, tante détestable, cousine secourable,  parents mal-assortis et beaux-parents unis, fils espéré, fille admirée et bien sûr "l'Unique", rencontrée "le 23 février 1981", la femme qui est avec lui depuis ce soir-là. 

Il est tout çà, comme il est, suppose-t-il "le résultat de vastes migrations préhistoriques, de conquêtes de viols et d'enlèvements," le descendant de juifs d'Europe orientale à la progéniture si diverse, qu'il a décidé "en toute conscience d'être tout le monde, d'englober tout le monde" afin d'être "pleinement et plus librement" lui-même. 

C'est un livre d'un charme rare que celui-ci : parce qu'on y découvre un homme sensible et honnête qui se remémore et regrette ses lâchetés, qui pose sur le monde et les autres un regard aigu et tendre, qui sait dire qu'il a aimé et qu'il aime.

Pour peu que l'on ait son âge ou presque, s'ajoute le plaisir des souvenirs partagés.  Le "tu" avec lequel il s'interpelle nous interpelle  tout autant.

Comme  lui on sait qu' "une porte s'est refermée. Une autre s'est ouverte". 
Ensemble nous sommes entrés dans l'hiver de nos vies. 

Heureusement, il y a aussi de belles journées d'hiver en attendant, de "mourir aimable (si l'on peut)."

13 commentaires:

  1. Un titre que je me promets de livre dès que j'en aurai la possibilité. Le très français auteur américain doit poser, je l'imagine à vous lire, un regard mûri sur sa vie. "L'invention de la Solitude" était déjà une sorte de chronique dense et riche..

    Les jours d'hiver connaissent encore de beaux ensoleillements.

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    1. C'est en effet une belle lecture, tendre et drôle à la fois, très humaine dans tous les cas.

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  2. En vieillissant, on devient de plus en plus nostalgique et le passage du temps se fait aussi par électrochocs. même si je suis plus à l'automne qu'à l'hiver de ma vie, je ressens cela. Et Paul Auster fait écho bien sûr, de toute manière.

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    1. Je crois que chaque âge peut trouver dans cette lecture, beaucoup de plaisir, dont celui de découvrir un homme que j'ai trouvé profondément honnête et sympathique.

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  3. Le titre est attirant mais j'ai cessé depuis pas mal de temps de lire Auster qui m'a enchanté pendant longtemps mais beaucoup moins depuis mais à voir .........

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    1. Un conseil, si je peux me permettre, Dominique, lis-le !

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  4. Je le lirai certainement, ce billet confirme les bonnes critiques que j'ai lues de cette "Chronique d'hiver". A son âge et avec l'espérance de vie des occidentaux, ne serait-ce pas encore "l'automne" ? Je n'aime de toute façon pas ces saisons de la vie attribuées selon l'âge : à chaque période de la vie, selon nos épreuves morales ou physiques et/ou nos renaissances, nous traversons les quatre saisons.

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    1. Je pense que c'est lui qui a choisi sa saison. Certainement ce qu'il ressent. Peut-être la crainte de mourir comme ses parents assez jeune et brutalement ?

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    2. C'est compréhensible. Depuis que j'ai dépassé l'âge que mon père n'a jamais eu, chaque jour est un cadeau, même avec ses lourdeurs.

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  5. It's good as we age to read books about this period of life.

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    1. It was a pleasure for me. I think that every "aged" people 'd be happy to read it. It's a funny and tender book too.

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  6. chaque saison a ses plaisirs et l'hiver c'est bien aussi, on peut se remémorer nos autres saisons, et chacune vaut la peine d'être traversée si on a cette chance !

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    1. Depuis que j'ai perdu une amie dans la cinquantaine je me suis bien juré de toujours considérer, comme le dit je ne sais plus qui, que vieillir est bien la seule manière qu'on ait trouvée pour ne pas mourir... et de me souvenir qu'elle serait certainementheureuse d'avoir des rides, mal au dos etc

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