Lors d'un récent séjour à Berlin, j'ai été heureusement surprise de constater que tout un musée était consacré à une artiste dont, à ma grande honte, j'ignorais tout.
Autoportrait de face-188-1889-
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Une telle aubaine ne se refusant pas j'ai donc pris le chemin de la Fasanenstrasse*, où j'ai découvert la grande maison bourgeoise qui abrite une partie importante de l'oeuvre de Käthe KOLLWITZ, dessinatrice, sculptrice , graveuse et femme de conviction.
Autoportrait-1923- |
Le parcours de Käthe Schmidt commence à Könisberg en Prusse Orientale (aujourd'hui Kaliningrad -Russie-) où elle naît le 8 juillet 1867. Très rapidement, elle montre des dons pour le dessin : ce sont les gens qui l'intéressent, travailleurs, marins, paysans, qui fréquentent le bureau de son père et cet intérêt, renforcé par les attaches socialistes de sa famille, ne la quittera jamais.
Après des études artistiques à Munich puis à Berlin, elle se marie avec un jeune médecin, Karl Kollwitz, qui partage ses idéaux.
Ils s'installent à Berlin, dans le quartier populaire de Prenzlauer où il exercera et où naîtront leurs deux fils Hans et Peter.
Mère avec un enfant dans les bras |
Sa célébrité naissante est confirmée de manière inattendue en 1899, lorsque l'empereur Guillaume II, refuse de lui accorder la médaille d'or proposée par le jury de la grande exposition d'art de Berlin où elle expose son puissant cycle "La révolte des tisserands".
En 1913 est nommée chargée de cours à l'Ecole des Arts à Berlin et devient membre du mouvement de la Sécession Berlinoise.
La première guerre mondiale à peine entamée, son fils, Peter, engagé volontaire est tué dans les Flandres à l'âge de dix-huit ans.
Cette mort, dont elle devra vivre la cruelle répétition en 1942, quand son petit-fils sera abattu sur le front russe, marque définitivement son existence, d'autant plus que son mari et elle, par ailleurs très critiques sur le conflit, ont dû signer une autorisation pour que leur fils mineur puisse entrer dans l'armée.
Ce drame la confirmera dans ses engagements pacifistes, qu'elle proclamera durant tout le reste de sa vie
"Plus jamais la guerre"- |
Sa carrière, brillante, continue cependant. En 1917, à l'occasion de son cinquantième anniversaire, des expositions lui sont consacrées dans toute l'Allemagne. En 1919 elle est la première femme à être nommée professeur à l'Académie d'art de Berlin où elle prendra en 1928 la direction des Arts Graphiques.
Veuves et orphelins -1919-
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La femme et la mort -
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En souvenir de Karl Liebknecht -1920- |
Mère avec deux enfants -1932-1936- |
Dans les années qui suivent, ses expositions sont interdites et ses oeuvres retirées des musées qui les abritaient.
Son mari meurt, elle quitte Berlin bombardée : son appartement est d'ailleurs totalement détruit peu après ainsi que tous les documents qu'il contenait.
Elle mourra, elle-même, le 22 avril 1945.
Le musée de Berlin rend parfaitement hommage à ce beau parcours : tous les thèmes qui la taraudaient sont amplement représentés : de nombreux autoportraits dans lesquels il ne faut pas chercher une particulière attention à soi-même, mais plutôt le plus simple moyen de trouver un modèle à bon compte, des représentations pleines d'amour et de chaleur de jeunes mères avec leurs enfants, mais aussi les représentations de la misère, de la faim, de la guerre, de la mort et des douleurs qu'elles ont engendrées.
C'est un parcours en noir et blanc auquel on est invité. Un parcours plein de force, de profondeur, de douleur, de volonté d'agir.
C'est une très belle rencontre.
Une exposition lui a été consacrée durant l'été 2012 au musée Georges de La Tour à Vic-sur-Seille, en Moselle.
Elle a été accompagnée de la publication d'un catalogue, dans lequel j'ai puisé la plupart des informations utilisées dans cet article.
* Käthe KOLLWITZ Museum. Fasanenstrasse 24 Berlin.
Un autre musée lui est consacré à Cologne.
Honte à moi qui, malgré mes origines germaniques, n'en ai jamais entendu parler... cette artiste est impressionnante je trouve. Merci pour cette belle découverte !
RépondreSupprimerOui, je pense que c'est vraiment une grande artiste. Je crois qu'elle est connue en Allemagne, mais je me demande encore pourquoi sa notoriété n'a pas passé les frontières.
SupprimerSuch beautiful, powerful work! Thank you very much for sharing this, Annie.
RépondreSupprimerThanks Suko. Visiting this museum was for me a great day !
SupprimerOh, I was still thinking about how beautiful the etchings of the mother and babies were when I got to the text about the sad deaths....what a strong woman she must have been to continue to do her art after all that happened. Beautiful beautiful work.
RépondreSupprimerYes these etchings are so beautiful ! After her son's death, she draw or sculpted mothers hiding and protecting their children. But the face was no more the same !
SupprimerMerci. C'est très beau. Je ne connaissais pas du tout et je comprends que vous ayez été enchantée de cette visite.
RépondreSupprimerOui, cela a été le cas. C'est le charme des voyages !
SupprimerQuel splendide billet, je ne connaissais pas du tout cette artiste moi non plus, en lisant ta chronique et en voyant le dessin" En souvenir de Karl Liebknecht" je me dis qu'elle devait être proche aussi de Rosa Luxemburg
RépondreSupprimerDes femmes qui affirmaient leur foi en un monde meilleur, j'ai fait un billet il y a quelques mois sur les lettres de R Luxemburg lues par Anouk Grimberg elles sont superbes
Des femmes étonnantes
Merci Dominique ! J'avais vraiment envie de partager cette découverte !
RépondreSupprimerOui elle a été bouleversée par la mort de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Je vais rechercher ton billet et noter cette référence. Merci de me l'avoir signalée.
Très bel article plein de tendresse pour cette artiste. Il semble qu'elle a eu un compagnon qui l'encourageait. on connaît tellment mal les oeuvres des femmes ! Merci d'aider à la connaissance et à la diffusion de ces oeuvres.
RépondreSupprimerJ'étais certaine qu'elle te plairait ! Elle semble bien connue en Allemagne: j'ai l'impresson d'ailleurs qu'il y a là-bas un véritable mouvement de mise en valeur des artistes femmes. J'y ai acheté un livre sur "Cent femmes peintres", avec une notice pour chacune. Je vais tenter de l'exploiter ici....mais il est en allemand, il va donc falloir être patiente.
SupprimerBelle présentation de cette artiste engagée dont j'avais lu le nom chez Euterpe et que je découvre de plus près grâce aux illustrations. Quelles épreuves elle a traversées !
RépondreSupprimerMerci de ta visite ! J'ai été éblouie en visitant ce musée. Oui, elle n'a pas eu la vie facile et son oeuvre témoigne bien des souffrances despauvres gens entre les deux guerres.
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